• La jalousie amoureuse : quand ça va trop loin…
  • Disparition du vol Malaysia Airlines MH 370 : c’était il y a 10 ans...
  • 13es Jeux d’Afrique : «Moris casse paquet» avec 25 médailles
  • Laura Mooneesamy : quand Gold Models va d’aventure en aventure
  • Accidents fatals : quatre familles pleurent leurs proches partis trop tôt
  • «Ratsitatann» : un pièce mauricienne/malgache pour «enlever le flou»
  • The Two : explosion de blues créole bientôt
  • Un jeune couple crie à la négligence médicale après le décès de son nourrisson - Kimy et Julien : «Deziem tibaba nou perdi par fot lopital»
  • Maurice vs Tchad : le Club M compte sur le soutien de son public
  • Agression mortelle à Cité Mangalkhan - Læticia Laviolette : «Lion Vibe ti deza menas mo konpanion Damien»

Nouvelle hausse du prix des carburants : les Mauriciens suffoquent

Un nouveau coup de massue. Le quatrième en cinq mois. Cette semaine, le prix de l’essence et celui du diesel ont connu une nouvelle hausse. Le litre d’essence coûte désormais Rs 74,10 à la pompe et le litre de diesel passe à Rs 54,55. Une décision entérinée par le Petroleum Pricing Committee mais une décision qui affecte de nombreux Mauriciens. Ici, des ONG qui craignent pour leur avenir. Là, des PME qui «vont vers une mort lente». Là encore, des chauffeurs de taxi qui «dan dife,  pe tini lor kal». Témoignages…

Shaloo Doolar, pâtissière : «Les clients sollicitent moins le service de livraison que je propose»

 

«La hausse du prix des carburants affecte beaucoup mon petit business. Déjà, pour se déplacer et aller acheter des ingrédients, je dois débourser une bonne partie de ma poche parce que je ne peux pas augmenter le prix de mes gâteaux du jour au lendemain. Déjà que ça ne fait pas longtemps que j’ai commencé. Le chemin que je trace a engendré plus d’investissements que de profits. Dieu merci, je n’ai pas un loyer à payer ! Avec l’augmentation du prix de l’essence, les clients sollicitent moins le service de livraison que je propose parce que dans ce cas, je dois faire payer les frais de déplacement effectués par mon époux. Les clients sont plus réticents à se faire livrer et préfèrent prendre le bus pour venir récupérer leur commande, ce qui n’est pas une chose facile lorsqu’on a un gâteau et d’autres desserts à ramener avec soi. En pensant à ceux qui épargnent un peu d’argent pendant des mois pour faire un anniversaire, ça me fait un pincement au coeur lorsque je dois donner le prix du gâteau. C’est tellement triste.»

 

Nicolas Lilachand, entrepreneur : «Nous sommes privés d’une certaine liberté»

 

«L’augmentation du prix de l’essence a eu un gros impact, que ce soit sur ma vie personnelle, familiale ou professionnelle. Je dois aller déposer et récupérer mon fils à l’école tous les jours et aussi conduire ma femme au travail. Le prix des transports publics a aussi augmenté de façon considérable et joindre les deux bouts devient difficile. Nous devons désormais réfléchir à deux fois avant de sortir, cela nous prive donc d’une certaine liberté. Sur le plan professionnel, je suis à mon compte et mes clients ne comprennent pas que le prix de mes services augmente à cause du transport qui coûte maintenant plus cher. Personne n’est gagnant et le gouvernement doit commencer à comprendre que les Mauriciens ne sont plus des moutons qui doivent tout accepter sans rechigner.»

 

Shifa Joomun, employée dans le marketing : «Très difficile pour mes longs trajets quotidiens»

 

«J’habite à Plaine-des-Roches et je dois tous les jours aller bosser à Ébène. C’est très difficile pour mes longs trajets quotidiens. En temps normal, ce n’était déjà pas simple, avec une allowance qui n’arrivait pas à couvrir toute cette distance pendant tout le mois. Imaginez maintenant avec cette nouvelle hausse du transport ! C’est plus que compliqué, un budget supplémentaire à revoir. Le covoiturage est une solution mais en ce qui me concerne, ce n’est pas souvent le cas, hélas. Là, je vais devoir aussi réfléchir aux sorties en famille et pour aller faire, par exemple, les courses, minimiser encore plus les déplacements. Donc, c’est une situation compliquée qui l’est devenue encore plus !»

 

Alain St Louis, opérateur de transport d’employés par van : «On est pris à contre-pied»

 

«C’est la quatrième augmentation de prix du carburant depuis décembre 2021 et cela n’augure rien de bon pour nous, les opérateurs de transport d’employés par van. Nous avons des contrats négociés avec les firmes quand le prix du diesel était encore abordable. Sauf qu’avec cette hausse du prix du carburant, il n’y a pas eu de majoration pour nous. Ce qui fait que nous avons dû opérer à perte. Maintenant que le prix du ticket d’autobus a augmenté, nous avons pu enclencher des négociations. Mais cette nouvelle augmentation nous prend à contre-pied. Nous ne pouvons continuer à opérer et engranger des pertes en même temps. Si cette situation perdure, nous allons devoir mettre la clé sous le paillasson. Ce n’est pas uniquement le prix du carburant qui nous affecte, il faut également prendre en considération le prix des pièces de rechange et des roues, qui continue à grimper. Toutes ces augmentations nous affectent énormément.» 

