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Des analyses ADN confirment que des ossements déterrés en 2023 sont bien ceux de Jayce Clovis - Noël, son père : «Ziska ler mo leker ankor gro, mo larm koule...»

Noël a remué ciel et terre pour savoir ce qui était arrivé à son fils.

Il était porté manquant depuis le 22 février 2022, mais c’est après plus d’un an que l’entourage de Jayce Clovis, 28 ans, a su qu’il avait été assassiné. Suite aux révélations d’un détenu à la police, des ossements humains ont été déterrés dans l’arrière-cour du Franco-Mauricien William Sanasee à Trou-aux-Biches, en novembre 2023. Cette semaine, les résultats des examens ADN ont confirmé qu’ils appartiennent bel et bien au jeune homme. Sa famille, qui n’a toujours pas été en mesure de faire son deuil, raconte sa colère et sa souffrance. 

Ils ne peuvent s’accrocher, aujourd’hui, qu’à de précieux souvenirs de tous leurs merveilleux moments passés ensemble. Après avoir passé plusieurs mois dans un silence assourdissant né de l’incertitude quant au sort d’un des leurs, Jayce Clovis, âgé de 28 ans, les membres de cette famille n’ont jamais connu d’apaisement ; même pas lorsqu’ils ont su ce qui lui était arrivé. Leurs minces espoirs de le revoir en vie se sont effondrés en novembre 2023, soit environ un an et demi après sa disparition soudaine, lorsqu’un détenu a révélé à un haut gradé de la police que cet habitant de Grande-Pointe-aux-Piments avait été tué froidement et enterré par le Franco-Mauricien William Sanasee, alors âgé de 26 ans. De son corps sans vie, déterré dans l’arrière-cour de son meurtrier, à Trou-aux-Biches, il ne restait plus que des os. Il aura fallu aux enquêteurs dix mois pour obtenir les résultats des examens ADN, qui sont tombés cette semaine. Ces résultats sont venus confirmer que les ossements appartenaient bel et bien à Jayce Clovis ; un développement dans cette enquête qui remue, encore une fois, le couteau dans la plaie encore béante de ses proches.

 

Noël, le père de la victime, est revenu sur cette journée fatidique où tout a basculé un nombre incalculable de fois. C’était le mardi 22 février 2022. «Je devais quitter la maison vers 11h30 pour aller travailler. Mo ti dir mo madam pa bizin donn mwa manze parski mo pou gagne dan travay. Mo ti dir li donn mo garson plito», relate celui qui continue à se repasser en boucle ses derniers échanges avec son unique enfant. «Jayce ti pe travay mason avek mo frer me sa zour-la li ti an konze. Letan monn sorti, li ti pe get televizion. Samem dernie fwa monn trouv li.» Lorsqu’il est rentré chez lui ce soir-là, vers 21 heures, son fils était absent. «J’ai appelé sur son cellulaire pour savoir à quelle heure il rentrerait mais celui-ci était éteint. Aucun de nos proches n’avait, non plus, eu de ses nouvelles. Mo ti fini kone enn move zafer inn ariv li. Li pa ti pe tegn so telefonn zame kan li ti pe sorti.»

 

Il a consigné une déposition au poste de police de leur localité dès le lendemain pour signaler sa disparition mais l’enquête de la Criminal Investigation Division (CID) de Trou-aux-Biches n’aurait fait que patiner. «Apre de semenn, monn demann lotorization pou vizionn kamera enn lotel. C’est là-bas que mon fils était le jour de sa disparition, en compagnie de ce William Sanasee. Monn trouv zot pe ale ansam alez, pe koze riye koumadir de kamarad. Mo garson pa ti kone ki pe atann li pli devan», regrette-t-il.

