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Sharonne St-Mart, séropositive : son long combat pour récupérer son bébé

Shameema Boyroo, de l’ONG Parapli Rouz, et Sharonne n’ont pu contenir leur joie en apprenant la bonne nouvelle.

Elle s’est battue de toutes ses forces pour que les autorités lui permettent de ramener sa petite fille à la maison. Après plus d’un mois, elle peut enfin crier victoire. Retour sur une histoire bouleversante, celle de Sharonne St-Mart qui a été privée de son nouveau-née sous motif qu’elle est séropositive et qui a dû multiplier les démarches, avec le soutien de l’ONG Parapli Rouz, pour faire valoir ses droits de maman et récupérer son bébé. Elle a tenu à témoigner à visage découvert car, dit-elle, son combat est aussi pour toutes celles qui se retrouvent dans la même situation.
 

Les larmes n’arrêtent pas de couler sur son visage. Mais ce ne sont pas des larmes de tristesse cette fois mais de joie, de soulagement, de satisfaction. Car après 33 longs jours durant lesquels elle a été séparée de son nouveau-née, Sharonne St-Mart, 28 ans, goûte enfin au bonheur de pouvoir la ramener chez elle. Dans son petit appartement modeste mais bien rangé, avec tout ce qu’il faut, ou presque, et des images pieuses un peu partout. Là où elle vit avec son compagnon, le père de sa petite fille, née par césarienne le 9 avril, à l’hôpital de Candos.

 

Quand elle arrive à l’hôpital ce matin du samedi 11 mai, Sharonne est loin de se douter de l’issue heureuse de son combat. Depuis plusieurs jours, celle qui est aussi maman d’un petit garçon de 6 ans se bat pour récupérer sa fille que les autorités l’ont empêché de ramener chez elle sous prétexte qu’elle est séropositive. Oui, Sharonne l’admet, elle est séropositive, travailleuse du sexe et ex-toxicomane, mais cela ne l’empêche pas d’être une bonne mère. Dans sa bataille, elle est soutenue par l’ONG Parapli Rouz qui milite pour les droits des prostituées.

 

D’ailleurs, en ce samedi matin, elle est accompagnée de Shameema Boyroo, la Community Mobilisation Officer. Elle a rendez-vous avec le Medical Social  Worker de l’hôpital qui doit évaluer si elle peut avoir son enfant ou pas. La jeune femme est nerveuse et fait les cent pas dans le couloir de l’hôpital, elle est exaspérée à l’idée de rentrer encore une fois chez elle sans sa fille. Mais peu après, à sa grande surprise et à son grand soulagement, une représentante du Medical Social Worker ainsi qu’une infirmière viennent lui annoncer que la Child Development Unit (CDU) de Vacoas a donné son accord pour qu’elle puisse récupérer son bébé.

 

Sa joie est indescriptible. Lorsqu’on lui remet sa petite à la maternité, les émotions la submergent. Elle serre sa fille contre elle durant de longues minutes, l’embrasse, la câline, la couve du regard, lui parle. «J’étais vraiment nerveuse. J’attendais impatiemment le moment où nous traverserions cette porte ensemble pour rentrer à la maison. Ça a été tellement long mais aujourd’hui, je respire le bonheur», nous confie-t-elle, rayonnante. Sharonne nous avoue qu’elle a prié inlassablement durant ces 33 derniers jours dans l’espoir de retrouver rapidement sa fille.

 

Sans explication

 

C’est cette semaine que l’histoire de cette maman a défrayé la chronique, même si elle se bat pour récupérer sa fille depuis un mois. Lasse de batailler en vain, elle s’est tournée vers les médias pour dénoncer ce qu’elle qualifie d’injustice. «Après mon accouchement, on m’a dit qu’il fallait que je présente ma pièce d’identité, entre autres, pour qu’on me laisse sortir de l’hôpital avec ma fille. Quand je suis revenue avec les papiers, on m’a annoncé qu’on ne me remettra pas mon bébé et que la CDU la récupérera. Et ce, sans pouvoir me fournir d’explications sur cette décision», se remémore Sharon amèrement. Bouleversée, révoltée, chagrinée, la jeune maman alerte sans tarder l’ONG Parapli Rouz qui l’accompagne depuis quelque temps déjà. C’est ainsi que Shameema Boyroo et elle sillonneront les routes de l’île du matin au soir en quête de vérité.

 

Le 6 mai, des officiers de la CDU débarquent chez elle pour une visite de son domicile. «Ils m’ont dit que je pouvais récupérer ma fille le lendemain car pour eux, tout était dans les normes pour que je puisse l’accueillir chez moi.» Toutefois, quand elle se rend à l’hôpital le 7 mai, le médecin lui annonce que son bébé est en parfaite santé et peut sortir de l’hôpital, mais uniquement quand la CDU en fera la demande par écrit. Sharonne est dépitée mais refuse de baisser les bras.

