Ceux qui promettaient une unification de l’opposition contre le régime MSM sont aujourd’hui à couteaux tirés. Qu’est-ce qui explique selon vous que les choses aient autant dégénéré entre ces anciens alliés ?
La cassure entre PMSD et le PTr-MMM est consommée depuis longtemps. Il aurait été plus efficace de parler de cassure, de fracture au sein de notre société plutôt que de perdre du temps dans une telle télénovela politique. Aujourd’hui, s’il doit avoir unification de l’opposition, ce serait entre le PTr-MMM-ND avec les extraparlementaires. D’ailleurs, c’est le souhait qui semble planer dans une partie de l’opinion qui pense que la division entre les forces de l’opposition ne pourra que profiter au MSM. Il est étonnant que les leaders des formations fassent fi de la réalité du système électoral de first past the post. Ils agissent comme si nous sommes dans un système de la proportionnelle. La division entre les partis de l’opposition rendra possible l’élection d’un gouvernement avec bien moins qu’un tiers des votes de l’électorat. L’effort doit venir des deux côtés, des compromis doivent être faits. L’histoire jugera ceux qui n’ont pas fait l’effort de mettre de côté leur égo et n’ont pas compris que la division de l’opposition sera l’élément catalyseur d’une victoire du MSM aux prochaines élections. Que chacun assume ses responsabilités.
Un membre de l’opposition qui dépose une motion de blâme contre le leader de l’opposition. Que démontre, selon vous, cette situation inédite ?
C’est du surréalisme. Notre élite politique nous a habitués aux excès des politiciens qui prennent le peuple pour des imbéciles ou des moutons. Nous avons des politiciens qui prennent la politique pour une partie de chasse ou de beuverie, eux qui ont hérité du droit à l’excès peuvent tout se permettre malgré ce que pense le peuple. C’est un mépris total pour les principes de la démocratie parlementaire, en utilisant le système, comme un marche-pied pour assouvir leurs appétits politiques. Au-delà de tout ça, il faut voir l’inutilité de tout ce fatras de faux problèmes que soulèvent les politiciens. Une tempête dans un verre d’eau pour détourner l’attention de la population des réels problèmes de la société et pour lesquels la réponse politique est inadéquate. Ces politiciens nous entraînent dans un grand exercice de management de l’opinion publique en ignorant les vrais enjeux.
Quand Xavier-Luc Duval vient dire que le PMSD fera partie du prochain gouvernement avant décembre, n’est-ce pas finalement un aveu de son alliance avec le MSM ?
Ces derniers jours on voit un sous-marin avec l’appellation «tractations en vue d’une alliance» avancée sur l’autoroute. Même quand Xavier-Luc Duval ne dit rien, il y a des signes qui ne trompent pas. À moins qu’il pense vraiment que nous sommes un peuple d’ignorants à qui il peut raconter n’importe quoi. On se demande jusqu’à quand le PMSD va se cacher derrière une alliance confidentielle. Peut-être qu’il attend pour hausser les enchères auprès du MSM, et pour conditionner son électorat en vantant les qualités d’un gouvernement qu’il aura fortement critiqué depuis fin 2016.
Nommer Adrien Duval comme Speaker. Serait-ce une stratégie du MSM pour affaiblir l’opposition ?
Cela peut être interprété comme une manifestation de la généreuse et tentante disposition du MSM de faire de la place pour le PMSD à ses côtés lors des prochaines élections, ceci afin d’aider le MSM à atteindre une partie de l’électorat qu’il peine à attirer. Je ne pense pas qu’il y ait eu une stratégie dégagée par le MSM. Les Duval n’étaient pas contents avec ce qu’ils obtenaient de l’alliance PTr-MMM, ils sont donc allés voir du côté de celui qui lui offrirai plus. Un poste de Deputy Prime Minister pour lui, un poste de Senior Minister peut-être pour son fils. Quant à ces quelques revendications telles que celles concernant le Speaker, le commissaire de police ou le directeur de la MBC, elles ne sont que des flagships, qu’ils vont brandir pour justifier leur retournement de veste et montrer ce qu’ils ont pu réaliser comme changements afin de tenir compte de la colère du peuple. Comme Xavier-Luc Duval préfère être la deuxième roue d’une bicyclette plutôt que d’en être le porte-bagage, il a donc changé de coursier. En politique, la logique de la survie est très forte.
Avec tous ces remous, l’opposition peut-elle encore inspirer confiance ?
La confiance de la population dans la classe politique était déjà bien amochée avant cet épisode. Ce qui se passe actuellement n’a fait qu’ajouter une couche à la décadence. Cela fait des années que nous assistons impuissants à cette déchéance politique. Ces nouveaux remous ne changent pas vraiment la perception des Mauriciens de la chose politique. Pour eux, ça fait partie du folklore régulier, mais aussi longtemps que le peuple ne se décide pas à agir et préfère rester spectateur, il aura les politiciens qu’il mérite. Aussi longtemps qu’il ne réalise pas que c’est le système qu’il doit changer, pas seulement des individus, le pays sera condamné à vivre les épisodes qu’il traverse actuellement. La prise de conscience par le peuple du fait que c’est lui et lui seul qui détient le pouvoir est un vaste chantier dont seule une crise grave peut provoquer la mise en œuvre. En attendant, le pays reste assis sur un volcan.