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Dimple Raghoo tuée lors d’une opération de «controlled delivery» : la policière à l’âme de guerrière racontée par ses proches

Dimple Raghoo allait célébrer ses 13 années de service dans la force policière le 10 décembre.

Elle était l’épine dorsale de sa famille et un élément à part entière au sein de son unité. Le mardi 24 novembre, la Woman Police Constable (WPC) Dimple Raghoo a quitté ce monde au cours d’une opération de livraison contrôlée ayant mal tourné sur l’aire de stationnement du Bo’Vallon Shopping Mall ; faisant d’elle la première femme policière tuée durant son service. Bouleversé, son entourage, en quête de justice, témoigne...

Elle est morte en héroïne. Et aujourd’hui, sa famille, ses collègues et toute une nation pleurent la disparition soudaine d’une jeune femme courageuse et fonceuse dans l’exercice de ses fonctions. Le mardi 24 novembre, la policière Dimple Raghoo – aussi connue sous le nom de Vanessa, Van ou Vani pour les intimes – a connu un sort aussi chevaleresque que tragique. Appelée en renfort par ses supérieurs de la brigade anti-drogue de Mahébourg alors qu’elle était en congé, elle a perdu la vie au cours d’une périlleuse opération de livraison contrôlée en tentant d’intercepter des marchands de la mort sur l’aire de stationnement du Bo’Vallon Shopping Mall. Renversée et traînée sur plusieurs centaines de mètres par la voiture que conduisaient les trafiquants de drogue présumés, elle a succombé à ses multiples blessures, plongeant tous ceux qui avaient eu la chance de croiser sa route dans une profonde tristesse.

 

Avant de prendre une tournure cauchemardesque, ce mardi 24 novembre fatidique avait tout d’une journée typique pour la jeune policière et son entourage. Ce matin-là, profitant de son jour de congé, Dimple Raghoo était sortie faire des courses. «Nous avions prévu une séance de prière ce samedi (NdlR : le 27 novembre) ; elle avait été acheter tout ce dont nous aurions besoin pour l’occasion et l’avait déposé à la maison avant de sortir à nouveau», relate sa soeur Pooja. C’était la dernière fois qu’elles se voyaient. Dimple Raghoo avait passé le reste de la journée chez sa soeur aînée Prima, à Mahébourg ; ce qu’elle faisait souvent. Son beau-frère, Leckraj Rughu, raconte : «Quand je suis rentré du travail vers 15 heures, elle était là. Elle est partie une trentaine de minutes plus tard parce qu’elle devait aller à la quincaillerie pour acheter de la peinture. Je présume que c’est en chemin qu’elle a appris qu’elle devait reprendre le service.» Prima, Leckraj et les leurs ont été les derniers de la famille à la voir en vie.

 

Ce n’est qu’en début de soirée que l’univers de ce clan soudé a été chamboulé à jamais. Aux environs de 18 heures, des policiers se sont présentés au domicile de la policière de 38 ans, à Vieux-Grand-Port, pour informer ses proches qu’elle avait été victime d’un accident. En l’apprenant, sa soeur Pooja, inquiète, s’est aussitôt renseignée auprès des postes de police avoisinants afin d’en savoir plus.

 

Le sens du service

 

Entre-temps, Leckraj Rughu devait apprendre d’un ami que sa belle-soeur avait été conduite à l’hôpital Jawaharlal Nehru, à Rose-Belle, et que son état de santé était critique. Le plus surprenant, c’est qu’il avait vu l’accident un peu plus tôt, sans se douter de rien : «Plus tôt, après avoir donné des cours particuliers, je m’étais rendu près de l’aéroport pour acheter des fruits. J’étais passé sur le lieu de l’accident et j’ai vu quelqu’un gisant sur le sol, sans me rendre compte qu’il s’agissait de Vanessa.» Peu après, la nouvelle de sa mort leur a finalement été annoncée. «Cela nous a bouleversés, choqués. Nous ne voulions pas croire qu’une chose pareille lui était arrivée.» En une fraction de seconde, leur monde s’est écroulé.

 

Dimple Raghoo était la cadette d’une famille de sept enfants composée uniquement de filles. Depuis son plus jeune âge, elle avait toujours montré l’exemple. Les souvenirs sont d’ailleurs encore frais dans la tête de sa tante Neela Beeharry : «Je me souviens d’elle comme d’enn bon zanfan. Petite, elle était toujours calme, tranquille et obéissante en comparaison aux autres enfants de son âge. Elle ne nous causait jamais de problèmes.» Elle avait gardé les mêmes principes en grandissant et le sens du service était devenu l’une de ses plus grandes qualités. C’est sans doute ce qui lui a donné envie de rejoindre la force policière après ses études secondaires au collège Hamilton, à Mahébourg, outre le fait qu’il s’agissait de l’un des plus grands rêves de sa mère.