 

Le vendredi 10 mai, elle a rendez-vous à 10 heures avec un officier de la CDU, de Vacoas pour connaître la marche à suivre. Mais la rencontre est reportée à 14 heures. Cette fois, nous l’accompagnons. Une fois sur place, nous patientons plus d’une heure avant que la personne en question, jusqu’alors absente, n’arrive pour recevoir la maman et les représentants de Parapli Rouz. Elle explique aussi à Sharonne qu’elle doit voir un psychologue. La jeune femme refuse catégoriquement et insiste qu’on lui a dit de venir pour savoir si elle pourra récupérer son bébé.

 

Après la brève rencontre avec l’officier de la CDU Sharonne est plus révoltée et blessée que jamais. Elle a appris que son bébé ne pouvait lui être remis à cause de sa séropositivité. «Pourquoi refuse-t-on de me donner mon bébé à cause de ma séropositivité ? De quel droit me juge-t-on sur ma santé ? Je suis un traitement et c’est comme n’importe quelle autre maladie, donc je suis apte à m’occuper de mon enfant», lâche-t-elle en fondant en larmes.

 

Shameema Boyroo s’insurge contre cette manière de faire : «C’est aberrant qu’on nous annonce qu’il lui faut un certificat médical attestant qu’elle puisse s’occuper de son enfant parce qu’elle est séropositive. Cette manière d’agir est vraiment discriminatoire. De plus, il nous a fallu plus d’un mois pour avoir une réponse sur les motifs de la séparation de Sharonne et de son bébé car, à chaque fois, l’hôpital et la CDU se renvoyaient la balle avec des explications farfelues.»

 

Mais après l’heureux dénouement de ce samedi, Shameema Boyroo dit ne pas avoir de mot. «J’ai encore du mal à croire que la petite est enfin chez elle avec sa maman. C’est une joie inexplicable. Car pour l’ONG, c’était un devoir de se battre jusqu’au bout.»

 

Une fois rentrée chez elle, Sharonne s’exclame : «Je suis la femme la plus heureuse, en ce moment.» Elle contemple sa fille qui dort paisiblement, enfin à la maison. «Je veux qu’on sache que ce combat, je l’ai fait à visage découvert car il n’était pas que pour moi mais pour toutes ces travailleuses du sexe qui vivent la même chose. Il est temps qu’on nous respecte ainsi que les personnes séropositives. Mais aussi pour qu’elles sachent qu’il y a tellement de personnes prêtes à nous soutenir dans nos combats. Je remercie tous ceux qui m’ont aidée dans le mien», lâche la jeune maman.

 

Dans l’immédiat, son seul projet, c’est de s’occuper de sa petite chérie : «Je me consacrerai entièrement à ma fille. Que nous puissions nous retrouver après cette longue et douloureuse séparation.» Un bonheur d’autant plus grand qu’il suit des moments bien difficiles.

 

 


 

Plusieurs questions, aucune réponse…

 

Ce sont les autorités concernées par cette affaire mais toutes se renvoient la balle. Du côté du ministère de la Santé, que nous avons contacté le vendredi 10 mai, on nous dit simplement : «Nous allons nous enquérir de cette situation. Car nous n’interférons pas dans les cas qui sont pris en charge par la CDU. Mais si l’enfant est toujours à l’hôpital, nous supposons que c’est pour des raisons médicales.» Le surintendant de l’hôpital Victoria à Candos, que nous sommes allés voir à son bureau le même jour, nous a fait patienter pendant une demi-heure avant que sa secrétaire ne vienne nous dire qu’il dit ne rien connaître de cette affaire et ne souhaite pas nous rencontrer. Nous avons alors pris contact avec la CDU et le ministère de l’Égalité du genre, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille pour essayer d’avoir des réponses mais tous deux ont simplement dit que ce n’est que ce lundi qu’on pourra avoir des informations à ce sujet.

 


 

Nicolas Ritter de PILS : «Un acte discriminatoire»

 

«Si la CDU se base sur la séropositivité d’une mère pour lui enlever son enfant, il faut qu’on refasse son éducation à ce sujet», déclare Nicolas Ritter, directeur exécutif de PILS. Celui qui milite depuis des années pour qu’il y ait un changement de regard sur les personnes vivant avec le VIH souligne que, dans ce cas, il est clair que ce sont les préjugés qui dominent. «Je ne connais pas ce cas personnellement mais, de manière générale, nous ne pouvons pas nous arrêter à la séropositivité d’une maman pour la priver de son enfant. Car la séropositivité n’est pas un handicap et l’enfant n’est pas en danger. Si nous agissons de la sorte, c’est un acte discriminatoire envers la personne concernée», nous confie-t-il. Le directeur exécutif de PILS souligne aussi que ce genre de situation n’existe dans aucun pays au monde car avec une bonne prise en charge, une personne porteuse du virus du VIH peut mener une vie normale.