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Journée mondiale des troubles bipolaires - Le Dr Ravi Megnath Seetohul : «En ces temps de pandémie, une personne bipolaire peut présenter des comportements à risque…»

Ce spécialiste en psychiatrie et en santé mentale nous en dit plus sur ce trouble et prodigue quelques conseils pratiques en période de pandémie…

Il existe plusieurs types de trouble bipolaire. Comment les distinguer ?

 

Trouble bipolaire I. Vous avez eu au moins un épisode maniaque qui peut être précédé ou suivi d’épisodes hypomaniaques ou dépressifs majeurs. Dans certains cas, la manie peut déclencher une rupture avec la réalité (psychose).

 

Trouble bipolaire II. Vous avez eu au moins un épisode dépressif majeur et au moins un épisode hypomaniaque mais vous n’avez jamais eu d’épisode maniaque.

 

Trouble cyclothymique. Vous avez eu pendant au moins deux ans – ou un an chez les enfants et les adolescents – de nombreuses périodes de symptômes d’hypomanie et de périodes de symptômes dépressifs.

 

Autres types. Ceux-ci incluent, par exemple, les troubles bipolaires et troubles associés causés par certaines drogues ou l’alcool, ou dus à une condition médicale comme la maladie de Cushing, la sclérose en plaques ou un accident vasculaire cérébral.

 

À quoi reconnaît-on un trouble bipolaire ?

 

Le trouble bipolaire se caractérise par des sautes d’humeur extrêmes qui peuvent passer de hauts extrêmes (manie) à de bas extrêmes (dépression). Les épisodes de manie et de dépression durent souvent plusieurs semaines ou plusieurs mois.
Pendant une période de dépression, les symptômes suivants peuvent se présenter…

 

• Se sentir triste, désespéré ou irritable la plupart du temps ;

 

• Manque d’énergie ;

 

• Difficulté à se concentrer et à se souvenir des choses ;

 

• Perte d’intérêt pour les activités quotidiennes ;

 

• Sentiment de vide ou d’inutilité ;

 

• Sentiments de culpabilité et de désespoir ;

 

• Se sentir pessimiste à propos de tout ;

 

• Douter de soi ;

 

• Être délirant, avoir des hallucinations et des pensées perturbées ou illogiques ;

 

• Manque d’appétit ;

 

• Difficulté à dormir ;

 

• Se réveiller tôt ;

 

• Pensées suicidaires.

 

La phase maniaque, elle, comprend les symptômes suivants…

 

• Se sentir très heureux, exalté ou fou de joie ;

 

• Parler très vite ;

 

• Se sentir plein d’énergie ;

 

• Se sentir important ;

 

• Se sentir plein de nouvelles idées géniales et avoir des projets importants ;

 

• Être facilement distrait ;

 

• Être facilement irrité ou agité ;

 

• Être délirant, avoir des hallucinations et des pensées perturbées ou illogiques ;

 

• Ne pas avoir envie de dormir ;

 

• Ne pas manger, se droguer et abuser de l’alcool ;

 

• Faire des choses qui ont souvent des conséquences désastreuses, comme dépenser de grosses sommes d’argent pour des articles coûteux et parfois inabordables ;

 

• Prendre des décisions ou dire des choses qui ne sont pas dans son caractère et que les autres considèrent comme risquées ou nuisibles.

 

Quelles en sont les causes ?

 

Les experts pensent qu’il existe un certain nombre de facteurs qui rendent une personne plus susceptible de développer un trouble bipolaire. Il s’agirait d’un mélange complexe de facteurs physiques, environnementaux et sociaux.

 

- On pense généralement que le trouble bipolaire est le résultat de déséquilibres chimiques dans le cerveau. Les substances chimiques responsables du contrôle des fonctions cérébrales sont appelées neurotransmetteurs. Il existe des preuves que s’il y a un déséquilibre dans les niveaux d’un ou de plusieurs neurotransmetteurs, une personne peut développer certains symptômes du trouble bipolaire.

