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Firoz Ghanty, l’artiste par les artistes

Un choc. Le mardi 3 décembre, Firoz Ghanty, artiste qu’on ne présente plus, nous a quittés des suites d’une longue maladie après plusieurs jours d’hospitalisation. Jeunes et vieux, amis et admirateurs nous dressent le portrait de cet homme connu autant pour son talent que pour son franc-parler.

Il attirait l’attention mais restait humble, respectueux. Sauf quand les circonstances exigeaient de lui le contraire. En tout cas, son départ laisse un grand vide dans beaucoup de cœurs. Firoz Ghanty est décédé le mardi 3 décembre à l’âge de 67 ans, laissant derrière lui une carrière et une vie riches en art, en amitié et en transmission. Il laisse aussi derrière lui plusieurs personnes bouleversées par l’annonce de sa mort. Il y a les artistes, les amis et les artistes-amis aussi. Nirveda Alleck fait partie de cette dernière catégorie.

 

C’est avec une voix nouée qu’elle nous raconte Firoz Ghanty, alors qu’elle est actuellement en Afrique du Sud pour de nouvelles aventures artistiques : «Je suis encore sous le choc. J’avoue que c’est peut-être la première fois que je perds un ami si proche. Il faisait partie de ces personnes qui ne se contentaient pas de dire un discours mais qui le vivaient intensément, que ce soit dans son art, sa plume, sa vie même ! Souvent, on disait qu’il était limite extrémiste, vu son franc-parler, mais quand on l’écoutait bien, on découvrait un discours très pertinent.»

 

Krishna Luchoomun, qui a côtoyé Firoz Ghanty lors de nombreuses expositions, nous parle de la personnalité particulière de l’artiste : «C’est une grande perte pour le pays car c’est quelqu’un qui a beaucoup apporté à l’art mauricien. Alors que beaucoup d’artistes proposaient quelque chose d’exotique et de coloré dans les années 70, dans la période post-coloniale, Firoz Ghanty, lui, utilisait son art pour dénoncer. Et justement, il avait ce franc-parler qui, des fois, résultait en des disputes avec moi (rires). Mais heureusement, c’était quelqu’un qui était convaincu qu’il fallait être franc, dire les choses sans peur, dans le dialogue et le respect.»

 

L’art et la personnalité de Firoz Ghanty n’échappent pas non plus à la jeune génération d’artistes. Car il avait aussi à cœur de transmettre ses revendications et sa façon d’accueillir l’art, ce qu’il faisait à travers plusieurs ateliers et rencontres au fil des années avec des étudiants en art. Puis, il y a cette nouvelle génération d’artistes confirmés qui l’ont côtoyé par moments mais qui portent aussi un œil attentif et inspiré sur l’œuvre de Firoz Ghanty. Evan Sohun fait partie de ce nouveau vivier artistique local. «On s’est croisés à plusieurs reprises, on se disait qu’il fallait qu’on mette en place un projet qui ne s’est malheureusement jamais concrétisé. Ce que j’admirais le plus chez lui, c’était qu’il se servait de son talent pour dénoncer, ce qui est l’une des choses les plus importantes dans la vie d’un artiste pour moi. Surtout pour cela, il devrait être une grande inspiration pour les artistes.»

 

Gaël Froget est un autre jeune artiste qui jette un regard admiratif sur l’œuvre de Firoz Ghanty. Très versé dans l’art contemporain, il dit apprécier «la façon conceptuelle qu’il avait avec son art. C’était aussi quelqu’un qui n’avait pas peur de s’exprimer, et c’est là l’essence d’un grand artiste. Cela ajoutait aussi à une part de mystère à sa personnalité et son talent d’artiste. Car même s’il avait un franc-parler, je trouve qu’il avait une certaine humilité». Et comme le dit Krishna Luchoomun : «L’homme est peut-être mort mais son art restera immortel…»

 


 

L’homme sans peur

 

En 1970, à 18 ans, il participe à sa première expo et s’impose. Dès lors, la carrière artistique prolifique de l’habitant de Rose-Hill est lancée et il s’implique aussi dans la politique en faisant entendre sa voix. Toujours dans les années 70, il crée le Groupe artistique mauricien (GAM) et une série d’affiches pour parler des problèmes sociétaux de l’époque. En 1981, il est condamné à trois ans de prison après une campagne de mobilisation de chômeurs. Très concerné également par les problèmes de racisme, il crée, en 1988, le Groupe national de vigilance et observatoire du racisme.

 

Puis, place à d’innombrables expos, ici comme ailleurs (France, Japon, Afrique du Sud, entre autres), avec toujours des revendications, l’artiste exposant même chez lui à Rose-Hill dans la maison transformée en galerie d’art qu’il gérait avec son frère Ismet. En 2008, il avait créé la polémique en se montrant nu, le temps d’une expo. Oui, il n’avait peur de rien. Surtout pas à s’exprimer comme il le voulait. Il écrivait d’ailleurs aussi dans les tribunes des journaux sur des sujets qui lui tenaient à cœur comme la créolité, le monde politique, entre autres.