 

Ce rêve, elle ne l’a toutefois pas immédiatement réalisé. Pour cause, son père étant tombé malade, elle a dû cumuler plusieurs emplois après ses études, notamment celui de chauffeur de taxi, pour aider sa famille à joindre les deux bouts. «Elle avait dû prendre la relève.» Ce n’est que le 10 décembre 2007 qu’elle a pu réaliser son plus grand souhait, et celui de sa mère par la même occasion, en faisant son entrée dans la force policière à l’âge de 25 ans. «Nos parents étaient vraiment fiers. Ils étaient ravis pour elle», lâche Kareshma, en esquissant un sourire. Dimple pouvait enfin mettre ses plus grandes qualités à contribution et gagner sa vie en faisant ce qu’elle aimait le plus : être au service des autres. Au fil des années, sa discipline et son assiduité lui ont valu un poste au sein de la brigade anti-drogue.

 

Suite au décès de sa mère et de son père, en 2008 et 2012 respectivement, Dimple Raghoo a tout naturellement endossé le rôle de chef de famille. «Elle était devenue un pilier pour nous tous. Elle veillait à ce que nous ne manquions de rien. Elle avait même contracté trois emprunts bancaires pour faire rénover la maison où elle vivait avec ses soeurs Pooja et Lavishka», confient ses proches. Les plus grandes soeurs ayant déménagé après s’être mariées, elle avait pris les plus jeunes sous son aile. D’ailleurs, Pooja, l’une d’elles, lui rend un émouvant hommage sur sa page Facebook : «Van a été une figure paternelle dans nos vies. Elle était l’épine dorsale de la famille, en nous protégeant, en nous offrant un environnement sûr et confortable. Ceux qui la connaissaient savent qu’elle avait tout construit pour nous en partant de rien.»

 

Pour ses soeurs, sa mort est un nouveau coup de massue venu s’ajouter à la longue liste des épreuves qu’elles ont déjà dû traverser : la mort de leurs parents ainsi que celle de leur soeur Priya qui a succombé à un cancer en octobre 2019. «Nous ne sommes pas superstitieux mais à chaque fois que nous avions perdu un proche, nous avions eu des signes. Nous nous y attendions. Celle de Vanessa, nous ne l’avons pas vu venir. Nous ne souhaitons à personne de vivre une telle tragédie», lâche Prima, des sanglots dans la voix. Mais comme à son habitude, Dimple, elle, s’est donnée à fond, au détriment de sa vie. «Elle était consciente du danger qu’elle encourait avec son travail mais elle l’a fait passer avant sa propre vie», lâche son entourage.

 

Anéantie, la famille de Dimple Raghoo n’a qu’un souhait aujourd’hui : «Qu’il y ait une justice pour elle.» C’est au nom de tous les membres de sa famille affligée par sa disparition tragique que sa soeur Pooja implore, meurtrie : «Que sa mort ne soit pas vaine. Sa mission a été de faire de notre île un endroit meilleur, d’éradiquer les drogues qui déchirent tant de familles et détruisent les vies de nos jeunes. Qu’aucun autre officier ne soit martyrisé, qu’aucun autre fils, fille, soeur, frère, nièce, neveu, tante, oncle ne laisse derrière lui/elle un si grand vide. Aucun innocent ne devrait souffrir.»

 

Elodie Dalloo

 


 

Rama Valayden, qui l’a connue dans le cadre de ses obligations professionnelles…

 

«C’était une policière exemplaire, une fille intelligente. Elle était promise à une brillante carrière. Elle a toujours agi en toute fairness. Mon équipe est disposée à venir en aide gratuitement aux membres de sa famille sur le plan légal. C’est la moindre des choses que je puisse faire pour lui rendre un bel hommage. L’ADSU doit tirer des leçons de ce drame. Les moyens dont dispose cette unité pour combattre la drogue sont insuffisants. Il faut adopter une culture de tolérance et réclamer la dépénalisation du cannabis une fois pour toutes. Au cas contraire, les drogues de synthèse vont faire plus de victimes.»

 

Jean Marie Gangaram