 

- Le trouble bipolaire est souvent héréditaire, les facteurs génétiques représentant environ 80 % de la cause de la maladie. Si l’un des parents est atteint de trouble bipolaire, il y a 10 % de chances que son enfant développe la maladie. Si les deux parents ont un trouble bipolaire, la probabilité que leur enfant développe un trouble bipolaire s’élève à 40 %.

 

- Une circonstance ou une situation stressante déclenche souvent les symptômes du trouble bipolaire. Comme la rupture d’une relation ; un abus physique, sexuel ou émotionnel ; ou encore le décès d'un être cher. Ces types d’événements peuvent provoquer des épisodes de dépression à tout moment.

 

- Le trouble bipolaire peut également être déclenché par : une maladie physique ; des perturbations du sommeil ; des problèmes accablants dans la vie quotidienne, concernant l’argent, le travail ou les relations.

 

Quelle est la prise en charge actuelle à Maurice ?

 

Les principaux traitements du trouble bipolaire comprennent les médicaments (stabilisateurs d’humeur, antipsychotiques, associations antidépresseurs-antipsychotiques, médicaments contre l’anxiété) et les conseils psychologiques (psychothérapie) pour contrôler les symptômes. Ils peuvent également inclure des groupes d’éducation et de soutien.

 

Vivre l’épidémie de Covid-19 peut constituer un défi majeur pour les personnes atteintes de bipolarité. Quels conseils pourriez-vous leur donner ?

 

Dans le contexte de la pandémie actuelle de Covid-19, une personne souffrant d’un trouble de l’humeur bipolaire peut présenter des comportements à risque, comme ne pas porter de masque facial car elle se sent invincible. Par conséquent, elle finit par avoir des ennuis avec les autorités. Les stratégies d’adaptation suivantes peuvent aider les personnes bipolaires à gérer de manière proactive les problèmes potentiels liés à la pandémie, comme le confinement…

 

• Reconnaître que ce sont des moments stressants pendant lesquels il est compréhensible de se sentir concerné ;

 

• Comprendre que l’objectif est d’être capable de gérer ses sentiments au fur et à mesure qu’ils se manifestent ;

 

• Établir un horaire de travail, de détente et de connexion avec les amis et la famille, tout en maintenant les bonnes mesures de distanciation physique ;

 

• Manger des repas réguliers et sains ;

 

• Établir et suivre de bonnes habitudes de sommeil ;

 

• Passer du temps à l’extérieur chaque jour ;

 

• Rester physiquement actif en marchant, en courant, en faisant du vélo ou en utilisant des options d’exercice en ligne gratuits ;

 

• Essayer de faire des séances de thérapie en ligne – la thérapie virtuelle est une excellente option pour ceux qui n’ont pas accès à leurs séances habituelles ;

 

• Travailler avec une pharmacie pour organiser la livraison de médicaments ;

 

• Faire diverses activités relaxantes et engageantes, de la cuisine à la lecture, en passant par les mots croisés.

 

Infos pratiques : Le Dr Ravi Megnath Seetohul est également membre international de l’American Psychiatric Association et auteur. Pour plus d’informations ou pour une prise de rendez-vous, vous pouvez le contacter sur les numéros suivants : 5853 7656, 5928 0834.

 

Francesca Sookahet et Valérie Dorasawmy

 


 

Mathilde*, 27 ans et bipolaire : «Les maladies mentales sont encore trop taboues à Maurice»

 

La Journée mondiale des troubles bipolaires, qui a lieu chaque année le 30 mars, vise à informer, favoriser la prévention et les diagnostics précoces, et combattre la stigmatisation. À cette occasion, Mathilde nous raconte son quotidien depuis qu’elle a découvert qu’elle est bipolaire…

 

Il y a de ces troubles dont on entend peu parler. Notamment lorsqu’il s’agit de santé mentale. La bipolarité en fait partie. Si elle est souvent associée à la folie, il s’agit bien d’un trouble qui nécessite des traitements médicamenteux, entre autres. À l’occasion de la Journée mondiale des troubles bipolaires, Mathilde, 27 ans, nous raconte son quotidien de patiente bipolaire. Un trouble dont elle a été diagnostiquée il y a environ quatre ans. «Je l’ai découvert après quelques mois de traitements avec mon psychiatre actuel. Au début, le psy m’a diagnostiquée comme étant dépressive mais après des analyses approfondies de mes symptômes, il a compris que ce n’était pas ça», explique-t-elle sous le couvert de l’anonymat, pour des raisons professionnelles.

