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Ernest Lapeyre tue son père Lindsay, un caporal : la descente aux enfers d’un «enfant gaté»

Rosaleine a tout fait pour sortir son fils de l’enfer de la drogue.

Lindsay Lapeyre avait déjà fait ses valises. Actuellement en congé pré-retraite, ce policier de 64 ans devait se rendre en Australie pour aller voir sa fille qui va accoucher dans quelques jours. Hélas, le caporal a connu une fin horrible le 1er mai après une énième altercation avec son fils toxicomane. Ce dernier l’a tabassé avec un marteau avant de lui assener plusieurs coups de couteau à l’estomac. Les autres membres de la famille, désemparés, nous confient leur douleur et reviennent sur le parcours de celui qui a été happé par l’enfer de la drogue.
 

«Enn mari bon piti.» C’est ainsi qu’était Ernest Lapeyre, 22 ans, il n’y a pas si longtemps. C’est du moins ce qu’assurent ses proches. Mais c’était avant qu’il ne bascule dans l’addiction à la drogue synthétique. Il avait changé, était devenu violent, renfermé, incontrôlable. La descente aux enfers de ce fils de policier, benjamin d’une famille de quatre enfants – trois garçons et une fille –, a connu une issue fatale. Il a mortellement agressé son père, dans la soirée du 1er mai, après que ce dernier l’a surpris fumant de la drogue synthétique. Il se retrouve maintenant en prison alors que sa mère et ses frères et sœur se retrouvent dans la tourmente.

 

Rosaleine Lapeyre, sous le choc et le cœur brisé par cette tragédie qui la prive à jamais de son mari Lindsay, un caporal de 64 ans, essaie de se retrouver dans ce cauchemar. Quand nous la rencontrons, trois heures après les funérailles de son époux en l’église de La Visitation, le vendredi 3 mai, elle ne pleure plus après avoir versé tant de larmes. Maintenant qu’elle a enterré celui avec qui elle était mariée depuis 40 ans, elle s’efforce de concentrer son esprit sur l’avenir de son plus jeune enfant. Son cœur de mère ne peut faire autrement même s’il s’agit aussi du meurtrier de son mari.

 

«Mon époux Lindsay a toujours été gentil et très courtois. C’était un homme de principes. Je regrette terriblement ce qui s’est passé. Mais j’ai déjà pardonné à mon fils. Je vais maintenant faire de mon mieux pour le faire libérer. Nous avons toujours été une famille unie», confie Rosaleine. Son fils aîné, Didier, 39 ans, abonde dans le même sens : «Linn fer enn gran erer me nou pardonn li. Nou anvi li sorti dan prison ek refer so lavi. Li pa ti dan so leta normal kan linn fer seki linn fer. Li pou touzour res mo frer. Nou pou tro akfekte si li al fer prison. Li pou enn doub perte pou nou.»

 

Quand Jesper, l’autre fils de 32 ans, a vu son petit frère à la cour de Bambous où il comparaissait sous une accusation provisoire d’assassinat, celui-ci lui a personnellement demandé pardon. «Ernest lui a aussi dit qu’il ne se souvenait pas de ce qui s’était passé le soir fatidique. Il est encore très jeune. Toute notre famille est dans une grande souffrance. Nous avons déjà perdu notre père. Ce serait maintenant très dur si nous devions aussi perdre notre frère», souligne Didier.

 

«Très violent»

 

Rosaleine n’en revient toujours pas que son fils chéri ait pu en arriver là, lui qui, dit-elle, était un «bon garçon» et «enn zanfan gate» avant de commencer à consommer de la drogue synthétique. Sa famille a noté un changement dans son comportement quand il est rentré d’Australie en 2018. Il avait passé quelque temps dans ce pays où vit sa sœur, la cadette de la famille, et le fiancé de celle-ci. «Il s’était renfermé sur lui-même alors qu’auparavant il était toujours jovial et aimait plaisanter. Il avait également cessé d’aller jouer au basket-ball avec ses amis. Il était stressé et agressif dans sa façon de parler», se souvient Didier. «On a tous remarqué qu’il avait changé. Il était une autre personne. Il était devenu très violent. Il y avait beaucoup de colère en lui. Il n’arrêtait pas de sortir et de rentrer à des heures tardives. Il fréquentait des personnes louches. Mon époux le soupçonnait de consommer de la drogue», ajoute Rosaleine.

