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Renvoi des élections municipales : les forces de l'opposition au diapason contre le gouvernement

C'est la première fois que toute l'opposition est mobilisée ainsi contre le gouvernement.

«Du jamais vu», «Un viol de la Constitution», «Une privation d’exercer son droit de vote», «Une atteinte à la fondation de notre démocratie». Les critiques fusent de toutes parts depuis le renvoi des élections municipales. Pour la première fois, toute l’opposition, qu’elle soit parlementaire ou extraparlementaire, se bat pour la même cause. 

Si aux yeux des Mauriciens, l’opposition a prouvé à maintes reprises qu’elle avait bien du mal à accorder ses violons, cette fois, elle semble plus que jamais sur la même longueur d’onde. Il faut dire que le renvoi des élections municipales, décision annoncée le vendredi 19 mai et actée après le vote à l’Assemblée nationale du Local Government (Amendment) Bill le mercredi 24 mai, est une affaire dont l’importance mérite une unification des forces de l’opposition. Car, si le gouvernement continue de brandir la carte des réformes aux collectivités locales, la colère gronde au sein de l’opposition parlementaire et extraparlementaire, mais aussi chez les citoyens engagés, les observateurs politiques et les citadins, qui voient là une entrave grave à notre démocratie. Face à l’obstination du gouvernement, l’opposition, qu’elle soit parlementaire ou extraparlementaire, a décidé d’unir ses forces pour que cesse ce «viol de la démocratie».

 

Pourtant, Pravind Jugnauth a bien tenté de justifier ce renvoi, évoquant un besoin de changement et la possibilité de faire les élections municipales et villageoises en même temps que les législatives. «Nous sommes à un an et demi des prochaines élections générales. C’est donc tout à fait juste de reporter les municipales. Non seulement nous ne voulons pas gaspiller l’argent public mais il y a aussi une réforme à apporter dans l’organisation des municipales.» Cependant, ses explications et celles du ministre Avinash Teeluck lors de la dernière conférence de presse du gouvernement, ont bien du mal à convaincre la population qui s’indigne et dénonce le jeu du MSM.

 

Un jeu dangereux qui, estiment de nombreux Mauriciens, met en péril notre État de droit puisqu’il prive les citoyens de leur droit de vote. D’ailleurs, dans un communiqué, Transparency Mauritius fait un appel au gouvernement, qui affiche une «tendance autocratique», pour qu’il se ressaisisse et qu’il respecte les principes fondamentaux de notre démocratie. «Le gouvernement n’est pas au-dessus des lois ou du peuple. Il reçoit son pouvoir du peuple et lui est redevable.» Face à l’urgence de la situation, l’opposition parlementaire et extraparlementaire se mobilise pour contrecarrer cette décision. Après Linion Pep Morisien qui a brandi la menace d’une action juridique, les membres de Rezistans ek Alternativ (ReA) sont descendus, pancartes cadenassées au cou, dans les rues de Port-Louis pour manifester leur désaccord, avant de déposer une lettre au bureau du Premier ministre.

 

Cette lettre, soutenue par l’ancien président de la République, Cassam Uteem, regroupe la signature des membres des partis parlementaires et extraparlementaires. Parmi, Navin Ramgoolam du Parti travailliste (PTr), Paul Bérenger du Mouvement militant mauricien (MMM), Patrick Armance du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) et Nando Bodha du Rassemblement Mauricien, mais aussi Stephan Gua de Rezistans ek Alternativ, Rama Valayden de Linion Pep Morisien (LPM), Roshi Bhadain du Reform Party, Patrick Belcourt d’En Avant Moris et Géraldine Hennequin-Joulia d’Idéal Démocrate. Les mouvements sociaux sont aussi représentés par la Confédération syndicale de gauche, la GWF, le JNP Sugar Industry, la Confederation of Free Trade Union, CARES, l’écologiste Adi Teelock, l’avocat et militant Dev Ramano et le journaliste Joël Toussaint.

 

Tous disent craindre «l’une des pires trahisons contre notre République» si le projet de loi était voté, affirmant que cela constituerait «une attaque flagrante et odieuse contre l'un des piliers démocratiques de la République de Maurice et violera la Constitution de l'île Maurice». Le Ralliement Citoyen pour la Patrie, représenté par Padma Utchanah, Parvèz Dookhy et Rajeev Gunput, s’est aussi joint à ce mouvement de protestation dans un souci de «défendre la démocratie».

 

Les membres de la Parliamentary Democracy Foundation sont aussi montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’«assassinat de la démocratie». Un appel pressant et unanime qui n’a pas été entendu par le gouvernement. Face à cet acte «révoltant», l’opposition ne compte visiblement pas rester les bras croisés, même si jusqu’à présent, rien de concret n’a été annoncé, si ce n’est l’intention de LPM de loger une action en justice. Rama Valayden a aussi appelé les maires et les conseillers municipaux à démissionner mais jusqu’à l’heure, rien n’a été évoqué en ce sens. Lors d’une conférence de presse conjointe du PTr, du MMM et du PMSD, Navin Ramgoolam a annoncé qu’une équipe d’avocats travaille actuellement sur ce dossier.

 

En attendant de dégager une stratégie de contestation, les trois leaders ont, une fois de plus, vivement critiqué le pouvoir pour cette décision. Selon le leader des Rouges, il est clair que si municipales il y a, Pravind Jugnauth ne décrochera aucune municipalité. «Cette affaire fait l’unanimité dans le pays. Tout le monde est contre. C’est la première fois dans l’histoire de notre pays que les élections municipales sont renvoyées et à trois reprises consécutives. Ils parlent de réformes mais ils sont là depuis 2015 et n’ont rien fait. Aujourd’hui, c’est à la veille des élections qu’ils veulent faire une réforme. C’est un faux prétexte qui montre que Pravind Jugnauth a peur de perdre les municipalités, alors il confisque le vote des citadins.» Il a rappelé le jugement du Privy Council dans le cas de Trinidad and Tobago, qui est cité en boucle depuis l’annonce du renvoi des municipales, la décision du gouvernement de reporter les élections municipales et de prolonger d’un an le mandat des conseillers municipaux a été annulée, les Law Lords estimant que c’est aux électeurs de décider si leurs représentants doivent rester en place ou pas.

 

Pour Xavier-Luc Duval du PMSD, il n’y a aucune raison valable qui peut justifier ce renvoi. Si le PMSD a bien proposé depuis 2018, dit-il, le regroupement de deux élections, soit les régionales et les élections générales, il n’a, à aucun moment, été question que cela se fasse maintenant, mais plutôt dans un prochain mandat. «Il y a un comité interministériel depuis 2015 au niveau du gouvernement qui travaille sur les questions des élections, alors ce n’est vraiment pas à la veille des élections qu’on va décider de les renvoyer.»

 

Paul Bérenger était, lui aussi, sur la même longueur d’onde que ses camarades, décrivant ce renvoi comme un acte «révoltant» et «éloquent» qui suscite «l’unanimité» dans le pays et dans toute l’opposition parlementaire et extraparlementaire. «Ce qui est frappant, c’est que le même jour qu’il viole la démocratie, Pravind Jugnauth confirme qu’il n’y aura aucun Freedom of Information Bill devant le Parlement.» Une action, dit-il, plus que jamais symbolique.