 

Au départ, la jeune femme, qui vient d’une fratrie de deux enfants, allait le voir parce qu’elle avait de grosses crises d’angoisse et des sautes d’humeur qui variaient en termes de temps et de durée : «Je ne comprenais pas de quoi il s’agissait ; je pensais que c’était normal et pareil pour tout le monde. J’ai d’ailleurs essayé plusieurs thérapies.» Mais depuis que le diagnostic est tombé et qu’elle a commencé un traitement – elle est suivie par un psychiatre qui combine la prise de médicaments et la cognitive behavioral therapy –, celle qui évolue dans le domaine de la communication gère mieux ce trouble, même s’il y a des jours où ça ne va pas trop, avoue-t-elle. «J’ai un mode de vie sain et normal. J’arrive à identifier mes ‘’triggers’’ (facteurs déclencheurs) et je sais ce que je dois faire pour aller mieux. J’ai installé une routine qui m’aide. Ça demande de la discipline mais avec le temps, c’est de plus en plus facile.»

 

Ça l’est d’autant plus avec le soutien de son entourage : «Mes proches le vivent bien et font preuve de patience. Ils sont très à l’écoute et me soutiennent énormément. Je m’estime chanceuse d’être entourée d’un cercle de personnes en qui j’ai confiance. Le diagnostic a également beaucoup amélioré les relations avec ma famille car cela a conduit à un changement de comportement – en mieux – de ma part et a ouvert la voie à plus de dialogue, même si c’est un sujet dont on a du mal à parler parfois. D’ailleurs, je ne peux pas dire à tout le monde que je suis bipolaire. Je choisis les personnes à qui je me confie.» Sa bipolarité est notamment un sujet qu’elle n’aborde pas en milieu professionnel. Par peur d’être incomprise mais pas que. «Les maladies mentales, en général, sont encore trop taboues à Maurice. Il n’y a pas suffisamment de dialogue et d’awareness autour du sujet. Aussi, des médias donnent souvent une image erronée et exagérée de la bipolarité. Même dans le corps médical, il y a énormément de jugement. Ça a été très compliqué pour moi, par exemple, de trouver un bon médecin et un diagnostic correct», souligne notre interlocutrice.

 

Au niveau de sa vie amoureuse, c’est tout aussi compliqué, confie Mathilde : «J’ai peur qu’une tierce personne vienne perturber la discipline que je m’impose, qu’elle ne comprenne pas forcément ce que ça implique ou qu’elle ne fasse pas l’effort de comprendre.» Alors, pour l’heure, c’est à sa famille qu’elle s’accroche.

 

Comme elle, d’autres personnes souffrent de bipolarité sans le savoir. D’autres encore ont été diagnostiquées mais ont du mal à en parler. C’est pourquoi, dans le cadre du World Bipolar Day, Mathilde souhaite interpeller : «À ceux qui souffrent d’un trouble bipolaire, n’ayez pas peur du diagnostic. Éduquez-vous au maximum. Il y a d’excellentes ressources en ligne qui peuvent vous aider à mieux comprendre ce que vous vivez. Le mieux, c’est de demander à votre médecin de vous rediriger vers les bonnes plateformes. N’ayez pas peur d’aller en thérapie. Tout comme un bilan de santé, la thérapie aide à prévenir certains maux. À ceux qui n’en souffrent pas, si quelqu’un vous parle de ses symptômes ou de sa condition, le mieux, c’est de vous informer avant de vous forger une opinion. Surtout, ne portez pas de jugement.»

 

C’est l’appel lancé par une jeune femme bipolaire, dans l’espoir que les regards changeront sur ce trouble…

 

*Prénom fictif

 

Francesca Sookahet