 

Après que les proches de Jayce Clovis avaient communiqué ces informations cruciales à la police, les enquêteurs auraient, dans un premier temps, questionné William Sanasee sur cette mystérieuse disparition puisqu’il était la dernière personne à avoir été vue en compagnie du jeune homme. Ils s’étaient, cependant, contentés du fait que cet habitant de Trou-aux-Biches déclarait ne rien savoir et l’avaient autorisé à rentrer chez lui. Il aura fallu plus d’un an pour que cette enquête soit rouverte avec les révélations d’un détenu. Le 17 novembre 2023, un individu coffré pour des vols commis dans la région de Curepipe a raconté au sergent Gopeechand, du Field Intelligence Office (FIO), qu’il soupçonnait William Sanasee d’avoir tué Jayce Clovis. Il a déclaré que lors de leurs parties de beuverie, le Franco-Mauricien se serait souvent vanté d’avoir assassiné froidement le jeune homme et de l’avoir enterré dans sa cour. Vu qu’il séjournait chez lui à l’époque, il n’aurait rien révélé par peur de représailles.

 

Dans le flou

 

Après que ces informations ont été relayées aux limiers de la Major Crime Investigation Team (MCIT), une fouille a conduit à la découverte d’ossements humains dans l’arrière-cour du bungalow qu’occupait William Sanasee à la rue Carangue, Trou-aux-Biches. Ce dernier, qui avait quitté l’île quelques semaines plus tôt, a été appréhendé à Rodrigues par le Crime Intelligence Office (CIO), dès le lendemain, et a été rapatrié à Maurice les jours suivants. Faisant l’objet d’une accusation provisoire de meurtre, il est toujours en détention. Soumis à un feu roulant de questions, il a raconté avoir commis ce crime parce que Jayce Clovis aurait refusé de mettre un terme à la relation qu’il entretenait avec sa cousine mineure. Il lui aurait asséné un violent coup à la tête, l’aurait égorgé, lui aurait crevé les yeux, puis enterré.

 

Cette semaine, soit environ dix mois après l’arrestation de William Sanasee, Noël a été informé que les résultats des examens ADN ont conclu que les ossements découverts étaient bel et bien ceux de son fils. «Seki ankor fatig mwa, seki mo pankor konpran kouma enn zafer koumsa inn kapav arive. Li bien tris. Zame mo ti pou atann ki mo garson mor koumsa», lâche ce père meurtri. Il ne sait pas s’il se remettra, un jour, d’avoir perdu son unique enfant dans des circonstances aussi cruelles et tragiques. «Ziska ler, kan mo pans sa bann zafer-la, mo leker gro, mo larm koule. Mo pa ti atan pou ariv enn zafer koumsa», lâche notre interlocuteur, la voix brisée par l’émotion. Il exprime, néanmoins, sa reconnaissance aux limiers de la MCIT «sans qui cette enquête n’aurait jamais été résolue». Encore dans le flou sur les véritables raisons ayant conduit à un tel drame, il se demande si «sa garson-la pa ti fini prepar so kou letan li ti vinn rod mo garson sa zour-la».

 

Un entretien que la Réunionnaise Nathalie Groh, la mère du meurtrier, a accordé au Defimedia n’a fait qu’accroître la colère et l’indignation de l’entourage de Jayce Clovis. Dans ce reportage, elle a souhaité présenter ses excuses à toutes les personnes auxquelles William Sanasee a pu faire du mal. «Je souhaite que tout le monde sache qu’il a des problèmes psychiatriques depuis des années et n’a jamais été soigné. Je pense que le fait qu’il se mette à boire et à consommer du zamal ne fait qu’amplifier ses démons. Je pense qu’il devrait venir purger sa peine à la Réunion pour qu’il soit soigné et suivi par des bons psychiatres. Le but, ce n’est pas qu’il soit enfermé mais qu’on puisse l’aider. Pour le mal qu’il a fait, je m’en excuse. Je veux vraiment qu’il soit guéri, qu’on l’aide à ne plus faire de mal à quiconque.» Selon les certificats médicaux de William Sanasee partagés dans ce reportage, celui-ci, qui souffrirait de schizophrénie et de dépression, aurait subi des sévices dans l’enfance et grandi au cœur de violences intrafamiliales. Réagissant à ses propos, Noël lâche, furieux : «Kan li malad lerla li fer krim ?»

