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Choc, douleur et colère

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La veuve hurlant son désespoir lors des funérailles.

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Deux des fils de la victime portant sa dépouille.

Encore un meurtre qui vient bouleverser le pays en ce début d’année. Cette fois, il s’agit d’un vigile qui a été violemment assassiné sur son lieu de travail pour une histoire de vol de carburant. Ses proches, bouleversés, témoignent…

Des larmes, des cris, du désespoir. C’est une veuve écrasée de douleur, une famille en pleurs qui ont dit un dernier au revoir à Hansraj Sepaul, hier, samedi 22 février. Une foule de personnes émues s’était aussi déplacée au domicile des Sepaul, à Fond-du-Sac, pour rendre un ultime hommage à ce vigile de 58 ans, assassiné dans la nuit du jeudi 20 au vendredi 21 février. Parmi ceux présents, le chagrin se mêlait à la révolte. «Kifer zot inn bisin touy li ?» s’est demandé, très remonté, un de ses voisins. Un autre ne pouvait s’empêcher de repenser, avec colère, aux circonstances dans lesquelles la victime est partie pour toujours, à la violence avec laquelle on s’est acharné sur celui qui était «frel frel».

C’est vendredi matin, vers 7h20, que le corps d’Hansraj, sans vie et recouvert de blessures, a été découvert par un jeune employé de la compagnie de gardiennage pour laquelle travaillait Hansraj sur un chantier situé à Branch Road, Fond-du-Sac. Il travaillait depuis deux ans sur cet emplacement appartenant à un habitant de Nouvelle-France et où étaient entreposés, entre autres, des poids lourds engagés dans le concassage de pierres.

Selon le rapport d’autopsie, le quinquagénaire a succombé à une pression exercée sur son cou. Le médecin légiste a également constaté qu’il avait plusieurs fractures aux côtes. Hansraj Sepaul avait aussi des blessures au visage ainsi qu’une perforation aux intestins qui laissent penser qu’on s’est acharné sur lui avec barbarie.

Dès le départ, les enquêteurs de la Criminal Investigation Division (CID) du Nord et de la Major Crimes Investigation Team (MCIT) ont privilégié la thèse d’un vol qui a mal tourné car environ 30 litres de diesel avaient disparu du chantier. Les malfaiteurs avaient également emporté deux batteries de poids lourds. Quatre suspects ont été arrêtés et interrogés hier dans le cadre de cette affaire. Ils sont passés aux aveux (voir hors-texte).

La victime laisse derrière elle son épouse Anita, 55 ans, et ses quatre fils : Deepak, 39 ans, Vikram, 35 ans, Tulsidas, 31 ans, et Virish, 29 ans, tous terriblement choqués et meurtris par cette disparition brutale. Si les garçons s’efforcent tant bien que mal de tenir le coup, leur mère, elle, est complètement anéantie. Cela allait bientôt faire 40 ans que Hansraj partageait sa vie au quotidien. Le couple était inséparable. Il s’était marié très jeune et Anita n’avait que 16 ans lorsqu’elle a mis au monde son premier enfant.

Elle raconte, en pleurs, que la veille du drame, son époux avait quitté la maison un peu plus tôt, soit vers 14 heures, pour une raison bien précise : «Le soir précédent, il avait passé une très mauvaise nuit car des voleurs s’étaient introduits sur le chantier. Il avait pu les faire fuir en lançant des pierres sur des feuilles tôle et des vigiles qui travaillaient à côté pour le compte d’un éleveur de poulets étaient venus voir si tout allait bien. Il a alors décidé de se rendre sur son lieu de travail plus tôt, jeudi, afin de prévenir une autre visite des voleurs.» Anita se souviendra toujours avec émotion de la dernière fois où elle a vu son mari vivant. «Je venais de finir la préparation de son repas pour la nuit lorsqu’il est parti pour prendre son service qui, d’habitude, débutait à 18 heures. En partant, il m’a dit de bien prendre soin de moi», raconte-t-elle, le visage ravagé par le chagrin. Vraisemblablement, ceux que Hansraj avait réussi à faire fuir la veille sont revenus et cette fois ne se sont pas laissé intimider, au contraire…

«On ne comprends pas»

Aujourd’hui, Anita et ses fils ne peuvent que pleurer celui qui comptait tant pour eux et qui leur manquera terriblement. Ils tentent aussi de comprendre comment Hansraj a pu être la victime d’un acte aussi barbare, lui qui était, selon eux, un homme sans histoire et apprécié de tous. «Notre père n’a jamais eu de prise de bec avec personne au cours de sa vie. On ne comprend toujours pas pourquoi on l’a assassiné. On aurait pu seulement le ligoter. Il ne méritait pas de mourir de cette façon», lâche son fils Deepak, amer.

Son père, poursuit-il, s’efforçait d’entretenir de bonnes relations avec tout son entourage, notamment avec ses voisins de la rue Shakespeare. Il avait d’ailleurs construit plusieurs maisons de son quartier avant de décider d’abandonner la maçonnerie car, selon Deepak, il ne voulait plus faire des travaux trop durs. Jouissant d’une bonne santé malgré son âge, il s’était alors tourné, ajoute son autre fils Virish, vers le métier de vigile, pour contribuer financièrement aux dépenses de la maison, d’autant que son épouse est femme au foyer. Il était conscient, selon ses proches, des dangers que comportait ce travail, mais pensait qu’il arriverait à les contrecarrer. Hélas, une bande de malfrats ne lui a laissé aucune chance ; ils se sont acharnés sur lui avec une telle violence qu’il en est mort.

