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Shanti, la mère d’Anita Gungadoss, assassinée par son époux : «Notre détresse est grande»

Cette dame de 77 ans ne pensait pas perdre sa fille dans de telles circonstances.

Le choc, l’incompréhension, la douleur surtout. Une douleur terrible, inhumaine à l’image du drame qui les atteint de plein fouet. C’est ce que ressentent les proches d’Anita Gunga-doss, 53 ans, qui a rejoint la liste noire des femmes qui ont perdu la vie après avoir été agressées par leur conjoint. Elle a reçu sept coups de couteau de son compagnon, Sunil Bundhoo, 54 ans, le mercredi 29 mai, chez eux à Batterie-Cassée. Quelques jours plus tard, le mardi 4 juin, elle est décédée aux soins intensifs de l’hôpital où elle était restée dans le coma depuis son admission le jour de son agression. Elle laisse derrière elle deux fils de 21 et 16 ans et toute une famille, meurtris par une atroce souffrance.

 

Parmi ceux dont le cœur saigne à flots après ce tragique départ, Shanti Gungadoss, la mère de la victime, âgée de 77 ans, que nous rencontrons chez elle à Camp-Carol, Grand-Baie. En état de choc, elle peine à rassembler ses idées, à aligner les phrases pour raconter le cauchemar qu’elle vit depuis quelques jours et dont elle ne croit pas qu’elle sortira un jour. Perdre sa fille Anita, comme elle l’appelait affectueusement, de manière aussi horrible et tragique, est plus qu’elle ne peut en supporter. Autour d’elle, ses proches, eux aussi très affligés, essaient tout de même de faire leur maximum pour la soutenir, d’autant qu’elle a une santé fragile en raison de plusieurs maladies : diabète, forte tension artérielle, problèmes cardiaques. «Nous sommes dans une grande souffrance. Nous sommes tous sous le choc», lâche la vieille dame, en larmes.

 

Sa famille et elle ont vécu dans une grande angoisse depuis le jour où Anita avait été ad-mise à l’hôpital Jeetoo après son agression. Tous espéraient qu’elle s’en sortirait malgré son état critique. Car il ne faisait aucun doute que son état était très sérieux. D’ailleurs, Shanti est hantée par les dernières images bouleversantes de sa fille sur son lit d’hôpital. Anita, dit-elle, était méconnaissable. Son visage portait les traces des jets d’une substance nocive que son agresseur y avait projetés alors que des plaies causées par les coups de cou-teau étaient toujours béantes sur certaines parties de son corps.

 

«Li ti enn bon beti»

 

Ces images, cette pensée, au-delà de la tristesse, mettent Shanti en colère, très en colère. Elle ne souhaite qu’une chose maintenant, que Sunil paie pour son crime. «Il mérite d’être pendu ! Il ne mérite rien de moins que la mort», martèle-t-elle, pour avoir tué sa fille ché-rie. D’ailleurs, après avoir agressé sa femme, l’habitant de Batterie-Cassée avait essayé de mettre fin à ses jours en ingurgitant une substance nocive, la même qu’il avait envoyée au visage de sa femme. Après son arrestation peu après le drame, il avait été lui aussi admis à l’hôpital Jeetoo mais son état n’inspire aucune inquiétude. Il a déjà quitté l’hôpital et a été présenté devant le tribunal sous une accusation provisoire d’assassinat. Il a participé à une reconstitution des faits, le vendredi 7 juin, à la rue Sainte-Famille où il habite. Sur place, il a expliqué aux enquêteurs de la Major Crime Investigation Team comment il s’y est pris pour assener sept coups à sa compagne avant de tenter de se donner la mort.

 

En attendant que la justice suive son cours, les proches d’Anita essaient de mettre un pied devant l’autre comme ils le peuvent. Les souvenirs affluent évidemment. Pour sa fille, Shanti n’a que des mots doux. «Li ti enn bon beti. Zame li pa ti enn move dimounn,», con-fie-t-elle. Anita, poursuit-elle, était beaucoup trop bien pour Sunil : «Il ne méritait pas une épouse comme ma fille. Si on savait que cette relation allait se terminer de cette façon, j’aurais conseillé à ma fille de le quitter depuis longtemps.»

 

Anita et Sunil ont vécu ensemble pendant 25 ans, précise Shanti, la voix tremblotante. Sa fille était la quatrième compagne de cet homme. Sunil a une fille avec «so premye fam marye» mais il n’a aucun «kontak ek li», explique Shanti. Il a ensuite eu un fils avec sa deuxième compagne qu’il ne voit pas non plus. Il a eu un autre fils avec sa troisième com-pagne qui a fini par se donner la mort en s’immolant. L’enfant, lui, est mort à la suite d’une maladie à 2 ans. Puis est venu Akash, son premier fils avec Anita. Par la suite, ils ont eu un autre fils mort-né avant l’arrivée d’Ajesh.

 

Entre Anita et Sunil, c’était le grand amour au début. «Enn dimounn dan fami mem ki ti fer demann pou li. La fille aînée de la troisième femme de Sunil était déjà mariée à mon fils. Je ne me suis pas opposée à leur union car Anita l’aimait bien. Lamour la ti for sa lepok la. À l’époque, mon époux était très malade», raconte Shanti.

