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Violence chez les jeunes : Des parents angoissés racontent le calvaire de leurs enfants victimes

Karishma* et Alexandre* (à dr.) sont traumatisés depuis leurs agressions.

La situation est inquiétante, alarmante. En une semaine seulement, plusieurs cas d’agression ont été enregistrés chez les jeunes. Et des vidéos de ces actes de violence ont fait le buzz, notamment sur les réseaux sociaux. Parmi, ceux dont Karishma* et Alexandre* ont été victimes. Que se passe-t-il chez nos adolescents ? Face à cette situation, des jeunes sont traumatisés. Alors que de leur côté, les autorités pensent à des solutions pour pallier le problème. Des parents, angoissés, se confient.

Des adolescents sont traumatisés. Des parents sont angoissés. Les autorités, elles, semblent dépassées. Les raisons : la violence chez les jeunes qui prend de l’ampleur, avec plusieurs cas enregistrés à Maurice en une semaine, impliquant les garçons comme les filles, que ce soit dans des établissements scolaires ou dans des lieux publics ; et la banalisation des agressions qui sont filmées et publiées sur les réseaux sociaux. Que se passe-t-il chez nos jeunes ?

 

À cette question, les parents, notamment ceux dont les enfants ont été victimes de violence, n’ont pas de réponse. Eux, sont inquiets. Parmi, il y a Rajiv*. Ce père de famille n’a pas l’esprit tranquille. S’il y a quelques jours encore, sa fille Karishma*, 14 ans, se faisait une joie de se rendre à l’école, tel n’est plus le cas depuis le jeudi 7 février. Une élève de l’établissement qu’elle fréquente raconte : «Une dispute a éclaté à cause d’une publication sur Facebook. En voulant venir en aide à une amie qui se faisait malmener, Karishma a été agressée. Ces filles lui ont arraché les cheveux.» Elle décide alors d’en informer les responsables du collège.

 

Le même jour, ayant eu vent de ce qui s’était passé, Rajiv se rend à l’école. «J’ai demandé à ce que des actions soient prises. La rectrice m’a uniquement dit qu’un comité disciplinaire serait institué, sans prendre de sanctions», s’insurge-t-il. Quelque temps après son intervention, Rajiv apprend, à travers sa fille, que l’agression dont cette dernière a été victime a été filmée et diffusée sur la Toile. Sur laquelle l’on voit bien la violence inouïe qu’elle a subie. L’adolescente décide alors, le lundi 11 février, de relater les faits à la responsable de l’établissement. Après quoi, «les choses se sont aggravées»…

 

Traumatisés…

 

«Bann tifi-la finn swiv li dan so klas. Bann-la finn ris li, finn tap li, finn bat li koutpwin. Enn lot finn ras so portab dan so pos pou li pa gagn kontak avek mwa. Mo tifi finn blese dan so lizie», relate Rajiv, indigné. Des camarades de classe auraient alors informé des responsables mais «ils n’ont pas pris la peine de m’appeler. Ce n’est que deux heures plus tard que les amies de ma fille ont été en mesure de me contacter et je me suis rendu sur place. Si les agresseurs de ma fille avaient été sanctionnés dès le premier acte de violence, cela ne se serait pas passé.»

 

Suivant l’inaction des autorités concernées, Rajiv s’est rendu au poste de police de Souillac pour consigner une plainte et demander un Police Form 58. De leur côté, les policiers ont référé le cas à d’autres instances, des mineures étant impliquées dans cette affaire.

 

Traumatisée par les récentes épreuves subies, Karishma, qui a fait plusieurs allers-retours à l’hôpital, s’est absentée de l’école pendant deux jours. Et c’est avec beaucoup d’appréhension que ses parents ont accepté qu’elle reprenne les cours le jeudi 14 février. «J’avais déjà entamé des démarches auprès du MITD. Je voulais à tout prix qu’elle change d’établissement scolaire à cause de l’incompétence du système administratif. Mais ma fille m’a assuré que tout s’était bien passé. Mais pour combien de temps ?», s’interroge Rajiv, inquiet. «Zordi, sa finn ariv mo tifi, demin li kapav ariv enn lot zanfan.»

