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La quarantaine payante : les Mauriciens qui sont «stranded» : l’insoutenable incertitude

À bout de force, à bout de ressources. Et pourtant, il leur faut trouver encore du courage, de la persévérance et de l’argent surtout pour pouvoir rentrer au pays. Ces Mauriciens bloqués à l’étranger depuis le début du lockdown, les stranded, comme ils se décrivent, n’ont pu bénéficier du service de rapatriement. Leur situation a pris une tournure un peu plus complexe, plus angoissante, depuis la décision des autorités mauriciennes de faire de la quarantaine un service payant à partir du 1er octobre. Cette nouvelle a fait déborder le vase de leur désespoir et de leur colère. Surtout que de nombreuses questions restent en suspens. La principale : devront-ils payer les frais de la quarantaine alors qu’ils essaient de rentrer au pays par tous les moyens depuis un moment ? En attendant d’en savoir plus, ils vivent au rythme de cette insoutenable attente dans un quotidien difficile en terre étrangère où l’argent est un stress quotidien.

Jean Bony Lazer : «Je suis au bout du rouleau»

 

Un voyage de rêve qui tourne au cauchemar. «J'étais venu passer deux mois en Thaïlande et au Cambodge. Mon séjour devait se terminer le 19 mars 2020 et je devais être rentré au pays le 20 mars 2020. Mais le gouvernement a fermé les frontières juste avant et sans préavis. À partir de là, les informations concernant un probable retour ont été données au compte-gouttes. Tout était opaque : personne ne répondait à mes appels, messages et mails. Quelques rares fois, j'avais des fragments d'informations peu fiables avec l'ancien ambassadeur mais rien de concret.»

 

La pression. «On nous mettait la pression genre “degaze pey ou vol sinon ou pou maye”. J'ai reçu des appels et des mails bizarres. Le but de ces appels était de me forcer à payer le billet d'avion qu'on me proposait avec un délai de 24 heures, sinon je passais à côté. J'ai reçu au moins quatre appels et mails de ce style. Quand je demandais qu’on m’envoie un mail avec les explications claires : silence radio. J’ai trouvé tout cela bizarre, je me suis donc dit que j’allais attendre que les frontières s’ouvrent à nouveau.»

 

Le choc. «Même si mon billet aller-retour a été acheté depuis 2019, je vais devoir en prendre un autre. D’accord. Mais là, je comprends bien que si je prends le vol de rapatriement, ça me coûtera dans les Rs 60 000 et si j’attends octobre, ce sera dans les Rs 90 000, avec la quarantaine qu’il faut payer. C’est incroyable ! Je ne travaille plus depuis neuf mois, comment vais-je faire face à de telles dépenses ? Je suis guide en montagne, en escalade et en randonnée : depuis que j’ai quitté Maurice, je n’ai plus de revenus. Je vis cette situation très mal car il n’y a pas d’échappatoire.»

 

Un impératif. «Je suis obligé de quitter la Thaïlande avant le 26 septembre. Sinon, je vais devoir payer des amendes ou même faire de la prison. J’essaie de rester lucide mais là, je suis au bout du rouleau.»

 

La débrouille. «J’ai économisé pendant plus d’un an pour faire ce voyage. Aujourd’hui, j’arrive à survivre grâce au soutien de la famille et des amis. C'est compliqué pour eux aussi mais j'essaie de ne pas trop donner de nouvelles pour ne pas les inquiéter. Il y a des jours avec et des jours sans. Il y a eu des rares fois où je me suis retrouvé dans des situations économiques extrêmes. Heureusement que la vie, ici, n’est pas aussi chère qu’à Maurice. Au début du mois de juillet, par exemple, je ne m'étais pas rendu compte que ma carte bancaire était arrivée à expiration. Du coup, je me suis retrouvé sans argent pour manger et, heureusement, j'avais déjà payé le loyer. Donc, j'ai dû échanger les dollars que j'avais sur moi et il n’y avait pas grand-chose. Ça a duré une semaine car la banque était fermée pour quatre jours.»

 


 

Shahin Kadir : «Nous ne sommes  pas des millionnaires»

 

Victime des circonstances. «Je suis en Grande-Bretagne actuellement. Je suis venue pour des vacances avec un visa touriste, grâce à mes économies et l’aide de mes parents. J’avais un vol retour prévu pour avril. Mais à cause de la Covid-19, cela n’a pas été possible. L’Immigration a étendu mon visa jusqu’en août et j’ai rempli le formulaire de rapatriement auprès de l’ambassade et on m’a dit que j’étais sur la liste. On m’a fait comprendre que je devais payer un nouveau billet qui coûte plus de Rs 40 000 et faire un PCR Test à Rs 10 000. On m’a envoyé les liens pour un emprunt. J’ai accepté, même si je ne travaille pas. Mais, depuis, je me suis retrouvée à faire une vraie chasse aux informations, sans résultat. Je n’ai pas obtenu de place sur aucun vol. Alors, j’ai demandé une nouvelle extension de mon visa auprès de l’Immigration : je suis toujours en attente. J’ai tout essayé.»

