• Boxe thaï : première édition de «La Nuit des Nak Muay»
  • Badminton : les Internationaux de Maurice à Côte-d’Or
  • Trois univers artistiques à découvrir
  • Handicap et vie professionnelle : un pas de plus vers l’inclusion
  • Mayotte au rythme des crises
  • Une rare éclipse totale traverse l’Amérique du Nord : des Mauriciens au coeur d’un événement céleste spectaculaire 
  • World Thinking Day : les guides et la santé mentale
  • Mama Jaz - Sumrrà : prendre des risques musicaux avec le jazz
  • Karine Delaitre-Korimbocus : Kodel, une nouvelle adresse dans le paysage de Belle-Rose
  • Oodesh Gokool, le taximan attaqué au couteau : «Mo remersie piblik»

Homophobie et agression : le calvaire de quatre jeunes femmes

 La vice-présidente du Collectif Arc-En-Ciel et une bénévole aux Casernes, le mercredi 17 avril.

C’est alors qu’elles voulaient venir en aide à deux jeunes qui avaient fait appel à elles que deux membres du Collectif Arc-En-Ciel se sont fait agresser. L’une d’elles revient sur ce moment douloureux.

De la violence. Des insultes. Des coups… Voilà le triste calvaire qu’elles ont vécu le mardi 16 avril. C’est en voulant porter secours à deux jeunes femmes qui se plaignent de «subir des sévices physiques et morales» – selon leurs dires, «leurs familles n’acceptent pas leur homosexualité» – que deux membres du Collectif Arc-En-Ciel (CAEC) se sont fait agresser.  «On est sous le choc. C’est désolant qu’en 2019, deux personnes qui veulent porter secours à deux jeunes femmes adultes qui veulent juste sortir de chez elles se fassent agresser, violenter, menacer et insulter, cela en présence de certains membres de la police qui cautionnent ces actions», confie Sandrine Julien, vice-présidente du collectif, qui n’est pas près d’oublier les scènes de violence qu’elle a vécues avec l’amie qui était avec elle.

 

La responsable du CAEC a ainsi déposé, en présence de son homme de loi, Me Jean-Claude Bibi, une première plainte devant l’Independent Police Complaints Commission ainsi qu’une seconde plainte contre les agresseurs devant la CCID, le mercredi 17 avril. «On nous a écoutées et on a eu du soutien de la police. C’est dommage que certains membres de la force policière viennent gâcher l’image de la police», déclare la vice-présidente du CAEC, qui ne cache pas avoir eu très peur lors des altercations avec les membres de la famille d’une des deux jeunes femmes.

 

Dans un communiqué émis cette semaine, le collectif est venu de l’avant pour condamner ce qui est arrivé au cours de la semaine écoulée. C’est la deuxième fois. La première, c’était en septembre dernier, lorsque les deux jeunes femmes, qui se disent victimes de leur réalité et qui craignent pour leur sécurité «au sein de leurs familles», font appel à l’association qui milite pour les droits des personnes de la communauté LGBT. «À la demande de ces femmes, deux membres bénévoles du CAEC sont partis à leur rencontre. Malheureusement, une fois sur place, des proches des jeunes femmes ont voulu intimider celles-ci ainsi que les bénévoles du CAEC. Ils se sont aussi acharnés sur une des femmes et l’ont violemment battue. Les deux membres du CAEC ont aussi été violemment agressés et insultés, en présence même de la police. L’un des membres du CAEC a même eu une côte fêlée. Des policiers qui étaient présents ne sont pas intervenus pour protéger les deux femmes ainsi que les bénévoles du CAEC. Et ce, même lorsqu’ils ont été interpellés par les membres du CAEC», souligne le communiqué.

 

Devant ce qui arrivé, les deux membres du Collectif Arc-En-Ciel n’ont pu venir en aide à celles qui avaient fait appel à eux. Selon le CAEC, cet événement met en lumière les violences auxquelles font face quotidiennement de nombreux membres de la communauté LGBT dans leur cercle familial. «Le CAEC est en contact avec les autorités concernées pour s’assurer que les deux jeunes femmes vont bien», nous assure Sandrine Julien.

 

Le collectif s’insurge aussi du rôle de certains membres de la police dans cette affaire. «Le CAEC condamne fermement l’inaction des policiers face à ces violences qui ont été faites sur ces personnes ainsi que sur les bénévoles du CAEC», stipule le communiqué. Sollicité pour une réaction par rapport à cette affaire, la cellule de communication de la police nous a fait savoir que «l’enquête suit son cours»… Pendant ce temps, deux jeunes femmes victimes de leur sexualité ont toujours peur.

 


 

Questions à… Aschwin Ramenah, manager du Collectif-Arc-En-Ciel

 

Est-ce que ce genre de cas de violence est fréquent au cœur des familles mauriciennes qui doivent faire face à l’homosexualité d’un proche ? 

 

Les cas ne sont pas légion mais ils existent. Nous pouvons en recenser une dizaine depuis juin. Nous soupçonnons aussi que de nombreux cas sont tus par manque d’informations et par peur.

 

Comment procédez-vous dans ces cas-là ?

 

Nous commençons par rencontrer les personnes dans nos locaux, avec notre Legal Adviser et notre Counsellor, si nécessaire. Nous envisageons, après étude du dossier, des suites à prendre.

 

Comment aidez-vous ces personnes qui font appel à vous ?

 

Cela dépend des cas, cela peut aller de la recherche d’un refuge à un dépôt de plainte.

 


Virginie Bissessur-Corsini, psychologue  : «On leur a appris que l’homosexualité est contre-nature»

 

Pourquoi certains parents réagissent-ils souvent mal par rapport à l’homosexualité de leurs enfants ?

 

Certains parents sont encore malheureusement coincés dans leurs traditions religieuses. On leur a appris que l’homosexualité est contre-nature. Ils ont énormément de mal à se détacher de ces croyances archaïques et sont persuadés que leurs enfants font fausse route ou sont influencés. Ils n’arrivent pas à remettre ces croyances en question. D’autres sont terrorisés par le qu’en-dira-t-on et le regard des autres est encore plus important que le bonheur de leur enfant. Pour eux, leurs enfants sont comme une représentation d’eux-mêmes dans la société et donc cette représentation ne peut pas «faillir». Bref, ils sont coincés dans leurs angoisses et leurs peurs, et n’arrivent pas à s’en détacher afin de considérer leurs enfants au-delà de leur homosexualité.

 

Que conseillez-vous aux jeunes/personnes qui ont peur de parler de leur homosexualité à leurs proches ?

 

Un vieil adage dit : «On ne peut faire d’omelette sans casser des œufs.» Le coming out est toujours un moment plein d’angoisse. La peur d’être rejeté est immense. Aucun moment n’est parfait, aucun parent n’est parfait. Il faut un courage incommensurable pour vaincre ses propres peurs. Il y a tout un travail à faire sur soi afin d’arriver à se considérer comme un individu à part entière et être capable de se dire que la vie continue, qu’on peut trouver le bonheur sans l’approval de ses parents.