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Yatin Varma : «Je suis pour un débat dépassionné sur la décriminalisation de l’homosexualité à Maurice»

Le 6 septembre, la Cour suprême en Inde a pris la décision de dépénaliser l’homosexualité en jugeant illégal un vieil article du code pénal qui condamnait les relations sexuelles entre personnes du même sexe. L’ancien Attorney General, qui s’est exprimé sur le sujet à travers une explication, revient sur sa démarche et se dit pour une table ronde et des discussions sur le sujet. 

Quel est votre avis sur le jugement de la Cour suprême en Inde, qui dépénalise l’homosexualité ?

 

C’est un jugement salutaire. En anglais, on dit que c’est un landmark judgement. C’est l’affaire de Navtej Singh Johar & Ors contre le gouvernement de l’Inde. Il s’agit de l’article 377 du code pénal indien. Ce jugement déclare anticonstitutionnel cet article de loi. Cette disposition de la loi criminalisait les relations sexuelles homosexuelles et relations sexuelles entre trans adultes consentants. Il y a des points saillants de ce jugement qui sont très intéressants. Il est dit dans le jugement que je cite : «We have to bid adieu to the perceptions, stereotypes and prejudices deeply ingrained in the social mindset so as to usher in inclusivity in all spheres and empower all citizens alike without any kind of alienation and discrimination… The natural identity of an individual should be treated to the absolute essential to his being. What nature gives is natural. That is called nature within. Thus, that part of the personality of a person has to be respected and not despised or looked down upon. The said inherent nature and the associated natural impulses in that regard are to be accepted. Non-acceptance of it by any societal norm or notion and punishment by law on some absolete idea and idealism affects the kernel of the identity on an individual.» C’est très important ce qui est dit dans ce jugement. Il explique ce qu’il y a de rationnel derrière cette décision. La dépénalisation de l’homosexualité en Inde est une lueur d’espoir pour la communauté LGBT à Maurice mais il faut voir quelles en sont les retombées.

 

Pourquoi est-ce que l’île Maurice doit se sentir concernée par ce jugement indien ? 

 

On sait que la grande majorité de la population mauricienne a des ancêtres qui viennent de l’Inde. Si la Grande péninsule qui est très conservatrice a pu venir avec un jugement de la sorte, je pense que nous, à Maurice, devons au moins commencer à ouvrir un débat dépassionné sur le sujet.

 

Est-ce que le pays est prêt pour cela ?

 

Je dois préciser que j’étais moi-même à un certain moment contre un changement à ce sujet. Quand le Sexual Offences Bill en 2006 avait été présenté à l’Assemblée nationale lorsque Rama Valayden était l’Attorney General, j’étais avec un groupe de députés contre l’idée de changer la loi. Il n’y avait pas eu de débat sur la question. Un Bill avait été présenté et on s’attendait que les députés le votent. Avec le temps, lorsqu’on voit l’évolution du monde, il arrive qu’on change de position. Et je le dis franchement : c’est ce qui m’est arrivé. Ma ligne de pensée a évolué sur le sujet.

 

Vous dites que le pays doit débattre la question de décriminaliser l’homosexualité mais on ne peut pas oublier ce qui s’est passé en juin lors de la marche des Fiertés, organisée par le Collectif Arc-en-Ciel, qui avait été annulée suite aux protestations d’un groupe d’opposants qui s’était rassemblé à la place d’Armes…

 

Je m’en souviens très bien et je trouve très regrettable ce qui est arrivé. Certes, il y a des personnes qui sont pour et d’autres qui sont contre sur la question de l’homosexualité. Cela, je le comprends mais chacun doit respecter l’autre, peu importe son orientation sexuelle. Le jugement du 6 septembre le dit bien : si la nature d’une personne est comme telle, on ne peut l’empêcher d’être comme elle est.

 

Le Collectif Arc-en-Ciel dit attendre une réaction de l’État… Que pensez-vous de cette attente ?

 

Je pense que le pays doit prendre une décision ferme sur le sujet et cette décision doit être prise dans un futur proche. J’ai choisi de m’exprimer sur le sujet dans un article dans le journal Le Mauricien parce que je pense qu’il nous faut débattre du sujet car il s’agit là de la réalité d’une communauté qui fait bel et bien partie de la population du pays. Depuis la parution de l’article, j’ai eu des réactions positives mais aussi des commentaires négatifs. Je fais, certes, partie du bureau politique du Parti travailliste mais ma position n’engage en rien la position du parti sur le sujet. J’ai voulu faire une analyse légale de toute l’affaire. Si on prend l’exemple de l’Angleterre où il y a le Sexual Offences Act qui date de 1967, il s’avère qu’à l’époque, après des débats bien animés à la House of Commons, une décision avait été prise selon laquelle il allait y avoir une limited decriminalization of homosexual act subject to 3 conditions. Premièrement, la décision doit être consensuelle. Deuxièmement, cela doit se faire en privée et finalement, les personnes ne doivent pas avoir moins de 21 ans. L’âge a changé après. Il y a plusieurs pays où il y a eu des changements dans la loi. En France, par exemple, l’offense autour de la sodomie a été abolie. La loi a aussi été abolie en Nouvelle-Zélande. Même à Singapour, la loi est plus restrictive mais il y a eu des changements. Il y a aussi les exemples de changements dans la loi au Trinidad et Tobago, aux îles Fidji et même en Afrique du Sud. Ce sont là des avancées.

 

Pourquoi est-ce que Maurice devrait, selon vous, suivre ces exemples ?

 

Dans le jugement, il est dit que la «constitutional morality should prevail over social morality». Il poursuit en disant que “whenever the constitutional courts come accross a situation of transgression or dereliction in the sphere of fundamental rights which are also the basic human rights of a section, howsoever small part of the society, then it is for the constitutional courts to ensure that constitutional morality prevails over social morality. In the garb of social morality, the members of the LGBT community must not be outlawed or given a step-motherly treatment of malefactor by the society”. Je suis pour un débat dépassionné sur la question de décriminaliser l’homosexualité à Maurice. Il est temps qu’on prenne une décision sur le sujet. Quand j’étais Attorney General et avec le soutien du gouvernement, et de l’opposition, on avait pris la décision à l’époque de venir de l’avant avec une loi sur la termination of pregnancy. Ce n’était pas du tout facile. Il faut avoir un débat dépassionné. Ce qu’un couple fait dans sa chambre le concerne uniquement. L’État n’a rien à redire. Je cite ainsi Pierre Trudeau, ancien Premier ministre canadien : «There’s no place for the state in the bedrooms of the nation». Il y a beaucoup d’hypocrisie autour de ce sujet. Je suis en faveur d’une table ronde avec les membres de la société civile, les partis de l’opposition, et les ONG concernées, ceux qui sont pour mais aussi ceux qui sont contre. Il faut écouter tout le monde sur le sujet. Il ne faut pas oublier non plus qu’il y a déjà un rapport d’un select committee sur le sujet. Malheureusement, le Parlement avait alors été dissous. Il faudrait étudier le rapport, voir les recommandations et à partir de là, bouger et aller de l’avant.