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Des détenus sur la route de la rédemption

Alors que des milliers de dévots s’apprêtent à prendre la route du Ganga Talao (certains ont déjà entamé leur marche) en marge des célébrations de Maha Shivaratree, ils seront plus d’une vingtaine à se livrer au même pèlerinage dans l’enceinte de la prison de Richelieu. Un geste hautement symbolique pour ces prisonniers…

Depuis quelques jours, l’ambiance est particulière. Une effervescence inhabituelle anime la prison de Richelieu. Une vingtaine de prisonniers s’apprêtent à vivre un événement important, le Maha Shivaratree. Cette fête est une des plus importantes du calendrier hindou et sera célébrée le jeudi 27 février. Le pandit Dheeraj Mohun Sharma, qui guide et accompagne les détenus depuis plusieurs années, est particulièrement fier de ses fidèles.

Si des milliers de dévots (dont certains ont déjà débuté leur pèlerinage) convergeront, à partir de demain, vers Grand Bassin, les détenus, issus de confessions religieuses différentes, seront en pèlerinage, ce mercredi, dans l’enceinte de la cour de la prison. Participer à cette célébration a, pour ces prisonniers (qui sont derrière les barreaux depuis neuf, dix et

12 ans, voire plus, pour certains), une signification toute particulière. À travers ce geste, ils espèrent expier leurs fautes et recevoir le pardon et la grâce du dieu Shiva.

Pour raconter leur histoire, ils n’ont pas souhaité cacher leurs visages, ni leurs noms. Tout ce qu’ils veulent, disent-ils, c’est montrer à la société qu’ils ont décidé de devenir de meilleures personnes. Dans cette quête, leur croyance religieuse est d’une aide précieuse et leur foi, un pilier qui les aide à prendre un nouveau départ.

Cette bénédiction est extrêmement importante aux yeux d’Anand qui participera pour la première fois à ce festival haut en couleur depuis qu’il est incarcéré à la prison de Richelieu. L’homme de 42 ans était un habitué de cette fête quand il était en liberté. Avec sa famille, il se rendait chaque année au Ganga Talao. Mais depuis qu’il purge une peine d’emprisonnement pour une affaire de drogue, c’est entre les quatre murs de la prison qu’il célèbre le Maha Shivaratree. «Pour moi, être en prison ne m’empêche pas de pratiquer ma religion. Prier nous donne de la force, nous aide à avoir confiance en nous et à adopter un meilleur comportement dans la société. Nous demandons la bénédiction de Shiva afin que nous puissions traverser les obstacles sans encombre», confie-t-il.

Carême

Après 11 ans à la prison de Beau-Bassin, Maheswar Gopalsing, 41 ans, condamné pour un cas de meurtre, est arrivé à Richelieu il y a neuf mois. Comme chaque année depuis son emprisonnement, il ne manque pas une seule fois cette célébration et espère ainsi expier ses fautes et retrouver une certaine paix d’esprit. «Nous avons commis des erreurs, mais aujourd’hui, nous voulons nous racheter. Le Maha Shivaratree nous permet de demander pardon, de purifier notre âme et notre corps, et de faire de bonnes actions», explique-t-il.

Pour les 22 prisonniers de l’établissement pénitentiaire de Richelieu, les préparatifs ont commencé il y a plusieurs semaines. Chacun a mis la main à la pâte. Certains ont nettoyé et repeint le temple, d’autres ont aidé à monter cette traditionnelle structure en bois abritant les statuettes de Shiva. Comme les autres dévots, ils ont eux aussi observé un carême de dix jours, se sont pliés à des séances de prière quotidiennes et ont également construit trois kanwars qu’ils porteront en procession. «Nous n’avons mangé aucune viande pendant dix jours et nous avons une heure de prière au temple de la prison quotidiennement», souligne Rundeersing Unmole qui est arrivé dans cette prison ouverte après avoir passé dix ans dans un autre centre pénitentiaire.

Arrêté pour un cas de vol, Robysaham Nushib, 28 ans, est le plus jeune de la bande et celui qui fait la liaison entre l’administration et ses amis prisonniers. Ils sont tous, dit-il, reconnaissants de pouvoir bénéficier des facilités nécessaires à chacune de leurs fêtes religieuses : «Nous avons la chance de pouvoir pratiquer notre religion même en prison. Nous avons tout ce dont nous avons besoin et pouvons compter sur l’aide et le soutien des officiers. Nous les remercions énormément pour cela.»

Pour ne pas faire les choses à moitié, des officiers iront récupérer un peu de l’eau sacrée du lac de Grand- Bassin, et celle-ci sera ensuite versée dans un bassin de la prison. Les participants convergeront ensuite en procession vers ce lac improvisé. Pour les plonger encore plus dans cette atmosphère, des photos et des posters du dieu Shiva seront placés le long du parcours les menant vers le bassin. Des instruments de musique seront aussi disponibles. De plus, des fruits seront offerts pour qu’ils puissent les donner en guise d’offrande à la divinité.

Pour l’administration pénitentiaire, soutenir les détenus dans cette démarche est un pas vers la réhabilitation et la réinsertion des prisonniers. «Nous donnons à tous la possibilité de pratiquer leur religion et leur fournissons tout ce qui est nécessaire car ils trouvent, dans la prière, la force de changer et de devenir meilleurs», explique Vishwanath Bumma, surintendant de la prison de Richelieu.

Pour le pandit Dheeraj Mohun Sharma, la spiritualité est très importante pour ces détenus car elle leur permet de trouver la lumière, de se recentrer sur ce qui est essentiel, et de changer de vie : «Vivre dans la foi les aide à tenir le coup. Être entre quatre murs n’est pas quelque chose de facile. Cela les aide aussi à aller dans le droit chemin et à retrouver la paix. Ils ont, certes, commis des erreurs, mais ils ont aussi droit au pardon.»

Avoir droit à une seconde chance, c’est là tout ce que ces prisonniers espèrent.

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