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Marche pour l’Égalité : Au nom de la paix, de l’amour et d’une île Maurice pour tous

Des ambassadeurs et des personnalités publiques, comme Jane Constance, étaient présents pour apporter leur soutien.

Une marche des Fiertés rebaptisée Marche pour l’Égalité... De nombreux membres de la communauté LGBTQIA, tout comme ceux qui soutiennent la cause, ont marché dans les rues de la capitale le samedi 15 juin, pancartes en main en scandant «mo pou la, nou pou la, mo bizin mo drwa» et réclamant les mêmes droits pour tous les Mauriciens…

Il y avait du soleil. Des sourires. Mais aussi de l’espoir et de la ferveur. Dans les voix, il y avait de la conviction mais aussi de la fierté. Il y avait du blanc au nom d’une cause : la lutte pour que tous les citoyens du pays jouissent du même droit. Et il y avait aussi des couleurs : celles de l’arc-en-ciel rassembleur, qui rappelle que tout le monde a sa place sous le ciel mauricien.

 

C’est au nom de la paix, de l’amour et pour une île Maurice égale que jeunes, enfants, membres plus âgées, étrangers, Mauriciens et personnes de la communauté LGBTQIA ou pas, ont marché le samedi 15 juin, dans les rues de Port-Louis, tous rassemblés pour la Marche pour l’Égalité. Un «moment spécial» pour beaucoup après «le triste événement de l’année dernière», quand la Marche des Fiertés, qui est redevenue un rendez-vous annuel au cours du Pride Month, avait été annulée suite à la manifestation d’un groupe d’opposants.

 

«Mo pou la. Nou pou la. Mo bizin mo drwa. Bizin met KO seksion 250. Bizin sanz seksion 280...» C’est d’une seule voix que ceux présents dans la capitale, le samedi 15 juin, ont avancé ensemble, pancartes en main, scandent : Justice for all, Ansam pou l’Egalite, We’re here, we’re gay…  Le temps de quelques heures, le Jardin de la Compagnie, les rues de La Poudrière, La Chaussée, Edith Cavell et Mère Barthélémy. «Comment oublier ? Je ne pourrai jamais oublier ce sentiment qui m’avait envahi lorsque la nouvelle était tombée et que je devais me résoudre à l’idée qu’il n’y aurait pas de marche», se rappelle Gilles qui affiche fièrement son T-shirt blanc avec son rainbow flag. «C’est vrai que c’est triste de ne pas avoir de chars, de musique et les couleurs qui symbolisent tant la communauté LGBTQIA cette année. Mais c’est quand même réconfortant de voir toutes ces personnes qui se sont mobilisées pour la Marche pour l’Égalité. Le message est très fort : on est tous égaux, on est tous des enfants de l’île Maurice et on a besoin d’être considérés comme des citoyens mauriciens au même titre que n’importe qui vivant à Maurice.»

 

Joël Lecordier a aussi voulu donner de la voix lors de cette marche militante et pacifique pour l’égalité des droits humains, qui, pour la première fois depuis la création de cette manifestation, a été soutenue par des ambassadeurs de France, de l’Australie ou encore de l’Irlande, de même que par des personnalités publiques, comme Jane Constance. C’est en force, avec ses amis qui soutiennent la cause, que le jeune homme a voulu marquer sa présence à cette manifestation qui signifie beaucoup pour lui. «Après les bouleversements de l’année dernière, c’était inconcevable que des personnes qui s’assument comme moi restent à la maison. Je me devais de marcher. La communauté LGBTQIA existe et est présente à Maurice, et il faut que les choses changent, que les lois changent, parce que c’est une question de droit. Cette marche est un moyen de rappeler cela et de faire comprendre à la société civile que son opinion doit changer. Tant que cela ne changera pas, le gouvernement, le pouvoir, ne pourra rien faire», confie le jeune homme.

