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Grossesse précoce : ma réalité de fille-mère

Elle est tombée enceinte à 15 ans.

«Je connaissais les risques que j’encourais mais je pensais que ça ne pouvait pas m’arriver…» Pas timide pour un sou, Kelly* revient sur l’événement qui a bouleversé sa vie. «J’avais 15 ans quand je suis tombée enceinte. Il avait, lui, 19 ans. On s’aimait, c’était ma première fois et on l’a fait», confie l’adolescente, aujourd’hui âgée de 17 ans.

 

Elle se souvient encore de son état de choc lorsqu’elle a appris qu’un petit être grandissait en elle. «Forcément, si j’avais eu le choix, je n’aurais pas refait les mêmes erreurs. La sexualité n’est pas une chose taboue entre jeunes. On en parle. On connaît les dangers qu’il y a, on sait comment se protéger mais souvent, au moment de passer à l’acte, on ne se pose pas de questions», poursuit la jeune fille qui était en Form V quand elle est tombée enceinte. «Je me souviens que je me suis posée beaucoup de questions : comment est-ce que j’allais faire avec un enfant ? Je ne savais pas non plus si j’allais pouvoir être à la hauteur d’une telle responsabilité et surtout si j’étais prête à devenir mère, tout simplement.»

 

Après les premières interrogations, c’est à la colère de ses parents que Kelly a dû faire face : «Bien évidemment pour eux, ce qui était arrivé était inconcevable. C’était un grand choc. J’ai même dû quitter la maison et l’école alors que je me préparais pour mes examens de Form V. Avec ce qui était arrivé, les conditions n’étaient pas réunies pour que je continue.» Kelly réalise très vite que plus rien ne sera comme avant. «J’ai dû faire face au regard des autres. Je sentais que ma situation dérangeait. Pour ceux qui ne comprenaient pas, j’étais trop jeune pour mettre au monde un enfant. J’ai eu de la chance que mon copain ne se soit jamais défilé devant ses responsabilités. Mes parents aussi sont revenus à de meilleurs sentiments et au fil du temps, je me suis conditionnée à l’idée que j’allais accueillir un enfant.»

 

Aujourd’hui, cette jeune maman, qui a le soutien de son partenaire et de ses parents pour élever son fils, reconnaît qu’elle a «peut-être» été imprudente : «Devenir maman n’est pas une chose à prendre à la légère. Aujourd’hui, j’ai mon fils pour me réconforter mais j’ai eu de gros doutes à un certain moment par rapport à mon avenir et à celui de mon bébé. S’il n’y avait pas mon partenaire et mes parents, je ne sais pas ce que je serais devenue.»

 

C’est forte de tout ce qu’elle a vécu que Kelly, aujourd’hui, ne rate pas une occasion d’aller partager son vécu quand une plateforme se présente : «J’ai pu me relever. J’ai pu faire face mais je suis consciente qu’il y a beaucoup de jeunes filles qui n’ont pas cette chance et qui se retrouvent livrées à elles-mêmes une fois enceintes. C’est vrai que l’usage du préservatif est sujet à débat pour certains jeunes qui disent que la sensation n’est pas la même au moment de l’acte. Mais le fait de se protéger est la seule solution si on ne veut pas avoir à gérer une grossesse précoce. Avec ce qui m’est arrivé, j’ai dû mettre ma vie et mes rêves en suspens. Je rêvais de travailler au sein de la Special Support Unit mais j’ai dû revoir mes projets. J’ai aujourd’hui mon fils et je l’aime de tout mon cœur. Il n’est en rien responsable de ce qui m’est arrivé. Je tiens à dire à tous les jeunes de bien réfléchir avant de passer à l’acte ou alors de le faire correctement. On a tout le temps après pour devenir parent.» 