 

Pour Rajiv, une solution s’impose : les lois devraient être plus sévères à l’encontre des mineurs. «La police devrait être en mesure d’intervenir lorsque de telles choses se produisent. Si les agressions sont aussi courantes chez les mineurs, c’est uniquement parce qu’ils savent qu’ils sont protégés par la loi», estime-t-il. Durant les jours à venir, lui compte rencontrer d’autres parents pour réfléchir à d’autres moyens de pallier à ce problème. Un problème qui a été au cœur de l’actualité cette semaine, tant les cas de violence chez les adolescents étaient nombreux.

 

Autre cas : celui d’Alexandre*. Le vendredi 15 février, cet adolescent de 14 ans a été autorisé à quitter l’hôpital Jeetoo où il a été admis pendant quatre jours après avoir été agressé par des jeunes. Aujourd’hui, il est traumatisé, confie sa mère Rachel*. «Avant qu’il n’obtienne sa décharge, je lui ai rendu visite à l’hôpital tous les jours. Il me répétait qu’il ne voulait pas quitter les lieux, me demandait de parler aux médecins pour qu’ils le gardent. Il s’y sentait plus en sécurité.»

 

Si son fils est traumatisé, Rachel, elle, a peur pour son enfant. «Je crains qu’il ne soit de nouveau agressé. Mais j’ai tenté de le rassurer en lui disant que si cela est nécessaire, je le déposerai et le récupèrerai à l’école tous les jours. J’ai déjà parlé à ses enseignants pour qu’ils prennent leurs dispositions et veillent à sa sécurité à l’école mais je n’ai aucun contrôle sur ce qui peut lui arriver à l’extérieur de l’établissement.»

 

Car, en effet, le lundi 11 février, ce n’est pas à l’école que le jeune homme a été agressé mais non loin de la gare de Cité-La-Cure. «Mon fils devait récupérer son petit frère avant de rentrer à la maison. Mais alors qu’il patientait, un jeune est venu le provoquer. Mon fils lui a dit qu’il n’avait pas l’intention de se battre mais cet adolescent l’a giflé à deux reprises au visage et Alexandre a fini par le bousculer. Une quinzaine d’autres étudiants l’ont pris à partie. Zot finn bat li koutpwin, koutpie. Zot finn pous li ek shutters. Zot finn pran boutey pou avoy lor li», raconte la mère de l’adolescent.

 

Ce dernier, qui se trouvait à quelques mètres de son domicile, aurait tenté de s’enfuir en grimpant à bord d’un autobus. Mais les agresseurs seraient allés plus loin et se seraient rendus devant le domicile de l’adolescent pour le menacer. «Cette dispute a éclaté pour une raison banale. La bagarre a été provoquée parce que ces jeunes ne tolèrent pas que mon fils et sa cousine soient proches», selon Rachel.

 

De nature calme, Alexandre a, dans un premier temps, évité de parler de tout ce qui s’était passé à son entourage. Ce n’est qu’au lendemain des faits que sa mère a eu des soupçons car le jeune homme se plaignait de douleurs et ne voulait pas aller en classe. Elle a pris connaissance de la gravité de la situation lorsque sa fille lui avait montré une vidéo de la bagarre, qui circulait sur le Web. «J’ai donc conduit mon fils au poste de police pour consigner une déposition et je l’ai conduit à l’hôpital. Il a aussitôt été admis. Il ne portait pas de traces de blessures visibles mais avait reçu de violents coups. S’ils s’en sont pris à mon enfant pour une raison aussi banale, d’autres jeunes ont probablement aussi subi le même sort.» Son angoisse, d’autres parents la partagent. Alors que faire pour remédier à la situation ?