 

Les personnes que fréquentait son fils, dit-elle, venaient régulièrement le voir à la maison. Ils disaient qu’ils jouaient de la musique ensemble. «J’avais trouvé cela bizarre car notre fils faisait uniquement de la musique sur son ordinateur.» À un moment, Rosaleine et son époux, désemparés face au comportement de leur fils, l’ont emmené de force chez un médecin du privé. «Ti fer boukou tes disan ek li me pa ti trouv nanye grav», souligne Rosaleine. Le médecin lui avait également demandé s’il consommait des produits illicites et il avait répondu par la négative.

 

Le professionnel de santé lui avait alors prescrit des calmants. Les choses allaient un peu mieux, mais ça n’a pas duré. «Nous avons recommencé à avoir des problèmes avec lui lorsqu’il a cessé de prendre ses calmants. Il devenait violent quand mon frère et moi essayions de le raisonner. Il disait aussi des gros mots», explique Didier. C’est alors que ses parents et son jeune frère ont déménagé de Glen Park, Vacoas, à Flic-en-Flac, où ils ont une autre maison, alors que Didier qui vivait là-bas est, lui, allé vivre à Glen Park. Tous espéraient que loin de ses amis «louches», il allait changer.

 

L’espoir

 

Hélas, il se serait fait d’autres amis encore plus infréquentables et la situation a empiré, selon Didier. «On ne pouvait plus lui parler. Il cherchait la bagarre à chaque fois qu’on lui passait une remarque, il réclamait toujours plus d’argent pour aller consommer de la drogue. Il nous reprochait d’être trop sur son dos. Un jour, il a fait voler le portable de ma mère en éclats. Il se disputait aussi avec mon père qui vivait très mal cette situation. Il ne cessait de se disputer avec nos parents.»

 

Toujours dans l’espoir qu’il se calme, sa mère lui a alors trouvé un boulot dans un supermarché de Flic-en-Flac. «Il travaillait dans le store. C’était un travail temporaire car nous devions l’emmener avec nous en Australie dans pas longtemps», confie Rosaleine. Son époux et elle avait prévu de se rendre là-bas cette semaine pour aller voir leur fille qui va bientôt accoucher. Ils allaient ensuite revenir à Maurice dans deux mois pour ramener Ernest avec eux, avec le projet de s’établir définitivement au pays des Kangourous. «Il dessinait très bien. On pensait le faire admettre dans une école spécialisée en Australie.»

 

Le choc

 

Comme le père de famille allait prendre sa retraite en juin et était déjà en congé pré-retraite, c’était le bon moment pour enclencher des démarches en ce sens. Dans la soirée du 1er mai, Rosaleine, qui travaille comme garde de nuit dans une maison de retraite à Bonne-Terre, et son mari avaient d’ailleurs évoqué le sujet au téléphone, entre autres. «Je faisais mon service de nuit. Nous avons conversé quelques secondes avant de nous souhaiter bonne nuit.» C’était leur dernière conversation.

 

Rosaleine a eu le choc de sa vie le lendemain lorsqu’un proche lui a appris la mort tragique de son époux. Un homme de cœur, dit-elle, malgré son grand gabarit et son visage dur. Les mots lui manquent d’ailleurs pour décrire à quel point il était bon. Selon Didier, il était un époux remarquable et un père exemplaire. Mais ces derniers temps, il était rongé par la descente aux enfers de son fils. «Cela l’affectait beaucoup. Sa santé avait pris un sacré coup», regrette Rosaleine. Ses inquiétudes n’étaient pas vaines car Ernest a dérapé complètement en ce soir du 1er mai et a fini par tuer son propre père. Laissant une famille dans une incroyable tourmente.

