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Femmes candidates : le prix de l’engagement

Passer à la caisse, la note est salée ? Qu’est-ce que ça coûte aux madam de s’engager en politique lors des législatives ? Voici les détails de la facture…

Amazones du porte-à-porte et des réunions nocturnes. Elles partent à l’assaut d’un terrain majoritairement masculin. Dans un système qui en a encore tous les traits. Elles ne sont pas les premières à briguer les suffrages. Elles ne seront pas les dernières non plus. Mais cette campagne électorale 2019 est, pour nombre d’entre elles, une première expérience. Même si nous sommes loin de la représentativité féminine à termes égaux dans les listes de candidats annoncés, les femmes marquent leur présence. Pour elles, c’est toute une organisation à mettre en place. Car même si les leaders politiques disent vouloir plus de femmes en politique, l’engagement demande aux candidates bien plus qu’il n’y paraît. De leur rôle dit traditionnel de madam à celui de bête politique, il y a une somme d’efforts à fournir pour assurer les deux. Leur poser la question équivaut à aiguillonner toute une réflexion qui n’est pas simple…

 

Jasmine Toulouse dans sa circonscription.

 

Demanderait-on à un candidat masculin comment il gère les repas, les devoirs des enfants et la gestion de la maison ? Pas forcément. Alors, le faire peut sembler cliché, même si l’interrogation est au cœur de l’engagement féminin en politique. Jasmine Toulouse, candidate du MMM au n° 14, résume le propos : «Un homme qui fait de la politique, qu’il soit marié ou célibataire, aura toujours sa maman ou sa femme pour s’occuper des enfants, pour cuire à manger…» Celle qui se décrit comme une «mère célibataire» lance : «Mo pe retrouv mwa pa pe kwi manze ditou.» C’est sa sœur qui s’en occupe. Sans le soutien de ses proches, vivre cette campagne serait un peu plus compliqué. Mais il n’empêche que ce n’est pas facile de «kit zanfan lakaz» : «Je sors de bonne heure, je rentre tard. Heureusement que la famille m’épaule dans ces moments-là.»

 

Malgré le feeling qui accompagne cette sensation d’être moins présente pour sa fille, elle sait qu’elle s’engage pour les bonnes raisons : «Nous avons le même courage que les hommes. Marcher dans la rue, aller voir les gens ; nous pouvons le faire. Nou bizin pa bliye ki enn fam se manager enn lakaz.» Savoir tout gérer, s’organiser et faire face aux responsabilités, c’est le calcul pour mener une campagne en tant que candidate. Pour assurer les réunions, les rencontres, les congrès.

 

Nicole Hack en mode porte-à-porte.

 

Tenir debout, tenir ferme, malgré la fatigue, le stress et cette culpabilité dont les femmes n’arrivent pas à se défaire. C’est la formule de Nicole Hack, potentielle candidate de l’Alliance Nationale au n° 20. La politique active, elle s’y est préparée toute sa vie : «Je ne suis pas une femme d’intérieur. Pour ces choses-là, je suis plutôt gauche.» Alors, pour mener de front sa carrière et sa vie de famille, il a fallu assurer, grâce à un planning rigoureux. Et la politique sur le terrain est venue s’ajouter à l’ensemble sans grandes difficultés, affirme-t-elle : «Ça demande juste beaucoup d’organisation. Je le suis déjà, donc ça va. Avec le soutien des proches, tout roule. Et je sais faire la part des choses. On sait que mon mari a football le jeudi, donc je sais que je vais m’efforcer d’être à la maison.» Même si ses enfants sont relativement grands, ils ont des questionnements par rapport au nouvel emploi du temps de maman, explique-t-elle : «Je leur explique et ça va.»

