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Une fonctionnaire retrouvée morte au pied de l’Emmanuel Anquetil Building - Naushad Mooniaruth : «Mon épouse était harcelée moralement au travail»

Naushad Mooniaruth en compagnie du député Osman Mohamed du PTr.

Naushad Mooniaruth ne le dit pas ouvertement. Mais cet ancien policier est persuadé que son épouse Faheza s’est donné la mort parce qu’elle faisait face à une terrible pression au travail. L’habitante de Morcellement St-André, qui était Office Management Executive au ministère de la Santé, a été retrouvée morte au pied de l’Emmanuel Anquetil Building en juin. Une triste affaire qui a fait l’objet d’une question du député Osman Mohamed au Parlement mardi dernier. Rama Valayden, avocat qui travaille «pro bono» pour la famille de la défunte, insiste, lui, pour que la police visionne toutes les images des caméras CCTV afin de savoir ce qui s’est vraiment passé le jour fatidique. 

Le ton de sa voix en dit long sur la souffrance qu’il endure depuis le décès tragique de son épouse dans des circonstances horribles. «C’est une grande perte pour la famille. C’est très dur pour nous tous car nous avons perdu un pilier», lâche avec amertume Naushad Mooniaruth, l’époux de Faheza. Cet ancien policier de 61 ans affirme que sa femme était «très pieuse» et une «mère exemplaire» pour ses trois filles. Face à l’inéluctable, l’habitant de Morcellement St-André essaie de se faire une raison : «Sa dey-la difisil mem me nou aksepte li.» Mais les circonstances de ce décès sont pour lui inacceptables.

 

Faheza Mooniaruth, 58 ans, travaillait comme Office Management Executive au ministère de la Santé. Elle comptait 33 ans de service dans la fonction publique et devait prendre sa retraite dans deux mois. Toutefois, dans l’après-midi du 9 juin 2021, son corps sans vie a été retrouvé au pied de l’Emmanuel Anquetil Building. Le rapport d’autopsie indique qu’elle a succombé à un «shock due to multiple injuries». Même si à première vue, il semble que c’est un suicide, la police enquête toujours pour savoir si c’est bien le cas ou s’il s’agit d’un accident ou autre chose.

 

Depuis ce triste jour, Naushad Mooniaruth est submergé par le chagrin, l’incompréhension mais aussi la révolte. Il est persuadé que son épouse Faheza s’est suicidée car elle subissait trop de pression au travail : «Faheza n’avait pas de problèmes financiers ni familiaux. En revanche, elle avait régulièrement des problèmes au bureau. Elle était harcelée moralement au travail. Elle souffrait beaucoup. Elle n’était pas très bavarde à ce sujet. Elle nous disait uniquement : “Ena move dimounn laba.” Elle a toujours fait son travail avec rigueur. Je pense que c’est la raison pour laquelle elle a eu des problèmes.»

 

La fille aînée du couple a d’ailleurs consigné une déposition au poste de police de Pope Hennessy à cet effet, le vendredi 16 juillet. La jeune femme était accompagnée de Rama Valayden qui travaille pro bono pour cette famille depuis quelques jours. Sa convocation fait suite à une lettre que l’avocat avait adressée au commissaire de police. «J’ai déjà mené une enquête. Nous sommes en présence de plusieurs faits troublants dans cette affaire. Cette dame avait peur de se rendre au travail depuis le premier confinement en mars 2020. Elle s’occupait, entre autres, de plusieurs dossiers importants au Procurement Office. Elle prenait également des notes of meeting pour le ministre de la Santé», souligne Rama Valayden.

 

Ce dernier ne compte pas lâcher l’affaire : «J’ai déjà fait une requête au commissaire de police pour que toutes les images CCTV soient réquisitionnées pour les besoins de l’enquête afin de savoir ce qui s’est vraiment passé le jour fatidique. Les enquêteurs doivent, entre autres, savoir à qui la dame a parlé ce jour-là et où on l’a vue pour la dernière fois avant que son corps ne soit retrouvé au pied du bâtiment Emmanuel Anquetil. Cette dame n’avait aucune raison de se suicider. Elle avait des problèmes de tension artérielle. Je ne pense pas qu’elle ait pu grimper sur une chaise d’abord avant de monter sur une table pour atteindre une fenêtre et se jeter dans le vide.»