 

Il y avait ceux qui s’étaient déplacés pour soutenir le collectif et il y avait aussi ceux qui ont assisté de loin à cet événement qui «a tout à fait sa raison d’être pour certains» et qui est «complètement inutile» pour d’autres. «Je n’ai jamais compris et je ne comprendrai jamais ce genre de chose. Je ne veux même pas m’exprimer sur ce sujet», confie un badaud qui a tenu à vite passer son chemin. D’autres, à l’instar de Linda Allijean, qui ne faisait pas partie de la marche, approuvent l’initiative : «On connaît tous quelqu’un qui est gay. On a tous une connaissance qui a une sexualité différente et on a tous peut-être quelqu’un de notre famille qui est de cette communauté. Est-ce qu’ils sont infréquentables ? Est-ce qu’ils sont des gens dangereux ? Est-ce qu’ils nous font du mal ? Non ! Ils sont des êtres humains comme nous. Alors, je trouve très bien qu’il y ait ce genre de manifestation…»

 

Tous Mauriciens

 

C’est sous des applaudissements et le cœur en joie que la marche s’est terminée. Anaïs Boulet, présidente du collectif, n’a ainsi pas caché sa satisfaction que la marche se soit bien déroulée, même si cela s’est fait sous forte présence de la police et des agents de sécurité. «Moi, être humain avec du sang rouge qui coule dans mes veines, mes cheveux châtains et mes yeux bleus, je suis mauricienne. Tout comme toi, toi, ou toi, être humain aussi, avec le même sang rouge qui coule dans tes veines, tes yeux marron, verts ou noirs, tu es mauricien. Nous tous ici rassemblés, nous sommes mauriciens avec nos caractéristiques, nos goûts, nos couleurs et nos différences. Mais nous sommes avant tout mauriciens», a-t-elle déclaré à la foule. «Nous habitons tous cette terre d’accueil qui est notre île, colonisée, disputée, puis indépendante. Nous sommes en 2019, un État démocratique, régi par des droits et une Constitution. Cependant, certaines lois, vestiges de l’air colonial britannique datant de 1838, font obstacle à notre vivre-ensemble. Nous travaillons tous, nous consommons tous, nous  votons et pourtant, les citoyens LGBTQIA sont toujours traités comme des citoyens de deuxième classe», poursuit-elle.

 

«Une personne trans peut se faire virer légalement de son travail juste parce qu’elle est trans. L’Equal Opportunities Act ne la protège pas contre les discriminations. L’article 250 rend coupable une pratique sexuelle qui ne devrait que concerner ceux qui la pratiquent entre les quatre murs de leur chambre. L’article 282 interdit d’inciter à la haine envers une section de la population distinguée par la couleur, l’origine, l’opinion publique et la religion. Rien sur l’orientation sexuelle. Quand les gens déversent leur violence verbale sur la communauté LGBTQIA, la loi ne nous permet pas de porter plainte pour incitation à la haine», a-t-elle ajouté, avant de s’adresser à la classe politique. «Monsieur Jugnauth, monsieur Ramgoolam, monsieur Duval, monsieur Bérenger, monsieur Bhadain, madame Diolle et tout le reste de la classe politique, unissons nos différences, comme nous l’avons fait pendant cette marche, reconnaissez la minorité LGBTQIA dans vos manifestes électoraux. MSM, PTr, PMSD, MMM et tant d’autres, tant de lettres, d’acronymes, et tous avec le même sang qui coule dans les veines et tous Mauriciens. Libérez tous les êtres humains de ces lois coloniales. Abrogez et changez ces articles fondamentaux et fédérez une île Maurice égale.»

 

C’est dans des cris de joie et sur l’air de l’hymne national que la manifestation a pris fin, même si deux personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre à l’issue de la marche. Ceux qui ont marché au nom de l’amour, de la paix et d’une île Maurice pour tous, sont rentrés chez eux, avec des sourires sur le visage et le cœur rempli d’espoir.