 

Si Kelly a la chance d’avoir son partenaire et sa famille à ses côtés, cela n’a pas été le cas pour d’autres. Stenia*, que nous avons rencontrée dans un abri pour filles mères à Baie-du-Tombeau, s’est retrouvée du jour au lendemain toute seule. «Mes parents n’ont jamais accepté le fait que je leur ai mis la honte avec ma grossesse quand j’avais 15 ans. Le père de l’enfant a aussi disparu. Aujourd’hui, je n’ai que mon fils», nous dit celle qui a aujourd’hui 17 ans et qui reconnaît que c’est à cause d’«une imprudence», alors qu’elle était au courant des risques qu’elle encourait, qu’elle s’est retrouvée enceinte et qu’elle vit aujourd’hui la réalité des filles-mères…

 

*Prénoms fictifs

 

Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children : «Il ne faut pas faire de la morale mais…»

 

Elle est catégorique : les jeunes ont une sexualité précoce. Pour Rita Venkatasawmy, les campagnes de prévention sont indispensables dans la lutte pour faire reculer les grossesses précoces. «Il ne faut pas faire de la morale à nos jeunes. Il faut une discussion pédagogique et interactive…»

 

Des jeunes pour informer les jeunes

 

Youth for Tomorrow est un groupe qui a émergé à la suite d’une formation, The National Leadership Engine, organisée par le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC) Mauritius et qui a la mission d’aller à la rencontre des jeunes dans plusieurs parties de l’île pour des discussions autour des grossesses précoces et de ce que cela implique. Bala Kanaram, un membre du groupe, nous confie : «En tant que jeunes, nous voulons parler aux jeunes en utilisant un langage jeune pour aborder un problème qui mérite qu’on s’y attarde.»

 

Rozie Khedoo, directrice d’un abri pour filles mères  : «Une triste réalité»

 

Elle connaît la détresse et le désarroi de ses pensionnaires. «Notre mission est d’accueillir ces jeunes filles souvent livrées à elles-mêmes. Il s’agit d’une triste réalité qui existe à  Maurice et qu’il faut combattre», confie Rozie Khedoo, directrice d’un abri pour filles-mères.

 


 

Vidya Charan de la Mauritius Family Planning and Welfare Association : «Les adolescentes ne pensent pas qu’elles peuvent se retrouver enceintes»

 

Quels sont les derniers chiffres concernant les grossesses précoces ?

 

De janvier à avril 2019, on a enregistré une centaine de cas de grossesse précoce. Janvier : 26 cas, février : 20 cas, mars : 20 cas, et avril : 34 cas.

 

Quelles sont les causes qui expliquent la grossesse chez les adolescentes ?

 

Parmi ces cas qu’on a analysés, on a constaté que les adolescents de moins de 18 ans sont sexuellement actifs et sont consentants à avoir des rapports sexuels. Environ 10 % des cas de grossesse enregistrés étaient dus à des abus sexuels.

 

Année après année, campagne après campagne, les cas de grossesse précoce continuent de gagner du terrain. Pourquoi, selon vous ?

 

Notre campagne, en collaboration avec la Child Development Unit, pour faire baisser le nombre de cas d’abus sexuel envers les enfants, porte ses fruits. Car de janvier à avril 2019, on a enregistré 100 cas d’abus sur mineurs contre 149 cas en 2018. Mais de l’autre côté, on constate que de plus en plus d’adolescents sont consentants à avoir des rapports sexuels entre eux, bien que la loi ne l’autorise pas. Il y a un manque d’éducation sexuelle pour les jeunes et ils sont exposés à la sexualité à travers différentes sources. Les adolescentes ne pensent pas qu’elles peuvent se retrouver enceintes lors des activités sexuelles, même si elles savent ce qui peut leur arriver. En outre, ils n’utilisent pas un moyen de prévention pour se protéger car ils n’ont pas accès à la contraception.

 

Que fait la MFPWA pour faire reculer ces chiffres ?

 

Avec le support de l’Union européenne, nous sommes en train d’implémenter des sessions d’éducation à la sexualité dans 25 écoles primaires et une vingtaine d’écoles secondaires et dans la communauté, y compris la formation d’une cinquantaine d’enseignants.