 

Johanne Tour, candidate de l’Alliance Morisien au n° 4, est bien de cet avis ; une bonne organisation est essentielle pour se lancer en campagne. Avec tout ce que cela implique de réflexion et de kase ranze, bien sûr ! Mais, rappelle-t-elle, nous sommes en 2019 : «Maintenant, tout le monde fait tout.» Les tâches ménagères n’ont plus de genre et la femme n’est pas tenue de cuire à manger et de gérer le quotidien des petits exclusivement : «C’est le cas chez moi. On s’entraide. Et avec la famille qui nous soutient, c’est possible de faire de la politique. C’est comme pour la vie professionnelle.» Ceci étant dit, sortir de sa zone de confort, se lancer dans un monde avec ses travers, ses moments forts, ses instants difficiles, cela demande «un engagement, du temps, une passion et beaucoup de volonté». De se construire une carapace, aussi. Parce que les critiques aujourd’hui sont aussi faciles qu’un clic de souris. Sur les réseaux sociaux, les femmes candidates sont attaquées, dénigrées. Sur leur physique, leur condition de femmes. Il suffit de lire les commentaires sur les différents posts sur Facebook. Sur un lien concernant une prise de parole de la députée sortante Sandya Boygah, on a pu lire, cette semaine, un «get sa lazou-la», pour citer le commentaire le moins injurieux.

 

Joanne Tour rencontrant des gens.

 

This is a man’s world. Pourtant, selon les statistiques locales, les femmes sont en majorité à Maurice : «As at end of 2018, the population of the Republic of Mauritius stood at 1,265,637 comprising 626,261 males and 639,376 females», peut-on lire sur le site de Statistics Mauritius. La plus grande partie de l’électorat est, donc, sous-représentée. Prise par ses «responsabilités innées» – kwi, bwi, okip piti, sans partage des tâches – et, donc, trouvant difficile de faire autre chose. Joelle Coret, potentielle candidate du mouvement 100 % Citoyens au n° 17, en est consciente. Mais elle veut voir au-delà : «Je suis persuadée que les femmes ont la possibilité d’apporter leur petite étincelle. Moi, je veux m’engager dans la construction de la société. Je suis maman, je suis la fille de mes parents. J’ai mon mot à dire. Pour moi, une femme est un être de responsabilités. Alors, c’est normal qu’elle trouve sa place dans les instances décisionnaires.»

 

La campagne, la politique, elle les vit différemment. Peut-être parce qu’elle est loin des partis traditionnels et de leur façon de faire, de leur machinerie huilée par les expériences et les habitudes : «Sur le terrain, je suis moi-même. Une personne ordinaire, simple. Il ne faut pas faire plus que ça.» Ne pas s’adapter à un système mais y apporter son grain de sel : «Nou met nou palto de konbatan.» De son côté, ce ne sont pas les sous qu’elle investit mais son temps et ce qu’elle est. Déjà dans le social, elle a le contact facile : «Mo pa pe fer enn sistem promes ou gran nwar. Je vais juste vers les gens et je suis moi-même.» Elle n’a pas besoin de faire l’effort d’entrer dans un moule. D’entrer en compétition avec d’autres candidats… Qu’il y a-t-il de mal à dire : «Je ne peux pas être sur le terrain ce soir, j’ai besoin de me ressourcer / de voir mes enfants / de lancer une réflexion» ?

 

Joelle Coret vit ce moment à son rythme.

 

Et c’est déjà assez libérateur. Moins de pression, plus d’humain. On avance à son rythme : «Je m’occupe de mon enfant le matin jusqu’à l’école, après je rentre en campagne. Il y a les réunions, le porte-à-porte. Je m’organise, mes parents m’aident. Si j’ai besoin d’aller chanter le soir, j’y vais. C’est mon métier. C’est vrai que tout mon temps est pris en ce moment. Pa gagn letan amize ! Mais c’est un sacrifice qui en vaut la peine.» Elle a décidé de faire de la politique mais à son rythme, on her terms. Sans être une amazone des réunions nocturnes ou du porte-à-porte. De casser un système sans qu’elle ne s’en rende totalement compte. Et, ainsi, ouvrir la voie pour d’autres femmes dans le cadre d’un engagement politique qui leur ressemble.