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Je ne peux faire l’amour que la lumière éteinte

Bonjour, je me sens prise dans une sorte de pattern et j’aurais vraiment besoin que vous m’aidiez à changer cela. Le problème, c’est que, depuis que j’ai enfanté, je n’ai plus le même corps et je ne l’accepte pas. Auparavant, j’aimais mon corps et je me trouvais belle. J’étais svelte et ferme. Je savais que je plaisais aux hommes. Je me trouvais sexy et tout allait bien dans ma sexualité, car je savais que j’étais désirable. Or, depuis que j’ai eu des enfants, rien n’est pareil. Je n’ai pas perdu tout le poids que j’ai pris et mes formes ne sont plus pareilles. Vous allez bien sûr me dire que c’est normal, mais je n’arrive pas à m’adapter à ce corps devenu étranger et à m’accepter.

 

Et puisque mon dernier enfant a maintenant 4 ans et que je n’ai pas retrouvé ma féminité d’antan malgré les exercices et les diètes, j’en conclus que c’est peine perdue de croire que je pourrai retrouver le corps que j’avais. Je dois vous préciser que je n’ai pas fait tant d’efforts que cela au niveau des diètes et des exercices, et je ne crois pas que ça me ressemblerait de me priver de manger et de commencer à m’entraîner intensivement. J’aime le plaisir de manger en faisant tout de même attention à ce que je mange et en ne faisant pas d’excès. Je fais un minimum d’exercice, ce qui me paraît satisfaisant.

 

Sur le plan de l’intimité, c’est difficile de me laisser regarder et toucher par mon mari depuis que je n’aime plus mon corps. J’arrive à me laisser toucher, mais cela me demande beaucoup d’efforts pour arrêter de penser à ce qu’il peut penser de mon corps lorsqu’il me touche. Dans ma tête, je lui attribue les pensées dégradantes que j’ai moi-même à l’égard de mon corps. Nous en avons déjà parlé et, bien sûr, sa perception de moi est différente de la mienne. Je réussis donc parfois à arrêter de penser aux jugements négatifs qu’il pourrait avoir en me touchant et quand j’y parviens, j’ai plus de plaisir.

 

Et pour que je parvienne à faire abstraction de mes complexes corporels et avoir un peu plus de plaisir, la lumière doit être éteinte. Dans la noirceur totale, il ne me voit pas et je ne me vois pas non plus. Alors, c’est plus facile pour moi. Du coup, j’en suis venue à exiger à mon mari de toujours faire l’amour la lumière éteinte. Il a accepté de s’ajuster à moi pour m’aider, mais là, ça fait un bon bout de temps que ça dure et il commence à trouver cela ennuyeux. Envisager de recommencer à allumer la lumière génère en moi un gros stress, mais j’ai une certaine ouverture à le faire, car je vois bien que ce n’est pas normal ni sain de fonctionner comme cela.

 

J’anticipe ce qui pourrait arriver si nous recommençons à faire l’amour la lumière allumée. Je vais me remettre à la paranoïa. En plus, il y a un miroir dans notre chambre, ce qui fait que j’ai tendance à regarder de quoi j’ai l’air. Je vois mon ventre trop gros, mes fesses et mes cuisses trop grosses, et mes seins qui ne sont plus à mon goût. Je me dis alors que je ne m’aime pas, que c’est laid, etc. Je me dis aussi que mon mari ne peut pas vraiment être excité par mon corps. Alors vous comprendrez que je ne peux pas avoir de fun. Mon mari, lui, dit que je l’excite et que je suis séduisante. Je pense qu’il est sincère, mais il y a une partie de moi qui a du mal à le croire. Qu’est-ce que je pourrais bien faire pour me sortir de cette noirceur ?

 

Réponse. Je remarque que vous avez fait une bonne analyse de la situation et que vous identifiez bien ce qui fait obstacle à votre épanouissement sexuel. Le travail que vous aurez à faire se fera sur deux plans. D’abord, vous aurez à faire un travail personnel d’acceptation de votre corps et, dans un second temps, je vous proposerai l’expérimentation de nouvelles expériences de manière graduelle pour surmonter vos peurs.

 

En fait, ce que vous vivez, c’est un deuil. Vous avez à faire le deuil de ce corps que vous aviez jadis et que vous n’avez plus. Faire un deuil, c’est passer à travers différentes émotions et étapes suite à une perte. Voici quelques exemples de pertes qui peuvent amener une personne à vivre un deuil : décès d’un être cher, décès d’un animal de compagnie, un enfant qui perd son meilleur ami lors d’un déménagement, séparation amoureuse, perte d’un emploi, perte financière, perte d’un membre suite à un accident, perte de la santé au cours d’une maladie, perte de sa fertilité à la ménopause (ou pour une autre raison), perte de sa jeunesse et de sa beauté, etc. La gravité de la perte ou l’intensité avec laquelle elle est vécue peut varier, mais il n’en demeure pas moins que c’est un deuil à faire. Il peut y avoir une phase de négation où on ne veut pas voir la réalité et où on la nie. Il peut y avoir une phase de colère et de sentiment d’injustice. Il peut y avoir beaucoup de peine et de sentiments dépressifs. Cette gamme d’émotions est normale et il faut vivre ses émotions pour traverser son deuil et finir par accepter la perte. Chaque personne vit son deuil à sa manière et à son rythme. C’est le temps qui finit par atténuer la douleur.

 

Votre processus de deuil est entamé du fait que vous réalisez que votre beauté de jeunesse ne reviendra plus. Le fait que votre corps ne corresponde plus aux standards de beauté valorisés dans la société, accroît le niveau de difficulté, car il s’agit d’une pression sociale à laquelle chaque femme est confrontée dans notre société. Vous avez sans doute vécu des émotions difficiles par rapport à cette transformation de votre corps.

 

Par ailleurs, vous avez sans doute pu vivre parallèlement d’autres émotions plus positives, relatives à la joie de la maternité. Malgré votre perte, vous avez d’autres gains. Redéfinissez-vous en tant que femme de manière plus large et globale. La beauté de votre corps ne doit pas uniquement s’évaluer en fonction de sa correspondance aux standards de minceur et de jeunesse. Votre corps, c’est aussi un vécu de femme, un vécu de mère avec son merveilleux potentiel créateur.

 

Vous êtes maintenant rendue à une autre étape, celle de voir les choses avec une autre paire de lunettes. Vous démontrez une ouverture au changement, vous êtes donc sur la bonne voie. Une partie de vous sait que votre conjoint est sincère lorsqu’il vous dit que vous êtes désirable, c’est là-dessus qu’il faut mettre l’accent et non pas sur vos pensées dénigrantes. Vous devez modifier votre manière de vous percevoir afin d’avoir une vision de vous-même plus réaliste. Nous verrons, la semaine prochaine, comment vous pouvez favoriser ce changement. Nous verrons aussi par quels moyens vous pouvez modifier vos habitudes de faire l’amour d’une manière plus satisfaisante.