C’est un projet qu’elle porte depuis longtemps. Après plusieurs mois de travail, Marie-Laure Ziss-Phokeer présentera, enfin, au public son exposition WOW MOM + : transmettre l’amour, pas le VIH du 1er au 8 décembre 2022, au Caudan Arts Centre.
Un projet, une mission
WOW MOM + : transmettre l’amour, pas le VIH. Le titre de l’exposition est fort, poignant. Et si elle l’a choisi, ce n’est pas par hasard. C’est le message que Marie-Laure Ziss-Phokeer veut transmettre à la population mauricienne. Pour y parvenir, elle tiendra, dans quelques jours, une exposition de 11 céramiques, initiative d’ARTZIL, atelier qu’elle dirige, afin de non seulement sensibiliser les Mauriciens à la prévention du VIH de la mère à l’enfant, mais aussi pour récolter des fonds pour PILS. L’exposition débutera le 1er décembre, qui marque la Journée mondiale de la lutte contre le VIH, et se tiendra jusqu’au 8 décembre au Caudan Arts Centre (salle Playground) du lundi au dimanche, de 9h30 à 22 heures.
Tout est parti d’un constat, explique l'artiste-activiste et membre fondateur du KDZM. «En 1997, à l’initiative de PILS, les traitements antirétroviraux ont été initiés à Maurice par le ministère de la Santé. Et deux ans plus tard, soit en 1999, un programme est mis sur pied par le secteur public pour prévenir spécifiquement la transmission VIH de la mère à l’enfant. Une grande avancée ! Et pourtant, en 2022, cela m’interpelle en tant qu’activiste et artiste que l’objectif 'zéro transmission VIH de la mère à l’enfant' peine encore à être atteint. 23 ans après.» Cette collecte permettra ainsi à l’ONG de financer des projets pour les femmes et les enfants vivant avec le VIH. «Il s’agit des achats-donations adressés directement à PILS et déductibles notamment de la taxe CSR pour les compagnies.»
Dans ce projet, l’activiste sociale a été soutenue par le National Arts Fund du ministère des Arts et de la culture, et Aspen Global Incorporated, une société pharmaceutique internationale, qui ont financé l’exposition, convaincus de l’importance de se joindre à cette cause pour faire preuve de solidarité et trouver ensemble des solutions contre le VIH et tous les tabous qui y sont associés.
Des stats inquiétantes
À Maurice, 69 bébés sont nés avec le VIH au cours de ces dix dernières années. Selon ONUSIDA, 5,26 % des femmes enceintes vivant avec le VIH ont transmis le VIH à leur bébé, à Maurice, en 2021. Selon les données de l’OMS, en l’absence de traitement, les femmes enceintes vivant avec le VIH ont une probabilité de 15 à 25 % de transmettre le virus à leur enfant au cours de la grossesse, du travail, de l’accouchement ou de l’allaitement au sein.
Pour sensibiliser les Mauriciens à cette cause, Marie-Laure Ziss-Phokeer veut, ainsi, les interpeller à changer de regard sur la maladie et sur ces femmes qui ont donné la vie. «L’exposition est une manière de donner la parole à ces femmes souvent stigmatisées, en retrait, et qui ne sont pas toujours des participantes actives de leur propre prise en charge médicale. Le manque d’adhérence au traitement ARV peut conduire à la transmission du VIH à l’enfant à naître. Derrière ce manque d’adhérence : les discriminations mais aussi la précarité sociale, les difficultés économiques. Alors même qu’aujourd’hui, le traitement ARV assure un risque quasi nul de transmettre le VIH au bébé pendant la grossesse.»
Cette exposition, poursuit-elle, est aussi un message d’espoir. «Au-delà de la mise en lumière sur la cause du VIH pédiatrique que représente cette exposition, cet événement est une plateforme pour donner une voix aux femmes vivant avec le VIH. Et c’est aussi un message d’espoir pour leur bébé à naître que souhaitent transmettre ces femmes fortes, ces WOW MOM +. Un message aussi pour une meilleure prise en charge de leurs enfants.»
À découvrir
L’amour et le courage. Deux éléments qui transpirent de cette exposition hors du commun. Outre des panneaux, des statistiques et des récits audio des témoignages des femmes, le public pourra découvrir 11 sculptures en céramique symbolisant des phases de la grossesse et de la vie de nouvelle maman. «Toutes ces œuvres ont été réalisées à partir d’un moule en plâtre, apposé à même la peau d’une femme enceinte anonyme vivant avec le VIH. Moulage réalisé au début de l’année à Nou Villa, centre de PILS.»
Les Mauriciens pourront ainsi découvrir des œuvres émouvantes, retraçant la réalité de femmes courageuses de différentes générations. «Dans leur quotidien de femme, de mère et de patiente, elles font preuve d’une énergie et d’une force marquantes. Et d’un amour inconditionnel pour leur enfant à naître.» L’exposition sera accompagnée d’une série de clichés remarquables de l’artiste photographe Khatleen Minerve : des photographies documentant le moulage réalisé dans les locaux de PILS à Port-Louis et le travail technique en coulisses à l’Atelier Artzil, à Albion. Les œuvres en céramique, qui seront mises en vente au profit de PILS, peuvent également être visionnées sur le catalogue en ligne : https://www.artzilstudio.com/_files/ugd/593e29_b909755146154a9b9477e2aed.... «Cette exposition est dédiée à toutes les personnes décédées des suites du SIDA (141 patients en 2020) et tous les parents qui n’ont pas eu la chance de voir grandir leurs enfants à cause du SIDA. Des visites guidées seront organisées pour les groupes de plus de 10 personnes (ados ou adultes) par PILS, en journée, de 9h30 à 17 heures. Inscriptions online uniquement : https://calendly.com/artzil/visitegroupes.»
ARTZIL : l’engagement social à travers l’art
Son engagement ne date pas d’hier. Il s’est d’ailleurs intensifié avec ARTZIL, atelier que Marie-Laure Ziss-Phokeer a fondé en 2019 avec l’objectif de mettre la création artistique au service des causes sociales, dont l’avancée des Droits de l’enfant et de leur accès aux services de santé, à Maurice. Son premier gros projet s’est fait la même année, en collaboration avec l’ONG Étoile d’Espérance, un centre de réhabilitation pour les femmes souffrant d’une addiction à l’alcool. Ensemble, ils créent une collection de pendentifs afin de sensibiliser et lever des fonds pour prévenir le Syndrome d’Alcoolisation Fœtale (SAF).
L’année suivante, toujours motivée par la voie qu’elle veut donner à son atelier de création, elle se lance dans un nouveau projet après des rencontres avec des femmes vivant avec le VIH et qui sont aussi des mamans. Leur parcours et leur histoire poussent Marie-Laure Ziss-Phokeer à embrasser une nouvelle cause, touchée en plein cœur par la vie des huit bébés nés avec le VIH cette année-là. C’est comme ça qu’est né le projet WOW MOM + qui a été cependant freiné par la Covid-19 et les restrictions sanitaires. Deux ans plus tard, l’exposition a finalement pu voir le jour.