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Décès de la fondatrice d’Autisme Maurice : Géraldine Aliphon, l’émouvant hommage à une femme engagée

Ses proches, notamment son mari Mike et ses deux enfants Anaïs et Evans, pleurent une femme exceptionnelle qui était une lumière dans leur vie.

Celle qui est connue comme étant l’une des pionnières du combat en faveur des personnes – petites et grandes – atteintes d’autisme à Maurice s’est éteinte cette semaine des suites d’une maladie. Elle laisse derrière elle le souvenir d’une femme forte qui n’a jamais baissé les armes et celui d’une maman aimante et dévouée. Témoignages...

Elle avait le courage chevillé au corps. Une détermination hors-pair qui lui collait à la peau. Une force de caractère qui marquait les esprits. Et une volonté de fer qui lui donnait la force de déplacer des montagnes... Car portée par une cause qui lui était chère, le bien-être des enfants autistes, elle ne reculait jamais et ne baissait pas les armes. Aujourd’hui, l’évocation de l’ONG Autisme Maurice renvoie immédiatement à son visage, à son sourire franc, rassurant, contagieux... Tout comme son nom qui est à jamais associé à cette lutte pour laquelle elle se donnait corps et âme, d’abord en tant que maman, au nom de son fils autiste Evans, celui par qui tout son engagement a commencé, mais aussi pour tous les autres enfants et familles qui font face à cette réalité.

 

Elle, c’est Géraldine Aliphon, 44 ans, fondatrice et directrice de l’ONG Autisme Maurice, celle que beaucoup décrivent comme  «l’infatigable», «la généreuse», elle, cette «grande dame», cette «battante» à qui beaucoup n’ont pas manqué de rendre hommage cette semaine après la triste nouvelle de son décès le jeudi 25 février des suite d’une maladie.

 

«La battante»

 

À ses funérailles en l’église de Notre-Dame-de-la-Délivrande, à Notre-Dame, le vendredi 26 février, beaucoup étaient lourdement peinés par cette perte et avaient une pensée particulière pour Mike, l’époux de Géraldine, et leurs deux enfants Anaïs et Evans. Dans son témoignage à l’église, Mike Aliphon a surtout voulu parler du soutien que lui apportait son épouse. «Vous connaissiez tous Géraldine, la battante ou encore Géraldine d’Autisme Maurice. Je vais moi parler de la maman et de l’épouse qu’elle était. Dans toutes les épreuves qu’on a vécues, elle m’a toujours épaulé. Elle ne m’a jamais laissé tomber. Gé, merci pour Anaïs, merci pour Evans, merci pour les années de bonheur», a-t-il souligné dans un grand moment d’émotion. La fille aînée de Géraldine a aussi pris la parole, mettant l’accent sur la femme exemplaire qu’elle était.

 

Jusqu’au bout, celle qui était une lumière dans la vie de ses proches a été la voix de toutes ces personnes qui ont un enfant atteint d'autisme... Jusqu’au bout, elle a été cette maman dévouée, à l’écoute, ne cessant de remuer ciel et terre pour que son combat rapporte des fruits, pour son fils mais aussi pour tous les autres enfants autistes. Et sa disparition soudaine a laissé un froid dans le cœur de tous ceux qui l’ont côtoyée. «Je suis encore sous le choc. Je la connais depuis 2012, quand mon fils autiste, Adrien, a intégré l’institution Autisme Maurice. Je l’ai toujours vue au four et au moulin et se plier en quatre pour le bon déroulement de l’ONG. À force de la voir toujours au front, je la croyais invincible. Sa mort me plonge dans une profonde tristesse», nous confie Joanne Prosper, qui sera toujours redevable à Géraldine pour tout ce que l’association a fait pour son fils et les autres petits autistes : «Elle a partagé avec nous sa force et son expérience. Elle laisse définitivement derrière elle une trace, une empreinte et, surtout, un héritage...»

 

Depuis que la nouvelle du décès de la directrice d’Autisme Maurice s’est répandue, les hommages pleuvent sur les réseaux sociaux. Tous saluent la mémoire de celle qui n’a jamais manqué l’occasion de mettre en lumière le sort des jeunes autistes. «Elle a fait énormément pour de nombreuses familles et a changé bien des vies grâce à l’ONG», ajoute Joanne Prosper sous le regard de son aîné Adrien, lui aussi très attristé par le départ de Géraldine. «Le bon Dieu a appelé Géraldine auprès de lui», nous confie l’adolescent de 17 ans en parlant de celle qu’il a toujours côtoyée à l’association, tout en faisant part de son incompréhension face à ce qui est arrivé. «C’est une maman et les mamans ne doivent pas mourir», a-t-il déclaré à sa mère qui essayait de lui expliquer ce qui la bouleversait.

 

«Une vraie amie»

 

D’un témoignage à l’autre, la même stupéfaction. C’est en larmes que Clothilde Bhogaloo, présidente d’Autisme Maurice, nous partage son témoignage. «Je pleure une grande professionnelle au travail et une vraie amie», lâche, dans un sanglot, celle qui dit avoir beaucoup appris de Géraldine. «Elle est  partie trop tôt. Elle pouvait vivre encore tant d’années mais le destin en a décidé autrement. Sa mort nous laisse un goût amer et on a du mal à y croire. Elle aimait la vie et avait beaucoup de talents. Elle confectionnait aussi des petits bijoux et de jolis tableaux.»