 

«Nou pa pou pardonn zot»

 

Ce témoignage de Nathalie Groh a également provoqué la furie des cousines de Jayce Clovis, Jannick, Cherianne et Sabrina. Domiciliées à Grand-Baie, elles racontent que la victime a longtemps vécu dans la localité, chez sa mère Lydie, et s’était installée chez son père seulement trois mois avant sa disparition. «Li ti pe ale vini isi. Nou tou inn grandi ansam. Li ti koumadir enn frer pou nou. Depi noun perdi li, nanie nepli parey.» Pendant que les forces de l’ordre enquêtaient encore sur sa disparition, disent-elles, «nous avions dit aux officiers de la CID de Trou-aux-Biches qu’il faudrait qu’ils s’intéressent de plus près à William Sanasee mais ils n’avaient rien fait. Nous avions donc partagé des photos de lui sur les réseaux pour que toute information à son sujet nous soit communiquée». Résultat : «C’est la mère du meurtrier qui avait fini par prendre contact avec nous pour nous dire qu’il s’agissait de fausses accusations. Li ti pe dir ki li pou pran avoka pou pourswiv nou. Azordi, partou nou pe trouv video kot li pe plore. Li pe fer ipokrit alor ki li ti bien sonn nou, maltret nou, koumadir se li ki ti enn viktim. Li bizin aksepte ki so zanfan enn kriminel. So garson inn tir lavi nou kouzin san okenn rezon. Ki li kapav inn fer li pou merit enn lamor koumsa? Tou seki li pe dir pa pou retourn nou dimoun ki noun perdi !»

 

Bien que l’enquête ait été résolue, les cousines de Jayce Clovis se disent encore «boulverse». «Tousala pou rest grave dan nou memwar. Li enn dimoun ki nou pa pou kapav blie. Si nou kouzin ti fer sa garson-la kitsoz, nou ti pou dakor ki li donn li de kalot me li pa ti bizin tir so lavi koumsa.» Elles sont d’autant plus affligées de voir leur tante Lydie, qui a de graves problèmes de santé, souffrir de l’absence de son fils. «Get sa mama-la dan ki leta li ete azordi. Li ti deza malad, me kan linn aprann kinn ariv so garson linn pli pa bien. Li pale manze, li ress strese, toulezour li rod so garson. Dan plas mama kriminel-la pe fer ipokrit, pe plore, li ti bizin pran enn avion vinn gete dan ki leta sa mama-la ete, lerla li ti ava konpran ki apel soufrans. Li li pann perdi so zanfan. Se nou kinn perdi enn manb nou lafamiy. Ziska nou rant dan nou serkey nou pa pou pardonn zot. Nou pa pou kapav aksepte seki finn pase parski Jayce ti enn garson trankil».

 

Elles poursuivent, indignées : «Sa madam-la pe dir ki so zanfan ena problem sikolozik. Si li ti malad, li ti bizin met li dan mantal ou amenn li dan so pei pou li kapav vey lor li. Se pa kan so piti inn fini pran dimoun ki nou kontan, lerla ki pou rod fer nou krwar ki zanfan-la fou. Nanie pa exkiz seki linn fer. Li dir li pe soufer pou so zanfan, me eski li kone ki nou pe viv ? So garson ankor vivan, alor ki nou, sel zafer nou pou gagne, se enn bout lezo.»

 

Émues, Jannick, Cherianne et Sabrina poursuivent leur récit : «Nou pa fini mazine si nou kouzin ti la, nou ti pou koze, riye, badine, sorti ansam, al manze. Il avait une grande joie de vivre. Li ti kontan amize, danse, al naze, al lapes, pass so letan laplaz.» Elles regrettent tant qu’il n’ait pas été en mesure de réaliser ses nombreux rêves et projets. «Li pa ti pe fini dir nou ki li anvi aste so loto, mont so lakaz.» Elles ont ainsi tenu à lancer un appel aux autorités pour que «sa kriminel-la pirz so santans dan Moris mem ek gagn enn santans sever. Enn dimoun kouma li merit fini so lavi dan prizon». Toute la famille attend désormais que les ossements de Jayce Clovis lui soient remis pour qu’elle puisse lui organiser une belle cérémonie et peut-être, enfin, faire son deuil.