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Lacaz Solitude : la musique comme arme de combat

L’apprentissage de la musique pour une jeunesse plus épanouie, plus créative et plus ambitieuse. C’est l’objectif que cherche à atteindre Lacaz Solitude avec ses cours de ravane.

17 heures. Solitude. Sous la petite varangue de Lacaz Solitude, Marine Martin, la responsable des activités pour les jeunes, et Jérémie Manoula, prof de musique, finalisent les derniers détails du cours qu’ils s’apprêtent à donner à la dizaine de jeunes qui franchiront bientôt la porte d’entrée. C’est ensemble qu’ils animent depuis quelque temps des classes de musique et des ateliers de fabrication de ravanes pour les jeunes des quartiers des régions avoisinantes. Ce projet, explique Marine Martin, est né suite à un simple constat. «Nous offrons un service d’accompagnement scolaire pour les enfants du quartier mais nous nous sommes rendu compte que l’académique ne suffit pas pour permettre à un jeune de développer son plein potentiel.» 

 

C’est alors que Lacaz Solitude a fait appel à Jérémie Manoula qui a monté une école de musique au cœur de Roche-Bois pour offrir aux jeunes de la localité de nouvelles opportunités et possibilités. Quand il a été contacté, le jeune homme, qui a pour modèles deux grands ravaniers mauriciens, Ceribain Bancoult et Gino Lapunaire, n’a pas hésité une seconde à participer à cette nouvelle aventure sociale.

 

C’est ainsi que l’équipe de Lacaz Solitude s’est lancé un nouveau défi, celui d’apprendre à des enfants et des jeunes qui ne connaissent rien à la musique à jouer d’un instrument et à fabriquer des ravanes. Aujourd’hui, ils sont une dizaine à qui ces cours offrent une alternative à l’ennui et une possibilité d’acquérir de nouvelles compétences. Lorsqu’ils arrivent en cours, Eloick, Ismael, Sandy et les autres sont toujours de bonne humeur. C’est munis de leurs instruments comme la ravane, le djembé ou encore le triangle qu’ils débarquent. Le cours peut alors commencer.

 

Développer un savoir-faire

 

La session se passe toujours en deux parties. Il y a la première où l’on apprend de nouveaux morceaux et où l’on joue et chante. Ensuite, vient la seconde étape, celle de l’atelier de fabrication où, sous l’œil attentif de Jérémie Manoula, les jeunes apprennent à manier les outils et à fabriquer un instrument. L’idée est de leur permettre de développer un savoir-faire et, pourquoi pas, des perspectives d’avenir.

 

Eloick Gentil, 17 ans, se concentre sur les directives du formateur. «On tape une fois ici, deux fois-là. Suivez le tempo. Restez en rythme.» Depuis qu’il a commencé les cours de musique, l’adolescent s’est découvert une véritable passion pour le séga typique, lui qui n’avait jamais touché à une ravane avant. «Je n’y connaissais rien mais je me suis dit pourquoi pas ? De toute façon, je n’avais rien d’autre à faire. J’ai tout de suite beaucoup aimé. Au début, bien sûr, c’était un peu compliqué mais je suis de plus en plus à l’aise.»

 

C’est effectivement avec beaucoup d’aisance qu’Eloick prend place à côté de ses camarades pour jouer un morceau sous l’œil attentif de Jérémie. Marine, elle, le temps d’une classe, se fait chanteuse de séga. L’ambiance est au rendez-vous et les jeunes jouent avec entrain. Permettre aux jeunes de se découvrir, de s’ouvrir aux autres et de s’épanouir à travers la musique. Tel est l’objectif de ce cours et ça fonctionne. En quelques mois, affirment les deux animateurs, les jeunes ont non seulement pu placer leur énergie dans quelque chose de positif mais ils ont aussi développé un vrai potentiel. «Ils ont beaucoup de talent et ça les aide de nombreuses manières. Ils arrivent à mieux s’exprimer et à canaliser leur énergie. Ils sont plus disciplinés et beaucoup plus concentrés», explique Marine.

 

Depuis qu’ils assistent aux cours de musique donnés par Lacaz Solitude, Ismael Pitchen, 11 ans, et Sandy Murugan, 16 ans, se sentent différents, comme animés par une passion nouvelle. «Quand je sais que je vais venir aux cours de musique, je suis impatient. Je n’attends que ça. C’est un vrai plaisir», confie Sandy qui a toujours été attiré par le monde de la musique. «Mon beau-frère joue dans les hôtels. J’ai toujours été fasciné par ce qu’il fait et je me disais qu’un jour, moi aussi je jouerais à la ravane. Ces cours m’ont permis de découvrir la base et de travailler dur pour me perfectionner mais le plus important, c’est que ça me permet d’être bien dans ma peau.»

 

Ce qu’Ismael préfère, lui, c’est non seulement apprendre à développer un savoir-faire mais aussi avoir la possibilité de se dépasser. Grâce à ses multiples talents, la petite troupe a eu plusieurs fois l’occasion de se produire sur scène. «C’est extraordinaire. Si on m’avait dit il y a quelque temps que je pourrais monter sur scène et jouer devant des inconnus, je ne l’aurais pas cru.» Pourtant ! Ces cours, bien plus que de leur permettre de s’épanouir et d’apprendre de nouvelles choses, leur ont permis de croire en eux et en leur potentiel.

 

Marine et Jérémie, eux, sont convaincus d’une chose : l’art peut être utilisé pour mettre les jeunes sur le bon chemin. «Aujourd’hui, il y a beaucoup de dangers qui guettent. La drogue, la délinquance. Nos jeunes sont très vulnérables et la musique peut les aider à ne pas tomber dans les fléaux qui ravagent notre société», lance le prof de musique. Eloick, Ismael et Sandy rêvent aujourd’hui tous les trois d’une chose : de faire de la musique leur métier.

 


 

Christiane Pasnin, responsable : «L’académique seul ne suffit pas»

 

Apprendre à un enfant à seulement lire et écrire ne suffit pas. Christiane Pasnin, responsable de Lacaz Solitude, en est convaincue. Pendant des années, l’équipe a proposé de l’accompagnement scolaire aux enfants de la région mais très vite, elle s’est rendu compte d’une chose : «L’académique seul ne suffit pas. Ils ont besoin d’autre chose. Ils ont besoin de pouvoir s’amuser, se développer, s’exprimer, s’épanouir.» Les cours de musique viennent pallier ce manque. Il faut dire, affirme la responsable, que les résultats sont là. «Ces jeunes ont eu une chance de développer leurs talents et d’exploiter leurs potentiels. Ils n’avaient pas forcément de plateforme pour le faire avant. Nous avons donc créé cet espace pour leur offrir cette opportunité.»

 

À plusieurs reprises, les jeunes de Lacaz Solitude ont eu l’occasion de monter sur scène et de montrer ce dont ils sont capables. Pour Christiane Pasnin, cela veut dire plusieurs choses. «Ils ont du talent et ces cours leur ont permis de dépasser leur timidité pour s’ouvrir au monde qui les entoure. Ils sont beaucoup plus en confiance et leur estime de soi en ressort grandi. Ils découvrent de jour en jour leur capacité et ça leur permet de mieux s’exprimer.» Le fait que certains entrevoient même une possibilité de carrière est aussi une source de satisfaction pour l’équipe de Lacaz Solitude qui est fière de pouvoir offrir de nouvelles perspectives d’avenir à ces jeunes.