 

Ce n’est que bien plus tard, que la septuagénaire et les siens ont appris qu’Anita était régu-lièrement victime de violences conjugales. «Sunil ne voulait plus travailler alors qu’il était auparavant chauffeur professionnel. Il avait sombré dans l’alcool et se droguait également. C’est ma fille qui faisait bouillir la marmite. Elle était employé à l’hôtel», souligne Shanti, les larmes aux yeux.

 

Il y a un mois, Anita a déserté le toit conjugal après une énième dispute et est partie chez sa mère à Grand-Baie rejoindre ses fils Akash, 21 ans, et Ajesh, 16 ans, qui s’y trouvaient déjà depuis quelque temps. Mais dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 mai, Sunil est venu implorer son pardon. Suraj, le frère de la victime, revient sur cet épisode : «Li ti vinn tap laport kot mo mama trwa zer dimatin. Ti ena gro lapli sa ler la. Li ti vinn lor motosiklet. Li ti vinn dimann mo ser pardon.»

 

Le lendemain, soit le jour de la fête des Mères, «pli bon dimounn ki li pa ti ena», ajoute Su-raj. «Nous avons célébré cette fête ensemble. J’ai parlé à ma sœur et à Sunil ce jour-là. Mon beau-frère m’avait promis qu’il allait changer. Li dir li pou travay dir aster parski li anvi ed so gran garson ranz so lakaz. Li ti osi dir mwa li pou al rod divors ek so premye fam pou li kapav marye ek mo ser. Il était séparé de sa première femme depuis 43 ans et n’avait jamais divorcé», explique Suraj. Le mardi 28 mai, le couple est rentré chez lui à Batterie-Cassée. Et le lendemain, c’était le drame.

 

Le rapport de l’autopsie indique qu’Anita Gungadoss a succombé à un «stab wound to the chest and (…) burns». Ses funérailles ont eu lieu le mercredi 5 juin en présence de proches anéantis par le chagrin et les regrets. Tout ce qu’ils veulent maintenant, c’est que justice soit faite car ce meurtre atroce les prive à jamais de l’une des leurs.

 


 

Akash et Ajesh : «Zame nou pou pardonn nou papa»

 

Ils ont le regard triste, perdu. Perdre leur maman, celle qui les a toujours défendus au péril de sa vie, est la pire des choses qui leur soit arrivé jusqu’ici. Ils ne savent pas s’ils vont se relever de ce drame un jour. «Mo pa swet enn lot fami viv seki nou pe viv», lance Akash, le fils aîné de Sunil et Anita. Son frère et lui ne veulent plus rien avoir à faire avec leur père : «Zame nou pou pardonn nou papa pou seki linn fer mama. Nou pa anvi kone kot li ete. Nou pa pou pran avoka pou li. Nou finn perdi nou papa zour nou mama inn mor.»

 

Les deux frères ont été trop souvent témoins des violences que subissait leur mère. Ajesh est le plus marqué. Ce jeune homme de 16 ans a d’ailleurs lui aussi été victimes de la bru-talité de son père. Un jour de janvier 2019, il était au lit lorsque son père est rentré à la maison complètement saoul. Peu après, il lui a ordonné d’aller donner un bain à leur chien. L’adolescent a refusé, ce qui a mis son père très en colère.

 

«Il a d’abord fait voltiger ma tablette avant de m’agresser avec enn bar laport. Il a aussi tenté de mettre le feu à mes vêtements. Il a, par la suite, mis kouto emba mo lagorz. Ma mère s’est interposée entre nous et il l’a tabassée. J’en ai profité pour m’enfuir. Peu après, ma mère a également quitté le toit conjugal. La Child Development Unit avait initié une enquête mais je ne connais pas la suite», explique-t-il. Depuis ce jour, il vit chez sa «nani» à Grand-Baie.

 


 

 

Dulari, la sœur de Sunil Bundhoo : «Je ne veux plus le voir»

 

Sunil Bundhoo fait l’objet d’une charge provisoire d’assassinat.

 

Elle n’a pas hésité à sauter dans un avion avec l’une de ses deux filles pour venir au chevet de sa belle-sœur. Elle, c’est Dulari, la sœur de Sunil, qui vit en Angleterre. Elle est rentrée au pays en catastrophe en apprenant l’agression d’Anita et la tentative de suicide de son frère. Elle a atterri la veille du décès de sa belle-sœur et a pu lui rendre visite. Son cœur saigne, dit-elle, pas pour son frère mais pour Anita qui a tant souffert au cours de ces dernières années. «Je ne veux plus voir mon frère», lance-t-elle.

 

Dulari est d’avis que Sunil mérite «une très lourde sentence» pour le crime qu’il a commis. Elle explique que son frère «pa ti move avan» mais qu’il a changé avec le temps. L’alcool et la drogue ont eu raison de lui, selon elle. «On savait qu’Anita était régulièrement victime de violences conjugales. J’ai parlé à mon frère au téléphone à plusieurs reprises. Monn fatige koz ek li. Sak fwa mo dir li aret bat so madam parski li osi li ena tifi ek nies me li pa ti pe kompran mem», confie Dulari.