• La jalousie amoureuse : quand ça va trop loin…
  • Disparition du vol Malaysia Airlines MH 370 : c’était il y a 10 ans...
  • 13es Jeux d’Afrique : «Moris casse paquet» avec 25 médailles
  • Laura Mooneesamy : quand Gold Models va d’aventure en aventure
  • Accidents fatals : quatre familles pleurent leurs proches partis trop tôt
  • «Ratsitatann» : un pièce mauricienne/malgache pour «enlever le flou»
  • The Two : explosion de blues créole bientôt
  • Un jeune couple crie à la négligence médicale après le décès de son nourrisson - Kimy et Julien : «Deziem tibaba nou perdi par fot lopital»
  • Maurice vs Tchad : le Club M compte sur le soutien de son public
  • Agression mortelle à Cité Mangalkhan - Læticia Laviolette : «Lion Vibe ti deza menas mo konpanion Damien»

Endométriose : Dans la peau d’«endogirls»

Kimberley et Nelly se confient pour conscientiser.

C'est une maladie silencieuse qui touche de nombreuses femmes. Douleur, kyste, stérilité… Deux combattantes ont décidé d'en parler à cœur ouvert.

Elles se regardent et se comprennent. Entre elles, il existe un lien tenu. Celui de la maladie. Malgré les années qui les séparent, les expériences de vie différentes, Kimberley Vieillesse, 24 ans, et Nelly Beg, 35 ans, parlent le même langage. Ces endogirls, petit surnom donné aux femmes qui sont atteintes d'endométriose, se sont rencontrées sur un nouveau groupe disponible sur Facebook. Une sorte de page de rencontres, spéciale Maurice, pour ces personnes qui vivent avec cette maladie silencieuse et gynécologique qui provoque saignement, douleur, kyste et stérilité, entre autres (voir hors-texte). Une maladie incapacitante et difficile à vivre au quotidien.

 

L'idée de communiquer et de rassembler est celle de Nelly. Celle qui a appris, il y a quelques mois, sa maladie. Très vite, elle a senti le besoin de parler, de savoir qu'elle n'était pas seule. En France, par exemple, la maladie a récemment été médiatisée. Elle s'en est inspirée. En quelques jours, Endogirls Maurice a touché celles qui se sentaient concernées par la maladie, par le témoignage de celle qui est très active dans le social.

 

C'est comme ça que Nelly et Kimberley se sont connues et ont échangé. En ligne, d'abord. Avant de se rencontrer, pour parler de la maladie, afin de la rendre plus visible : «J'ai écouté le témoignage de nombreuses femmes et je comprends qu'on n'en sait pas assez sur cette maladie.» L'endométriose a plusieurs stages et un diagnostic précoce peut permettre une prise en charge plus effective. Ou tout simplement soulager celle qui en souffre et qui attend la reconnaissance d'un mal silencieux : «Quand j'ai su, je me suis dit, enfin voici une réponse», confie Kimberley. Pour conscientiser, elles ont décidé de se raconter……

 

Le début de leur histoire

 

Kimberly : «Mes règles arrivent, j'ai 9 ans. Je n'y comprends pas grand-chose, tout ce que je retiens, c'est que je saigne pendant des mois. Je consulte des médecins, je fais mon suivi à l'hôpital, on me dit que j'ai eu mes menstruations trop jeune, que c'est un débalancement hormonal, ce qui explique les saignements. Je ne suis pas anémiée, je ne manque pas de fer : je ne fais que saigner sans arrêt. Je prends des médicaments, encore et encore. Pendant des années. Le diagnostic est toujours le même. On me dit : ou lekor ki travay koumsa. Ma vie est rythmé entre les longs mois de saignement et l'absence de règles pour six mois ou bien un an.»

 

Nelly : «Mes premières règles ? À 13 ans. Mon premier kyste ? À 17 ans. Et ce n'est qu'à 34 ans que j'ai su que j'étais atteinte d'endométriose. J'ai eu ma fille sans problème. J'ai eu des règles que j'estimais normales. Je ne sais pas si les douleurs étaient tout le temps là mais c'est une crise d'endométriose qui a tout révélé.»

 

Le diagnostic

 

Kimberly : «Pendant de nombreuses années, il n'y a pas eu de douleur. Puis, elle arrive. Comme des coups de poignards. Je ne peux pas porter de choses lourdes. Pendant deux à trois semaines, il est arrivé que je ne puisse travailler. Je ne fais que boire des médicaments pour calmer la douleur. Puis, un jour, j'ai perdu connaissance, je ne me sentais pas bien. Il y a un gynécologue privé qui n'habite pas très loin et il a eu la gentillesse de venir me voir. Plus tard, après une  échographie, je découvre que j'ai un gros kyste sur l'ovaire. C'est la première fois que j'entends parler de l'endométriose.»

