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Naufrage de Wakashio : les «bai looke» de la mer...

Sam Anit et Hemraj Maooa font partie d’une équipe de six personnes.

Ils sont là pour s’assurer qu’il n’y ait pas de trace d’hydrocarbure sur la plage, alors que les manœuvres autour du vraquier ont lieu en haute mer… 

Une vague de… visiteurs. Elle s’en va et revient inlassablement. Seuls les visages changent ; on vient, on admire, on s’extasie et on se prend en selfie avec le vraquier échoué. Depuis plusieurs jours, le Wakashio, cargo japonais battant pavillon panaméen, pris sur les récifs au large de Pointe-D’Esny, attire, intrigue : «C’est un événement dan landrwa. Tout le monde en parle», confie Roberto Pokhun, un visiteur, ce mercredi 29 juillet. Il habite à Mahébourg. Juste à côté. Certains viennent aussi de loin pour admirer cet immense bateau, sortent la cannette de bière ou le sapo la pay. Le mouvement est incessant. Mais il y a aussi un petit groupe d’irréductibles qui est là. Leurs membres ? Des employés du ministère de l’Environnement, responsables de l’entretien et de la propreté des lieux publics en général. Mais là, ce sont les bai looke de la mer. Les boss (bai) qui scrutent (look) la mer pour déceler la moindre fuite d’hydrocarbure…

 

Si le vent n’effaçait pas les traces, que le sable n’oubliait pas aussi vite les passages qui le caressent, on pourrait lire sur la plage les allées et venues de la petite équipe qui arpente cet endroit sublime du sud de l’île. Alors que la National Coast Guard (NCG) surveille les eaux entourant le cargo, que des experts étrangers sont à bord, que des tests ont été pratiqués quotidiennement (voir hors-texte), que l’île retient son souffle pour savoir quand Wakashio s’en ira et que les habitants du coin et les Mauriciens soucieux de l’environnement craignent une catastrophe écologique (surtout dans ce coin préservé de l’île avec, entre autres, le parc marin de Blue-Bay), ces hommes ont la mission de s’assurer que les vagues ne transportent rien jusqu’à la plage. Et si des petites traces ont été aperçues en début de semaine, le ministre de l’Environnement, Kavi Ramano, a tenu à rassurer (en conférence de presse et lors d’une rencontre avec les habitants et les pêcheurs, à qui il assure une aide) : il ne s’agissait pas d’une fuite d’huile venant du bateau… mais de résidus d’une opération de pompage.

 

Sam Anit parle de ces tipti tras delwil : elles étaient sans gravité, selon lui. Il était en poste à Le Bouchon pour la surveillance du MV Benita et il sait quand les choses sont problématiques : «Pou linstan, tou korek isi. Le bateau est plus gros, oui, mais il est plus loin de la côte qu’à Le Bouchon, c’est pour ça que moi, je ne m’inquiète pas.» Avec son collègue Hemraj Maooa, ils sont tous les jours en stand-by, explique-t-il, de 7 heures à 14 heures : «Ensuite, c’est la NCG qui prend le relais. Il y a les bateaux et les hélicoptères qui surveillent constamment.» En cas de présence d’huile ou d’hydrocarbure dans l’eau ou sur la plage, lui et la petite équipe savent quoi faire : «Parey ki pou Benita.» D’ailleurs, explique-t-il, ils ont suivi une réunion d’explication il y a quelques jours pour tout bien comprendre : «S’il y a des traces, on contacte nos superviseurs et ils feront venir du tissu spécial par camion ; c’est avec ça que nous récolterons ce qui a besoin de l’être. C’est ce que nous avons fait à Le Bouchon. »

 

Tous les jours, les bai ki pe looke voient le défilé des gens : «Mais ils ne s’attardent pas. C’est pas comme à Le Bouchon où il y avait des bancs, des toilettes, des zones ombragées, des choses à manger. Ici, il n’y a rien», explique un autre membre de l’équipe (qui comprend six personnes), Sanjiv Gungah. Pour eux, cet éloignement n’est pas évident, non plus : «Pour la nourriture, ça va. On prévoit notre déjeuner mais si on veut de l’eau, c’est compliqué, il faut aller bien loin pour en trouver. Et même se mettre à l’ombre, ce n’est pas facile. On a voulu s’asseoir sous un arbre mais les propriétaires de campement ont refusé, ils nous ont dit qu’on empiétait sur leur propriété.» La plage est belle mais elle est isolée…