 

Laval Bezeguy, directeur de Cuisine & Moi Ltée : «Plusieurs petites et moyennes entreprises vont vers une mort lente»

 

«La nouvelle augmentation du prix des carburants a un impact généralisé sur mon entreprise qui se spécialise dans la fabrication de l’ameublement de cuisine depuis 30 ans. Avec Rs 1 000, j’avais la moitié d’un plein avant la récente hausse. Cela me permettait de travailler deux jours facilement. J’ai des clients à travers toute l’île. Tel n’est plus le cas car cette même somme me permet désormais de travailler uniquement un jour. Travay deza dan pins. Cette nouvelle hausse n’arrange pas les finances de mon entreprise. On souffre de la morosité de l’économie. Je ne suis pas le seul entrepreneur à le dire. Les coûts de production sont trop élevés en ce moment. Les clients hésitent avant de se lancer. Notre marge de profit diminue sans cesse. Plusieurs petites et moyennes entreprises vont vers une mort lente si les autorités concernées ne prennent pas des mesures correctives très vite pour remédier à la situation.

 

Tony Ah Yu de l’association Resto du Cœur : «La situation est de plus en plus compliquée pour les ONG»

 

«C’est un nouveau coup de massue pour ceux qui font du social car l’impact est direct sur nos opérations. C’est la quatrième augmentation consécutive et on ressent les effets au quotidien pour nous qui offrons des denrées alimentaires et des repas chauds à ceux qui sont en difficulté. On est beaucoup sur le terrain, soit pour aller récupérer les dons aux quatre coins de l’île, soit pour faire la distribution où on roule à petite allure parce qu’on fait du porte à porte. Payer l’essence plus chère pèse lourd dans notre budget, sans compter le gaz ménager. Il y a aussi de moins en moins de donateurs car eux-mêmes n’ont plus les moyens. Du coup, les gens donnent moins. Ceux qui sont au bas de l’échelle ont besoin de manger et de boire. La situation est de plus en plus compliquée pour les ONG. On tourne avec des bénévoles et des dons mais le running cost coûte. Aujourd’hui, il y a une grande crainte. Si la situation continue comme ça, pourra-t-on continuer nos opérations ? 

 

Raffick Bahadoor, président de la Taxi Proprietor’s Union : «Nous vivons une lente agonie»

 

«Je suis inquiet, très inquiet. Surtout pour la jeune génération de chauffeurs de taxi ; elle a investi pour être là mais ne pourra pas avancer. Même ceux, jeunes et vieux, qui sont placés à des endroits où il y a du trafic peinent à s’en sortir. Je parlais à des chauffeurs qui me disaient ki zot dan dife, ki zot pe tini lor kal. Certains ne couvrent même plus leur frais. J’ai un ami qui a perdu son taxi et sa licence, faute de ne pouvoir rembourser son emprunt. Et malheureusement, nous sommes obligés d’augmenter nos prix ; nous avons tenu bon face aux différentes augmentations (le cost to run a vehicle a connu, aussi, une hausse) mais là, nous n’avons plus le choix. Ce gouvernement met le couteau sous la gorge des chauffeurs de taxi. Mais pas que. Tout le monde est concerné. Les autorités devraient revoir leur copie, imposer la TVA uniquement sur le prix de l’essence et pas sur toutes les taxes prélevées, par exemple. Et il y a bien d’autres solutions pour soulager les Mauriciens. Nous, les taximen, on nous attaque de toutes parts. Il y a le prix de l’essence, le métro, les bus sur tous les trajets, entre autres ; nous vivons une lente agonie qui nous mène vers notre mort.»

 

Rima Ramoo, officier dans la fonction publique : «L’indemnité kilométrique ne couvre pas le montant réel dépensé»

 

«De par ma fonction, je suis appelée à effectuer des visites de chantier au quotidien pour superviser l’entretien des infrastructures qui sont sous ma responsabilité et j’utilise ma voiture pour le faire. C’est plus rapide, pratique et efficace. Bien que le rapport du PRB prévoie une indemnité kilométrique pour les officiers de certains grades, l’augmentation du prix de l’essence pour la quatrième fois a un grand impact sur moi. Car l’indemnité kilométrique ne couvre pas le montant réel dépensé pour les visites officielles.»

 

Textes : Jean Marie Gangaram, Christophe Karghoo, Stephane Chinnapen, Yvonne Stephen, Amy Kamanah-Murday, Valérie Dorasawmy,  Rehade Jhuboo et Qadeer Hoybun