 

Clothilde Bhogaloo se souviendra surtout de l’esprit combatif de son amie : «Elle s’est battue jusqu’au bout. Je me souviendrai à jamais de notre dernière rencontre à l’hôpital. Même dans son lit de malade, elle parlait d’Autisme Maurice, du travail à accomplir et des projets qu’elle voulait réaliser. Je garderai à jamais les souvenirs de cette belle amitié qui nous liait, de nos moments de partage, de nos blagues et interminables conversations lors de nos trajets en bus. Je voudrais remercier tous ceux qui ont rendu un dernier hommage à Géraldine : amis, proches et collègues. Un grand merci également à notre marraine Nathalie Faucher qui nous soutient dans cette épreuve. Géraldine a déposé les armes. Elle nous manquera beaucoup. Tu seras, ma chère amie, notre étoile au ciel qui nous guidera dans nos combats.»

 

Pour elle, comme pour d’autres personnes, les mots de la militante ont toujours fait écho, surtout auprès de ceux qui suivaient son engagement. Dans une interview qu’elle nous avait accordée il y a quelques années dans le cadre de la Journée internationale de l’Autisme, la femme très engagée, toujours impliquée dans des campagnes de sensibilisation ou encore qui s’était battue avec son équipe pour un service de diagnostic et d’évaluation dans le pays, nous confiait comment elle avait transformé les épreuves – notamment celle d’apprendre que son fils était malade – en leçons de vie.

 

Et avec l’autisme qui s’était invité dans sa famille, Géraldine nous racontait comment elle faisait face. «Tout a été chamboulé. Tout comme mon époux, j’étais membre de la force policière. J’étais dessinatrice de scènes de crime et j’ai dû faire un choix.» Et elle n’a pas  hésité une seconde à faire un virage à 180o. «On a réorganisé toute notre vie autour de lui. Toutes les décisions sont prises par rapport à son bien-être.»

 

Ce vécu a aussi conduit à la naissance d’Autisme Maurice le 26 novembre 2009. «L’idée de fonder une association pour regrouper des familles qui partagent notre réalité était là. Mais c’est suite à une rencontre avec une autre maman comme moi, Yasmin Affejee, que l’association a été mise sur les rails», nous racontait-elle.

 

«Une étoile»

 

Depuis, son travail au sein de l’ONG était devenu sa principale source de motivation. «Je me dis que je fais œuvre utile. Lorsqu’on découvre que son enfant est autiste, on est perdu, on se croit seul au monde mais à travers l’association, je veux faire comprendre que ce n’est pas le cas. Avoir un enfant autiste ne veut pas dire souffrir. Certes, c’est difficile, le manque de structures et d’aide rend le combat difficile mais ces enfants sont capables d’accomplir de très belles choses», disait-elle avec fierté.

 

 

À chaque fois qu’elle était sollicitée, qu'elle devait prendre la parole, parler de l’association, des manquements et des difficultés, elle avait toujours les mêmes mots empreints d’amour et s’exprimait avec passion et dévotion. Pendant le confinement, il y a quelques mois, elle n’avait pas hésité à monter au créneau pour demander au ministère de la Santé des laissez-passer car l’enfermement avait de nombreuses conséquences sur les enfants autistes.

 

Son travail était aussi une source d’inspiration et elle forçait l’admiration de par son désir de toujours bien faire et de faire plus. Elle a ainsi marqué beaucoup de personnes, à l’instar de Mélanie Valère-Cicéron, présidente de l’association Passerelle (qui aide les femmes et enfants victimes de violences domestiques ou SDF) : «Il y a une étoile de plus dans le ciel, sans doute fera-t-elle autant de merveilles maintenant qu’elle a des ailes. Géraldine nous a fait découvrir son monde bleu avec des rêves en couleurs. Elle avait tant de projets qu’elle aurait voulu pouvoir finir. Le destin en a décidé autrement et cela nous peine tellement. Que les enfants autistes continuent d'obtenir tout le soutien et l’encadrement nécessaire... au nom de son amour pour ces petits bambins. Merci pour tout Géraldine.» Même respect dans les propos d’Uma Sooben de l’ONG Joie de vivre Universelle (au service des enfants ayant des besoins spéciaux) : «Merci pour la bataille que tu as menée pour nos enfants autistes. De là où tu es, envoie-nous ta lumière et ta force pour qu’on continue à se battre pour tous ces enfants...»

 

Elle se souviendra, toujours dit-elle – et ce sera le cas pour beaucoup –, de ce petit bout de femme très engagée pour les autres et qui avait le courage chevillé au corps.

 

Elle a dit...

 

La fondatrice et directrice d’Autisme Maurice ne refusait jamais une interview et ne ratait pas une occasion de porter sous le feu des projecteurs un trouble encore souvent méconnu, hélas. Ci-dessous quelques-uns de ses témoignages dans nos colonnes au fil de ces dernières années...

 

- «Il y a la joie et la fierté d’abord, d’être arrivée jusque-là. Ça n’a pas été facile. Mais je ressens aussi un sentiment d’inachevé. Certes, il y a eu du progrès en ce qui concerne l’autisme au cours de ces dernières années mais il y a toujours des manquements et cela à plusieurs niveaux.»

 

- «Nous militons depuis 2009 pour sensibiliser la population. L’enfant est né autiste et reste autiste tout au long de sa vie. On ne guérit pas de l’autisme, mais on peut apporter des changements positifs à la vie des enfants s’il y a une intervention précoce et une bonne prise en charge sur le long terme.»

 

- «Malheureusement, aujourd’hui, il y a un vrai manque d’information sur l’autisme. Certains parents ne savent toujours pas ce qu’est cette maladie. Ces enfants voient le monde différemment. Dans notre monde il y a des règles, ce qui n’est pas le cas dans le leur. Ils manquent souvent d’empathie envers les autres et donnent l’impression d’être indifférents. Il faut savoir accepter et prendre en charge tout ça.»