 

De son côté, la Child Development Unit a initié une enquête afin d’identifier les auteurs de ces agressions. Sollicitée, une source proche du bureau du ministère de l’Éducation explique que chacun des cas répertoriés cette semaine est traité individuellement. «Nous ne souhaitons pas persécuter qui que ce soit. Car nous savons qu’il y a les agresseurs et les victimes. Nous voulons comprendre, encadrer et traiter le problème dans sa globalité.»

 

Des mesures ont également été prises au sein des établissements scolaires. «Cette année, le ministère de l’Éducation a mis en place des cours de gestion des émotions et de Civic Values en 2017. Car nous avons réalisé qu’il faut que des valeurs soient inculquées aux enfants dès leur plus jeune âge. Mais nous avons aussi besoin du soutien des enseignants car ils sont, eux, en contact permanent avec les enfants.» Ces enfants, victimes et agresseurs, qui ont été au cœur de l’actualité cette semaine. Mettant en lumière un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur chez les jeunes…

 

* Prénoms modifiés

 

Textes : Elodie Dalloo et Valérie Dorasawmy

 


 

 

Ces autres agressions qui ont fait le buzz cette semaine

 

 

Les actes de violence chez les jeunes se multiplient et prennent de l’ampleur avec les réseaux sociaux. Hormis les agressions qu’ont subies Karishma et Alexandre, d’autres ont fait le buzz durant la semaine écoulée. L’une implique un garçon et une fille, et s’est déroulée à la gare du Nord le lundi 11 février. Ces derniers en sont venus aux mains, comme le montre la vidéo de cette altercation qui a circulé sur les réseaux sociaux. Ce qui a nécessité l’intervention des forces de l’ordre. Les deux adolescents ont été conduits au poste de police de Trou-Fanfaron et leurs parents ont été informés. Sollicités, ces derniers n’ont pas souhaité faire de commentaires.

 

Le lendemain, un adolescent de 13 ans fréquentant un collège du Nord, a été agressé alors qu’il se trouvait dans sa salle de classe. Un élève lui a asséné plusieurs coups de poing au visage, pensant que l’adolescent avait malmené l’un de ses camarades. Après avoir relaté les faits à ses parents, ces derniers l’ont conduit au poste de police de la localité pour consigner une déposition.

 

Et dans un collège des Plaines-Wilhems, cette fois, le mercredi 13 février, un élève de Grade 8 a été grièvement blessé après avoir reçu un coup de tuyau à la tête. La bagarre serait survenue à cause d’un match de foot au cours duquel un élève de Grade 9 aurait tenté de lui prendre son ballon. Il a été conduit à l’hôpital Victoria, à Candos, et sa blessure a nécessité cinq points de suture.

 


 

 

Venisha Gooriah-Jugnarain, éducatrice : «Les jeunes ont besoin d’un guide»

 

 

Elle animera un atelier intitulé The art of parenting teenagers le 23 février. Venisha Gooriah-Jugnarain, éducatrice et Grooming and Personality Development Counsellor, nous donne son avis sur le phénomène de la violence chez les jeunes. «Nous avons chacun notre part de responsabilité dans l’éducation de nos jeunes. Car ces derniers ne font que s’adapter à leur entourage et s’efforcent de grandir sans vraiment savoir quelles sont leurs responsabilités. Nous ne prenons guère le temps de leur expliquer cela alors qu’ils sont remplis d’attentes, d’amour et d’appréhensions. Ils ont juste besoin d’un guide», explique-t-elle. «L’enfant porte les gènes du parent et l’école offre les gènes de la connaissance. À chacun de prendre la part qui lui est destiné, tout en ayant une homogénéité dans la manière de faire. C’est ensemble que nous changerons les choses.»