 

«Contre l'éthique»

 

L’homme de loi a également écrit au Speaker de l’Assemblée nationale pour dénoncer la façon de faire du ministre de la Fonction publique. «Ce dernier a agi contre l’éthique parlementaire en balançant le nom de la défunte à l’Assemblée nationale ainsi que d’autres détails importants et sensibles sur elle», regrette Rama Valayden. Le député travailliste Osman Mohamed dénonce également l’attitude du ministre Vikram Hurdoyal concernant cette affaire. Le parlementaire avait posé une question à ce sujet, le mardi 13 juillet. Ce qui a, par la suite, entraîné l’expulsion de son camarade de parti, Patrick Assirvaden, alors qu’il signalait un impair au Speaker. «Li regretab ki Speaker inn expulse mo kamarad Assirvaden a enn moman inportan mo kestion», explique Osman Mohamed.

 

Mais c’est surtout le ministre de la Fonction publique qui a attisé sa colère. «Minis inn fane dan so bann explikasion. Li donn nom viktim alor ki mwa mo ti pran tou prekosion pou pa donn okenn detay lor li. Minis inn ousi dir ki madam-la ti malad, ti depresiv, me pena okenn rapor depi enn board medikal pou konfirm tousala. An plis, minis inn vinn dir ki madam-la inn sote. Eski ena kikenn kinn trouv li sote ? Ankor ena police inquiry dan sa zafer-la. Kouma minis-la inn kapav dir sa li ?» se demande Osman Mohamed. Il précise que le ministre de la Fonction publique «ti bizin handle sa case-la with care». Ce n’est que bien après, dit-il, que le principal concerné lui a fait comprendre «ki li pou al zwenn fami-la».

 

Naushad Mooniaruth nous apprend, pour sa part, qu’aucun fonctionnaire du ministère n’est venu rendre visite à sa famille endeuillée après ce terrible drame. Ce qui révolte Osman Mohamed : «Enn fonksioner desede lor son plas travay apre 33 an servis, personn pa telefonn so mari pou prezant li simpati. An plis, madam-la inn viktim enn transfer degradan avan li mor. Li ti dir so mari :“Zot finn degrad mwa.” Avan sa, li ti okip enn post inportan. Li ti Office Management Executive. Li ariv zis apre enn Permanent Assistant Secretary. Seki finn ariv sa madam-la definitivman regretab. So bann koleg dir li ti enn bon madam. Zot ousi dir ki li ti pe gagn clash souvan ek enn siperier.»

 

Vikram Hurdoyal a confié au Parlement que son ministère a mené deux enquêtes sur cette affaire. À ce stade, dit-il, on ne peut pas conclure à un accident ou un suicide. Il affirme toutefois que la partie du bâtiment d’où Faheza Mooniaruth se serait jetée dans le vide était en réparation. Selon ses dires toujours, la porte dans cette pièce n’était pas verrouillée. Dans son élocution, le ministre de la Fonction publique a aussi affirmé que Faheza Mooniaruth était «dépressive». Il a fourni les détails de plusieurs rapports médicaux et a fourni une liste de congés pris par la fonctionnaire entre janvier et mai. Vikram Hurdoyal avance que c’est la raison pour laquelle elle avait été transférée de la Training Unit au Registry de la Santé : un travail plus léger en raison de sa santé.

 

Le député Ehsan Juman du PTr a, par la suite, interpellé le ministre en lui demandant si Faheza Mooniaruth n’avait pas été transférée à un poste inférieur à celui qu’elle occupait avant. Ce à quoi il a répondu que cela était devenu nécessaire en raison de son état de santé. Vikram Hurdoyal a également déclaré qu’il n’y avait aucune pression exercée sur elle et que c’est l’enquête policière qui devra déterminer s’il s’agit d’un accident ou d’un suicide. Le député Juman regrette toutefois qu’une enquête interne du ministère de la Fonction publique ait déjà conclu que la fonctionnaire avait sauté du bâtiment Emmanuel Anquetil.