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Nazmah Rummun tuée par son fils avec la complicité de sa belle-fille : sur la route de l’horreur

Shakeel Rummun, donnant des explications aux enquêteurs devant la maison où il a tué sa mère.

Ils ont tout expliqué aux enquêteurs sur la manière dont le meurtre de Nazmah Rummun, 66 ans, s’est déroulé, du moins ils ont donné leur version du drame. Nous avons suivi Shakeel Rummun et sa compagne Nishita Jagarnath lors de l’exercice de reconstitution des faits auquel ils ont participé en fin de semaine après avoir consigné leur déposition respective concernant ce qui s’est passé le jeudi 17 octobre. Retour sur une affaire qui n’en finit pas de donner des frissons aux Mauriciens.

Il est bientôt 9 heures, en ce vendredi 25 octobre. Nous sommes de retour à L’Avenir, St-Pierre, petit village habituellement tranquille mais qui a perdu sa sérénité et son innocence il y a quelques jours. Le samedi 19 octobre, les gens du coin ont appris avec horreur et stupeur qu’une dame de la localité avait connu une terrible fin. Nazmah Rummun, une retraitée de 66 ans, sans histoire, était portée disparue depuis le jeudi 17 octobre, mais une enquête menée par la brigade criminelle de Moka, sous la houlette du Detective Inspector (DI) Vishal Cowlessur, a élucidé ce mystère deux jours plus tard. La sexagénaire a été tuée à l’arme blanche chez elle et son corps sans vie a été placé dans une valise, avec l’arme du crime, puis balancé au Souffleur. Le plus choquant, c’est que c’est son fils Shakeel Rummun et sa belle-fille Nishita Jagarnath qui sont derrière ce crime.

 

Une semaine plus tard, dans ce village où rien qui soit hors du commun ne se passe habituellement, cette terrible histoire est encore et toujours sur toutes les lèvres. Les élections générales qui arrivent à grands pas passent au second plan. Sous les varangues des boutiques situées à proximité de son domicile, les mêmes conversations reviennent en boucle : «Comment un enfant peut-il faire une chose pareille à sa mère ?», «Quelqu’un comme lui ne mérite pas de vivre», peut-on entendre notamment. À ce moment-là, les gens du coin ignorent que dans quelques minutes à peine, celui qu’ils souhaitent ardemment voir derrière les barreaux pour son acte odieux sera de retour sur la scène de crime.

 

Environ une heure plus tard, soit vers 10 heures, une impressionnante flotte de véhicules de la police – ceux des forces régulières, de la Special Support Unit (SSU), du Scene of Crime Office (SOCO) et de la brigade criminelle, entre autres – fait son apparition aux abords de la route Royale. La curiosité des habitants est éveillée. Ils se doutent bien que cela à quelque chose à voir avec l’affaire qui occupe tous les esprits depuis quelques jours. Ce qui est confirmé quand ils s’aperçoivent que le suspect Shakeel Rummun se trouve à bord du fourgon blindé de couleur noire de la police – protégé par un gilet pare-balles et un casque. Ils devinent alors qu’une reconstitution des faits aura lieu.

 

Malgré la chaleur accablante et le soleil de plomb, une petite foule s’amasse vite en face de la maison encore sous scellés de la victime après que le meurtrier est descendu du véhicule sous escorte policière. Sans plus tarder, l’exercice démarre sous les commentaires discrets des badauds, alors que la police veille au bon déroulement de l’opération. Vêtu d’un T-shirt bleu et d’une paire de jeans, Shakeel Rummun laisse difficilement transparaître ses émotions derrière sa paire de lunettes. Est-il triste ? Regrette-t-il son geste ? A-t-il des remords ? Impossible de décrypter ce qu’il ressent. Tâchant de rester le plus discret possible, il conduit les enquêteurs à l’intérieur de l’immense demeure de ses parents, au premier étage, où va se dérouler la majeure partie de la reconstitution des faits. Là, il explique aux responsables de l’enquête, avec moult détails, comment il s’est pris pour poignarder sa mère.