 


 

L’accusé explique son geste funeste

 

Il n’avait pas l’intention de tuer son père. C’est du moins ce qu’explique Ernest Lapeyre dans sa déposition. Le jeune homme a comparu devant le tribunal de Bambous, le vendredi 3 mai, sous une accusation provisoire d’assassinat, avant d’être placé en détention à Alcatraz. Un peu plus tard, il est retourné sur les lieux du drame, à Flic-en-Flac. Sur place, il a expliqué aux enquêteurs comment il s’y est pris pour agresser mortellement son père. Une violente altercation aurait éclaté entre eux lorsque son père l’a surpris fumant un joint contenant de la drogue synthétique. Ce dernier l’aurait giflé et, dans un accès de colère, il se serait saisi d’un marteau et d’un couteau pour l’agresser.

 

«Monn bisin defann mwa. Mo pa kone kinn pass dan mo latet», explique le jeune homme dans sa déposition. Le caporal s’est effondré dans une marre de sang sous les coups répétés de son fils. Paniqué, Ernest a tourné en rond pendant plusieurs heures avant de prendre la route au volant du 4x4 de son père. Direction Glen Park, où il s’est arrêté devant la maison familiale durant quelques secondes, avant de reprendre la route en trombe. Le ronronnement du moteur a, d’ailleurs, réveillé Jesper ce soir-là. Il a vu partir le tout-terrain et a pensé qu’il s’agissait de son père. Il ne se doutait pas qu’il s’agissait d’Ernest, car ce dernier n’avait pas de permis de conduire. «Zame nou finn trouv li pe kondir», confirme Didier. Ernest a pris la route de Grand-Bassin et le 4x4 a finalement terminé sa course contre le mur d’un lieu de culte. Un petit shivling a d’ailleurs été endommagé après la collision.

 

Il a été arrêté peu après sur place. Mais lors de son arrestation, il s’est montré très violent envers les policiers. Au poste de police, ces derniers ont constaté qu’il avait des égratignures au visage et du sang sur ses vêtements. Pressé de question, Ernest Lapeyre n’a pu donner d’explication cohérente à ce sujet. Il a alors placé en détention. Peu après, des policiers se sont rendus à son domicile à Flic-en-Flac pour vérifier son identité et sur place, ils ont fait la découverte macabre. Le rapport d’autopsie indique que le caporal Lapeyre a succombé à une «stab wound to the chest».

 


 

La vicime, un soldat exceptionnel

 

Il a eu une belle carrière au sein de la police. Lindsay Lapeyre a d’ailleurs reçu plusieurs distinctions pour ses états de service. Il a rejoint les forces de l’ordre, le 20 octobre 1976, et après 42 ans de service, il allait enfin prendre sa retraite. Son last posting était à la Special Supporting Unit (SSU) mais c’est à la Special Mobile Force (SMF) – où il a passé 28 ans – qu’il a fait ses preuves, notamment pour sa combativité. Il avait d’ailleurs une formation en commando. Ceux qui l’ont côtoyé disent de lui qu’il avait une force phénoménale. Il faisait immanquablement partie de l’équipe de tug of war de la SMF lors de chaque confrontation avec les autres unités de la police.

 

Le caporal Lapeyre était également un fidèle lieutenant de Raj Dayal à l’époque où ce dernier dirigeait d’une main de fer la SMF. Lindsay Lapeyre a également travaillé au poste de police de Rivière-Noire et de Flic-en-Flac avant de rejoindre la Very Important Person Security Unit en 2014 pour assurer la sécurité de Raj Dayal qui était devenu ministre. Après l’affaire Bal kouler, il a été muté à la SSU.

 

Des problèmes de santé l’avaient considérablement affaibli ces dernières années. Il boitait un peu depuis 2018 après avoir fait un premier accident vasculaire cérébral (AVC). Il souffrait de forte tension artérielle, avait un début de diabète et des convulsions. Il a fait un deuxième AVC, il y a un mois. Ce qui l’a poussé à partir en pré-retraite avant sa retraite définitive en juin prochain.