 

Pour y accéder, plusieurs petits passages, qu’il faut repérer quand on vient sur la route principale. Ne vous arrêtez pas au premier (en venant de Mahébourg), choisissez celui à la pancarte blanche, un peu délavée. La vue est plus impressionnante, c’est ce que nous indiquera un monsieur à bicyclette alors que nous nous apprêtions à emprunter la première «ruelle» trouvée. Effectivement ! Là-bas, il y a de toute façon plus de mouvements. Deux vans 15-places, des voitures, des gens qui arrivent en scooter… Il faut alors quitter la grisaille de l’asphalte et emprunter cette allée de sable, contourner deux troncs superbes et là, enfin, tout en ressentant la caresse de ce vent iodé propre au sud de l’île qui fait onduler langoureusement les cocotiers, découvrir cette plage de rêve et cette mer versicolore qui ondule en teintes au gré des caprices du soleil. Côté plage, il y a de grandes villas aux baies vitrées. Côté mer, on peut apercevoir des kite-surfeurs et les navettes de la NCG…

 


 

Anou al get Wakashio

 

Roberto Pokhun : «Pas de crainte pour l’environnement»

 

Enn ti popom. Sa fille joue dans le sable. Lui et son beau-frère Virginio Veerassamy, assis à l’ombre d’un arbuste, admirent ce Wakashio dont on parle tant. Habitant de la Ville-Noire, Roberto Pokhun profite de cette vue inhabituelle pour lui qui est un habitué de ce bout de plage : «Nous sommes venus spécifiquement pour voir le bateau. C’est assez impressionnant. Je pense que tout est sous contrôle et qu’il n’y a pas de danger pour l’environnement.»

 

Mamode Abdoolah : «C’est un événement»

 

De Rose-Hill… en autobus ! Ce camionneur a eu besoin d’en prendre trois pour enfin rallier Pointe-d’Esny. Mais il voulait absolument participer à cet «évenement», quitte à venir seul. «Pa ti kapav pa vinn get sa kan mem. C’est un évenement», confie-t-il.

 

Anisha Munisamy : «Il y a le parc marin juste à côté…»

 

En famille ! Avec ses parents Vicky et Taslimah, ses grands-parents Pona et Ouma, et sa sœur Melishia, Anisha a fait la route depuis Beau-Vallon : «C’est à côté. On peut même apercevoir le bateau de notre toit. Mais on a voulu le voir de plus près.» Malgré le côté wow, la famille s’inquiète pour l’environnement : «On y pense. C’est tellement une jolie côte. En plus, il y a le parc marin de Blue-Bay juste à côté. On espère simplement que tout se passera bien.»

 


 

Le point

 

Wakashio a bougé. Le vraquier a bougé sous l’effet des vagues en fin de semaine ; son gouvernail serait cassé et sa position est donc difficile. Et provoque l’inquiétude. Pour les écologistes, ce vraquier est une bombe à retardement avec ses 3 800 tonnes métriques de fioul. Nombreux d’entre eux se demandent comment un cargo japonais, battant pavillon panaméen, a pu échouer si près de nos côtés. Certains évoquent une mutinerie ou alors une tentative de sabotage. Il se pourrait que la raison soit le gouvernail défectueux…

 

Application du Oil Spill Contingency Plan. Kavi Ramano, ministre de l’Environnement, a assuré, en conférence de presse, le vendredi 31 juillet, que ce plan d’urgence avait été lancé et que quatre réunions du comité devant gérer la situation avaient déjà eu lieu. Il a ajouté que des barrières flottantes ont été posées à l’entrée du parc marin de Blue-Bay, entre autres. Mais qu’il en faudra plus pour protéger les parties sensibles de cette région. Tous les tests effectués dans l’eau se sont révélés négatifs à l’hydrocarbure et l’expertise réunionnaise sera probablement sollicitée. Il n’y aurait pas de fuite.

 

Les experts sur place. Un avion-cargo est déjà sur place, avec des équipements et deux autres remorqueurs – en plus du Stanford Hawk arrivé en fin de semaine – pour l’opération de sauvetage attendue dans les jours qui viennent. Six techniciens étrangers héliportés sur le bateau. Et des rapports attendus, du matériel et plus d’aide : c’est après tout cela qu’une décision sera prise quant au renflouage de Wakashio.