Encore une personne qui vient s’ajouter à la liste des victimes de meurtre, qui n’arrête pas de s’allonger, en ce début d’année. Laissant leurs proches dans le désarroi le plus total.

Yash Ramchurn, conseiller de Fond-du-Sac : «Les habitants ont peur»

Il est révolté. Yash Ramchurn, conseiller du village de Fond-du-Sac, a un mélange de colère et de tristesse dans son cœur. De la colère parce qu’il n’accepte pas que Hansraj Sepaul soit mort dans ces horribles circonstances. De la tristesse car il imagine la peine des proches de cet homme qui faisait partie de sa localité : «Il était allé travailler pour nourrir sa famille. Et ses proches qui attendaient son retour apprennent qu’il est mort. C’est impensable !» Comme lui, les autres habitants de la localité sont sous le choc : «Nombreux sont ceux qui ont peur. Ils sont choqués. Ils ne se sentent plus en sécurité.»

Du coup, cette insécurité provoque certains sentiments animés, certainement, par la détresse causée par cette disparition : «Les coupables ne devront pas faire face uniquement aux autorités. C’est tout un village qui demandera des comptes.» Le jeune homme va encore plus loin : «Ce n’est pas possible de tuer quelqu’un de sang froid comme ça. Sans aucune pitié. C’est dommage que la peine capitale n’existe plus. Il n’y a pas de place dans ce pays pour ce genre d’individus.»

Au-delà de toute cette colère, Yash Ramchurn suit l’affaire de près. Et pense déjà aux différentes façons de rassurer les résidents du petit village du nord de l’île : «J’ai contacté la police afin de trouver le moyen d’identifier les endroits à risques et de m’assurer qu’il y ait des patrouilles régulièrement. Ce serait une bonne chose.»

Jane Ragoo : «Ces vigiles ne sont pas en sécurité»

Alors que ces hommes et ces femmes, vigiles ou gardiens, sont censés assurer la sécurité d’un lieu ou de personnes, eux-mêmes sont souvent démunis. C’est le constat de Jane Ragoo, présidente de la Confederation Travayer Sekter Prive (CTSP). Selon elle, cette profession n’a pas de cadre légal approprié : «Ces personnes travaillent 12 heures par jour. C’est énorme ! En plus, ce sont des emplois qui ne sont pas bien rémunérés. Ils sont exploités à outrance.» Pour la syndicaliste, il faudrait définir des critères pour ces emplois : «Il faut regarder le physique. La personne doit en imposer. C’est normal, c’est le métier. De plus, il faut que ces personnes soient formées. Elles doivent avoir les moyens et les connaissances nécessaires pour se protéger.» Parfois, explique-t-elle, les vigiles engagés ont plus de 60 ans : «C’est inimaginable. La CTSP s’intéresse de près à ce dossier.»

Quatre suspects arrêtés passent aux aveux

La collaboration entre les différentes unités de la police a, une fois de plus, été payante. Les limiers de la CID du Nord et leurs collègues de la MCIT ont procédé à l’arrestation de quatre suspects suite à l’agression mortelle de Hansraj Sepaul. Il s’agit de quatre habitants de Mount : les frères Nadim et Nahim Korimbaccus, 23 et 26 ans respectivement, Vicky Ram, 26 ans, et Adriano Ravatte, 17 ans. Selon nos informations, les quatre suspects sont déjà passés aux aveux. Ils auraient frappé le vigile avec un «dibwa koulou» et quand il est tombé sous leurs coups, ils lui ont maintenu le cou avec leurs pieds. L’un d’eux, le suspect Nahim Korimbaccus, est déjà fiché à la police comme récidiviste. Il a plusieurs délits de vol à son actif. Les arrestations font suite à des renseignements glanés par les officiers du National Security Service et leurs collègues de la Field Intelligence Unit, et transmis ensuite aux limiers de la CID du Nord et ceux de la MCIT. Les quatre présumés meurtriers de Hansraj Sepaul vont comparaître en cour, le lundi 24 février, sous une charge provisoire de murder.

Plusieurs homicides depuis le début de l’année

Les policiers ont fort à faire en ce début 2014 avec plusieurs cas d’homicide déjà enregistrés. L’année avait débuté avec la découverte, le 1er janvier, du cadavre d’un habitant de Cité Bois-Marchand, couvert de blessures, dans une rue de sa localité. Il y a ensuite eu l’agression mortelle d’un habitant de Plaine-des-Roches par son gendre de même que celle d’un marin coréen par ses collègues. Le pays a aussi connu quatre crimes passionnels avec les meurtres de quatre femmes, trois par leurs conjoints et une par un ex-petit ami. Un garçonnet de 7 ans a également rendu l’âme, il y a trois semaines, après avoir été agressé à l’acide, une vingtaine de jours plus tôt.

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