 

Une somme incroyable. «Avec la décision des autorités que la quarantaine soit payante, il me faudra trouver plus de Rs 100 000 ! C’est incroyable ! Surtout que ce n’est pas de ma faute ou celle d’autres Mauriciens, s’il n’y a aucun vol. Comment le gouvernement s’attend-il à ce que nous ayons autant d’argent ? En plus, c’est pour retourner dans notre pays. Si nous n’en avons pas les moyens, nous ne pouvons pas rentrer à la maison ? C’est ça ? C’est ridicule. La situation ici est difficile, on essaie déjà de survivre. J’ai un cousin qui m’aide. Ça cause tellement de stress et de migraines. Le gouvernement propose des loans alors que tellement de personnes ont pu rentrer sans payer ? Je ne travaille pas, qui va payer les mensualités ? Faut-il rappeler au gouvernement que la majorité d’entre nous ne sont pas des millionnaires ? Que nous devons contracter des dettes pour survivre ici ?»

 

Rajiv : «Je veux rentrer avec ma famille»

 

Un cas compliqué. «Je suis arrivé à Maurice, de Prague, le 13 mars dans le but d’ouvrir ma compagnie suite à un business agreement. Une semaine plus tard, il y a eu le confinement. Le 22 mai, j’ai pu retourner à Prague avec, pour objectif, d’aller chercher ma fiancée qui est tchèque (nous devions nous marier à Maurice en juin) et mon bébé de 18 mois. Mon vol de retour était prévu pour le 11 juin mais il a été annulé. J’ai dû payer des frais de Rs 3 000 par billet. Puis, le vol a été reschedule pour le 4 juillet et, finalement, pour septembre avec tous les frais à payer encore et encore. Nous avons dû prendre un Airbnb pour vivre. La situation est délicate, je n’arrive pas, malgré toutes mes démarches, à rentrer avec ma famille. Je n’ai plus beaucoup d’argent, je peux payer uniquement les billets encore une fois. Dans tout cela, j’ai perdu mon business agreement et je refuse d’abandonner ma famille. Je ne sais pas si je pourrai payer les frais de la quarantaine. C’est vraiment trop cher…»

 

Tout pour revenir. «Tous les papiers sont en règle depuis des mois ; nous devrions pouvoir rentrer ! Mais je n’ai plus beaucoup d’énergie, alors je suis prêt à tout débourser à condition qu’on me donne une credit facility. Je n’ai pas cette liquidité, actuellement. Mais je vais me débrouiller après ; là, je veux simplement rentrer avec ma famille.»

 


 

Raksha : «J’espère pouvoir revenir avec mon nouveau-né et mon mari»

 

Une envie de rentrer, une grossesse… «I’ll cut a long story, short. Je travaillais à l’étranger et j’ai arrêté à cause de ma grossesse. Depuis le début, je voulais rentrer mais les frontières ont été fermées abruptement. Alors, j’ai patienté pour qu’elles s’ouvrent mais j’étais bien avancée dans ma grossesse quand les vols de rapatriement ont commencé et c’était dangereux de prendre l’avion. Donc, il fallait patienter et j’étais en contact avec le British Consulate à Londres. Donc, mon mari, mon bébé et moi sommes bloqués ici. Nous ne travaillons pas, la situation est très difficile. Mon mari a une allowance pour unpaid leave et moi, j’ai une maternity allowance de mon ancien patron mais les temps sont durs.»

 

Un passeport. «Puis, le bébé est arrivé et il a fallu attendre d’obtenir son passeport pour pouvoir prendre le vol de rapatriement. Mais le document a été disponible qu’en septembre et la phase 2 avait déjà commencé. Je ne blâme pas le Consulat mais c’est faux de dire que tout le monde a pu rentrer. Nous vivons une période difficile, avec beaucoup de stress mental et émotionnel. J’espère de tout cœur que je vais rentrer dans mon pays avec mon bébé et mon mari.»

 

Rs 150 000. «Rs 50 000 x 3, c’est bien cette somme-là qu’il faudra payer, non ? Je compte pour le bébé aussi, parce que le gouvernement ne communique pas : faudra-t-il payer ou pas pour un enfant qui vient de naître ? Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas une somme facile à débourser.»

 


 

Une décision, des questions

 

C’est Zouberr Joomaye qui l’a annoncé lors d’un point de presse : la réouverture partielle des frontières aura lieu le 1er octobre. Trois catégories de personnes pourront fouler le sol mauricien : les Mauriciens à l’étranger, les détenteurs d’un Resident Permit ou d’un Occupational Permit, et les touristes qui comptent passer plus de 14 jours sur l’île. Tous ceux qui sont concernés devront passer par une quarantaine dans un hôtel de l’île qui sera, désormais, payante. Entre Rs 40 000 et Rs 50 000, selon le porte-parole du gouvernement. Néanmoins, ces explications succinctes ont soulevé une vague de colère et d’incompréhension. Et d’interrogations : comment le gouvernement arrive-t-il à ce chiffre ? Est-ce que les Mauriciens qui n’ont pu être placés sur les vols de rapatriement mais qui sont sur la liste des stranded devront payer les frais de la quarantaine ? L’utilisation du Covid Fund ne serait-elle pas judicieuse pour les Mauriciens en détresse ?