 

Nelly : «Comme j'évolue dans le social, je fais une enquête sur le terrain. On est en décembre 2018. J'ai beaucoup marché. Puis, à un moment, je n'arrive pas à sortir de ma voiture. Une douleur lancinante me coupe les jambes. Je calme tout ça avec des antidouleurs. J'avale des médicaments pendant des mois pour calmer ce qui fait mal. Puis un jour, je ne tiens plus. Mon père doit m'emmener en clinique. Mon taux de sang est très bas, j'ai besoin de transfusion. C'est là que je découvre mon endométriose.»

 

Une terrible nouvelle

 

Kimberley : «J'apprends que je suis atteinte d'endométriose. D'accord. Et puis, le couperet tombe : on me le dit, je ne pourrai jamais tomber enceinte. Sur le coup, je me dis que ça va, je peux adopter. Mais quand la réflexion fait son chemin, c'est comme un coup en pleine tronche. C'est difficile à accepter. Je n'ai que 24 ans. Je veux porter un enfant, je veux sentir son cœur battre… J'ai beaucoup pleuré. Je sais que je ne suis pas mourante, qu'il y a pire maladie, mais je me dis que je ne mérite pas ça.»

 

Vivre avec

 

Kimberley : «Saigner pendant des mois et abondamment, ça demande une sacrée organisation. Oser les couches pour adultes, en plus des serviettes hygiéniques. Je peux utiliser jusqu'à 8 pads en une heure. C'est vivre avec le stress que ça coule à chaque minute. C'est être angoissée. Faible. Prendre des antidouleurs constamment afin de pouvoir fonctionner même un peu dans le brouillard. Avoir la colonne vertébrale et les reins affaiblis. Être incapable de marcher à cause de la douleur. Chez moi, personne ne comprend l'intensité de la douleur. Cette solitude fait partie des difficultés de la maladie.»

 

Nelly : «Il faut vivre avec cette douleur intense, au quotidien. Croquer les antidouleurs et les anti-inflammatoires et tenir bon. Je me dope aux médocs. Il faut toujours tout prévoir ; bouillote, pads, médicaments. Expliquer aux proches ; mais j'ai de la chance, je suis bien soutenue par mes parents.»

 

Aujourd’hui

 

Kimberley : «Je prends des stéroïdes pour contrôler le saignement. Mais les douleurs, on n'y peut rien. La solution à tout ça est drastique. Et je ne suis pas tout à fait prête à le faire. Enlever mon utérus, ce serait me priver de quelque chose, je le sens. Je suis bien trop jeune pour prendre ce genre de décision. Qui sait ? Peut-être qu'on trouvera une autre solution, bientôt.»

 

Nelly : «Les traitements semblent fonctionner, le kyste se rapetisse. Pour l'instant, il ne sert à rien d'opérer. Je pense à faire enlever mon utérus et mes ovaires, c'est la seule façon de guérir de l'endométriose. Il y a bien la ménopause chimique mais elle ne dure qu'un temps. C'est une décision difficile et j'y pense encore.»

 


 

Une maladie, un coût

 

Huit serviettes hygiéniques en une heure. Le calcul n'est pas simple mais il laisse sous-entendre que les protections intimes des endogirls, ça leur coûte un max. S'il faut, en plus, rajouter les antidouleurs, les anti-inflammatoires, les stéroïdes, les visites chez le médecin et les échographies ; la liste des frais s'allonge. Même pour Kimberley, qui suit aussi son traitement à l'hôpital, la facture est salée : «L'hôpital me prescrit des médicaments que je dois acheter en pharmacie.»

 

De l'aide ?

 

Comment aider celles qui souffrent d'endométriose ? Nelly estime que c'est difficile de demander une aide gouvernementale et financière : «C'est une maladie qui ne se voit pas, même si elle est souvent incapacitante.» Il serait, néanmoins, intéressant de parler de la maladie, de sensibiliser les employeurs afin qu'ils comprennent les besoins des patientes. De former les gynécologues, également, à cette maladie rare : «Elle est aussi taboue ; on parle de l'intime là. Néanmoins, les diagnostics approximatifs et hésitants me poussent à croire qu'on n'en sait pas assez sur cette maladie à Maurice.» Un centre pour accueillir les endogirls, les soutenir et les conseiller : ce serait aussi sympa. Et, possiblement, un fond pour aider celles qui veulent d'une hystérectomie dans les meilleures conditions.