 

Violente dispute

 

En ce jeudi 17 octobre, dit-il, sa mère est rentrée à la mi-journée après avoir fait quelques courses. Il serait allé la voir au premier étage un peu plus tard, alors que son épouse serait restée au rez-de-chaussée. Mais très vite, une violente dispute aurait éclaté entre eux. Le motif, allègue Shakeel Rummun : sa mère n’approuvait pas la relation entre sa compagne et lui. Selon le trentenaire, elle aurait même eu recours à la sorcellerie pour tenter de les séparer.

 

Mais le jour fatidique, ajoute-t-il, la situation se serait envenimée et sa mère aurait tenté de l’agresser avec un couteau. Il affirme que c’est en tentant de se défendre qu’il a accidentellement poignardé sa mère qui s’est vidée de son sang avant de rendre l’âme. Il aurait alors sollicité l’aide de sa compagne pour tenter de masquer son crime. Il aurait placé le corps et l’arme dans une valise et nettoyé la maison pour faire disparaître les traces de sang. Sa compagne et lui auraient ensuite pris la direction du Souffleur en voiture pour se débarrasser de la valise et après, ils se seraient dirigés vers Anse-la-Raie, Pointe-aux-Biches et Pailles pour se débarrasser des vêtements maculés de sang, des clefs appartenant à la victime et d’un tapis se trouvant dans le véhicule. La voiture aurait, elle, été lavée à Plaine-Verte.

 

Le couple espérait que l’affaire serait traitée comme une simple disparition. Mais les images des caméras de surveillance d’un voisin ont mis les enquêteurs sur la bonne piste. En effet, celles-ci ont démontré que la victime, qui était rentrée chez elle à la mi-journée, le jeudi 17 octobre, n’en était  pas ressortie. Alors que Shakeel Rummun et sa compagne ont été vus quittant la maison avec une valise. Interrogé, le trentenaire a, dans un premier temps, nié toute responsabilité dans la disparition de sa mère. Mais sa compagne a, elle, fini par craquer et le dénoncer. Shakeel Rummun n’a eu d’autre choix que d’avouer son crime, alors que des images des caméras de Safe City ont confirmé le trajet qu’il a déclaré avoir effectué après le meurtre.

 

Il est aux alentours de 11h35 quand la première partie de la reconstitution prend fin en ce 25 octobre. Les enquêteurs mettent ensuite le cap sur Le Souffleur pour y poursuivre l’exercice, empruntant la même route que Shakeel Rummun le jour du drame. Vers 12h20, l’opération se poursuit dans le cadre enchanteur et majestueux du Souffleur, à Souillac, pendant que les hélicoptères de la police survolent le ciel – toujours à la recherche des restes de Nazmah Rummun. Sur place, les rochers humidifiés par la brume accueillent la police et le suspect, sous le regard interrogateur des visiteurs venus admirer le spectacle que livrent les vagues et la falaise. Contrairement à Saint-Pierre, l’opération ne dure que quelques minutes sur les lieux. Shakeel Rummun explique aux enquêteurs comment il a transporté la valise jusqu’à la falaise où des traces de sang avaient été retrouvées lors des recherches la semaine dernière, et montré où il l’a balancée pendant que sa dulcinée patientait dans la voiture. À 13h10, les enquêteurs quittent Le Souffleur où les recherches se poursuivent toujours à l’heure où nous mettions sous presse.

 

Après Shakeel Rummun, c’est au tour de Nishita Jagarnath de participer à l’exercice de reconstitution des faits en ce vendredi 25 octobre. Lorsque la jeune femme débarque devant la maison de l’horreur sous forte escorte policière, vers 14h35, elle a les yeux gonflés et cernés, l’air désorientée, le teint blafard ; elle ose à peine lever les yeux et tente par tous les moyens de fuir le regard des badauds. Pendant plus d’une heure, c’est sous les caméras des limiers du SOCO qu’elle explique au DI Vishal Cowlessur comment elle s’est retrouvée complice du meurtre de sa belle-mère. Elle quitte les lieux d’une façon aussi discrète qu’elle est arrivée, en essayant de fuir des regards qui la jaugent et la jugent. Nishita Jagarnath retourne alors en cellule policière. L’exercice de reconstitution des faits se poursuivra pour elle et pour son compagnon durant les jours à venir.