 

Autre facteur-clé : la smart life. «L’île Maurice n’était pas suffisamment préparée à cette évolution rapide. Nos jeunes n’ont fait que suivre la cadence et tout tourne aujourd’hui autour des smartphones, entre autres, et cela a un impact colossal sur leur développement. Surtout que beaucoup de parents sont absents et s’ils sont présents, ils font de l’intrusion dans la vie de ces jeunes qui, à force de ne plus avoir d’intimité, renferment un certain mal-être et l’expriment souvent par la violence. Le mieux, c’est de guider son enfant, l’observer, lui laisser une marge dans son intimité, tout en lui faisant comprendre que vous êtes là pour lui. Mais le plus important face à la violence chez nos jeunes, c’est que nous devons nous ressaisir, nous poser les bonnes questions et agir.»

 


 

 

Nadhir*, 14 ans, grièvement blessé à l’école en 2018 | Sa mère : «Il n’est plus le même»

 

 

Son comportement aurait complètement changé… Nadhir, 14 ans, a vécu le martyr pendant un certain temps dans son collège. Alors, il ne voulait plus se rendre à l’école. Ce n’est qu’en septembre 2018 que ses parents ont appris qu’il était victime de violence. Il a été malmené par d’autres élèves de son collège pour la énième fois.

 

Le 24 septembre, il a eu les tendons de deux doigts presque complètement sectionnés et a été blessé à la main gauche après avoir été bousculé par d’autres étudiants après une dispute. «Nous avons enchaîné les allers-retours à l’hôpital par la suite. Il a dû subir plusieurs séances de rééducation et n’a toujours pas retrouvé complètement l’usage de ses doigts», nous raconte sa mère.

 

Aujourd’hui, Nadhir est un adolescent brisé. «Il est devenu agressif, nerveux et se fâche sans raison. Ce qu’il a vécu à l’école l’a complètement changé et il n’a même pas bénéficié d’une assistance psychologique. Il n’est plus le même.» Si, aujourd’hui, Nadhir ne fréquente plus le même collège, il a tout de même perdu une année scolaire l’an dernier. «Il brillait toujours sur le plan académique. Mais ses notes ont chuté au moment où il a commencé à être victime de harcèlement. Il a perdu toute motivation. Cette année, il a repris l’école et s’est retrouvé dans l’obligation de repasser en Grade 9. Dans son nouveau collège, ses enseignants sont d’un grand soutien car nous leur avons parlé de ce qui lui était arrivé. Mais il gardera à jamais les séquelles de ce qu’il a vécu.»

 


 

 

 

Nicolas Soopramanien, psychologue clinicien  : «Internet en lui-même n’est pas néfaste»

 

Une augmentation et une banalisation des actes de violence ont été observées ces derniers jours. Quelle en est la raison ? Parole à Nicolas Soopramanien, psychologue clinicien et président de la Société des Professionnels en Psychologie de Maurice.

 

Y a t-il plus de violence de nos jours ?

 

Difficile de le dire. Mais il semblerait que ce soit le cas. Aujourd’hui, les jeunes ont une manière différente de s’exprimer. Les plaisanteries et taquineries ne sont plus les mêmes. Les jeunes se battent à l’école mais les actes de violence sont encore plus fréquents en dehors des établissements scolaires. 

 

Qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

 

Chaque cas est différent. Cela peut être dû à un manque d’intérêt pour les études, à la drogue, au manque de respect envers les forces de l’ordre. Il nous faut aussi déterminer le rôle de l’entourage. La violence existe depuis longtemps. Il est surtout important de revoir ce qui se passe chez les jeunes en dehors des heures de classe.

 

Internet a-t-il une influence ?

 

Internet en lui-même n’est pas néfaste. Ce qui est inquiétant, c’est l’inaction des individus devant des scènes de violence. C’est-à-dire ne pas intervenir, ne rien faire pour empêcher une dispute et préférer, à cela, filmer une scène de violence et la publier.

 

Sommes-nous face à un vrai problème de société ?

 

Cela concerne uniquement une minorité de jeunes. Tous ne sont pas violents.

 

Y a-t-il un moyen de remédier à la situation ?

 

Tous les cas diffèrent les uns des autres. Le meilleur moyen reste de leur parler afin de déterminer, en premier lieu, ce qui les pousse à agir comme ils le font.