 

Même si les deux principaux suspects dans cette affaire sont déjà passés aux aveux, les enquêteurs n’écartent pas la possibilité qu’ils aient pu mentir sur certains points, notamment sur le motif du crime. Il nous revient que durant les mois précédant la tragédie, plusieurs bijoux appartenant à la victime avaient disparu. Le couple a finalement avoué être l’auteur des vols. Une histoire de biens serait-elle à l’origine du drame ? Shakeel Rummun et Nishita Jagarnath s’en sont-ils pris à la sexagénaire parce qu’ils se sont fait prendre en flagrant délit de vol ? La police n’écarte aucune possibilité. D’autant que certaines incohérences ont été notées dans leurs versions des faits. L’enquête suit toujours son cours afin de déterminer les circonstances et les causes exactes qui ont mené à ce crime odieux.

 


 

La mère de Nishita : «Ma fille et mon gendre ne m’ont parlé d’aucun problème de famille»

 

L’arrestation de sa fille pour complicité de meurtre a été un véritable coup de massue pour elle. D’autant qu’après avoir perdu son époux il y a deux ans, son aînée lui était d’un grand soutien. Au domicile de Neermala Jagarnath, à Petit-Raffray, le temps semble s’être arrêté depuis le samedi 19 octobre. Ce matin-là, sa vie a basculé par l’appel téléphonique de sa fille Nishita, en larmes. «Elle m’a raconté ce qui lui est arrivé et dit qu’elle comparaîtrait en cour le même jour.» Bien que dans le flou, elle s’est tout de suite rendue sur place pour soutenir sa petite protégée. «Mais nous avons à peine pu nous parler. Elle pleurait tellement. Elle n’a rien pu m’expliquer. Je me pose encore beaucoup de questions sur ce qui a pu se passer.»

 

De ce meurtre, Neermala nous dit n’en connaître que les grandes lignes. Mais elle s’interroge encore sur les raisons ayant poussé Shakeel Rummun à commettre l’irréparable. Elle ne semble pas être au courant des différends entre la victime et le couple. «Au tout début de leur relation, il y a trois ans, Nazmah ne voyait pas tout ça d’un très bon œil parce qu’ils n’appartenaient pas à la même religion. Mais par la suite, les choses se sont arrangées. Il y a deux ans, Shakeel et Nishita se sont même mariés», dit-elle. Une semaine avant le drame, le couple lui avait rendu visite. «Ils avaient passé la journée chez moi. Ils ne m’ont parlé d’aucun problème de famille.»

 

Cependant, une question la taraude : le vendredi 18 octobre, soit au lendemain du meurtre, Nishita l’avait appelée. Elle n’avait pas encore été appréhendée. «J’ai malheureusement dû écourter l’appel. Je ne sais pas si elle m’aurait confiée ce qui la tracassait. Elle ne m’avait pas donné l’impression d’avoir des problèmes.» Aurait-elle fait des aveux à sa mère si celle-ci lui en avait laissé l’occasion ? Neermala n’aura probablement jamais de réponse.

 


 

Une main retrouvée sur la plage de Baie-du-Cap

 

Le courant aurait-il pu entraîner les restes du corps de Nazmah Rummun jusqu’à la plage de St-Martin, à Baie-du-Cap ? La police n’écarte pas cette hypothèse. C’est pour cette raison que la découverte d’un poignet gauche en état de décomposition en ces lieux, dans la matinée du vendredi 25 octobre, est prise très au sérieux. Des analyses seront effectuées afin de déterminer si elle appartient bien à la victime. L’enquête suit son cours.