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Coronavirus : un Mauricien raconte la situation dramatique au Brésil

«Dans l’attente d’un remède ou d’un vaccin fiable et accessible à tous, le cinquième plus grand pays au monde, qui espérait remonter à la surface après la crise économique de 2014, a des raisons de craindre d’autres jours sombres et fragilisants...» Ces paroles sont d’Amilcar Silarsah Veerapen, Mauricien installé au Brésil, qui nous parle de la situation là-bas. Selon des données officielles, ce pays est considéré comme le deuxième recensant le plus grand nombre de cas au monde derrière les États-Unis.

Des monticules de terre. Des cercueils et des fleurs entreposés ça et là, à perte de vue. L’image – celle d’une chaîne d’information internationale – est saisissante. Effrayante. On y voit aussi des fossoyeurs en action. Ils sont nombreux, très nombreux. Car les funérailles au cimetière de São Paulo, au Brésil, s’enchaînent. Chaque jour, les chiffres grimpent. Le nombre de morts lié au coronavirus est alarmant. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) tire d’ailleurs la sonnette d’alarme concernant la situation en Amérique latine, surtout au Brésil où le nombre de victimes ne cesse de croître.

 

Bien que la situation semble sous contrôle dans plusieurs pays du monde qui redémarrent petit à petit leurs activités, le virus continue en effet à se propager en Amérique latine, à une vitesse folle. Cette partie du monde est devenue, à son tour, l’épicentre de la pandémie, notamment le Brésil qui, en début de semaine, était qualifié de deuxième pays recensant le plus de cas au monde derrière les États-Unis. Plus de 20 000 personnes ont déjà perdu la vie et le nombre de contaminations est en hausse.

 

Amilcar Silarsah Veerapen, Mauricien installé au Brésil, nous parle de la situation là-bas. «C’est dans un climat politiquement tendu, confus et loin de la raison que je vis cette pandémie, aux côtés de 200 millions de Brésiliens. Le président du Brésil, Jair Bolsonaro, a longtemps considéré que la Covid-19 n’était qu’une “gripette” exagérée par les médias. Il a limogé son ministre de la Santé, qui était fermement pro-confinement et pro-distanciation sociale. Le remplaçant de ce dernier a démissionné après quatre semaines à cause de divergences de vue sur les mesures.»

 

Notre compatriote estime que la crise dans son pays d’adoption est plus complexe qu’il n’y paraît : «Le Brésil est une République fédérative, avec 26 États et autant de gouverneurs ayant une autonomie relative quant à la gestion des États. Les gouverneurs mènent pour la plupart une politique qui va à l’encontre des envies, des inepties et des recommandations officielles de Jair Bolsonaro, qui ne manque pas de les couvrir d’invectives. Ainsi, depuis la confirmation du premier cas à São Paulo, fin février, l’épidémie avance dans le pays de manière exponentielle, au rythme de la parole présidentielle.»

 

Les choses au Brésil, poursuit Amilcar, ont beaucoup changé ces derniers temps : «L’opinion publique s’est rapidement, inévitablement, déplorablement, passionnée. La santé publique est devenue ici un sujet à débat et le débat est extrêmement polarisé. C’est une situation assez surréaliste que celle dont je suis témoin. Des manifestants ont bloqué le passage à des ambulances sur l’Avenida Paulista, un des grands axes de São Paulo, des infirmiers qui manifestaient à Brasilia leur désapprobation de la politique présidentielle ont été pris à parti et insultés par des manifestants pro-Bolsonaro ; d’autres manifestants ont jugé bon de faire ressusciter la chorégraphie de Thriller de Michael Jackson pour “dénoncer” une prétendue exagération du nombre de morts.»

 

Puis, il y a cette triste réalité ; les chiffres entourant la propagation du virus et ces «images fortes» : «Comme celles des tranchées creusées à Manaus – capitale amazonienne lourdement touchée par la pandémie – où s’alignent les cercueils les uns derrière les autres. Ces images ont fait le tour du monde. Les bilans provisoires et les courbes ascendantes aussi font le tour du monde.»

 

«Pas de vrai confinement»

 

Et en parallèle à cette situation qui inquiète, la vie suit son cours. «Quand on sort dans la rue, on ne voit pas l’hécatombe. Le Brésil n’est, à ce jour, pas en crise sociale. Il n’y a pas de famine, pas de guerre civile. Et les associations jouent un rôle primordial pour soutenir les populations socialement vulnérabilisées dans les favelas. À Rio de Janeiro, comme sur la majorité du territoire, il n’y a pas de vrai confinement. Ici, le gouverneur a fermé les frontières entre les États voisins (alors que les frontières internationales restent ouvertes), interdit l’accès aux plages, fait fermer les malls et les magasins, réduit l’activité des transports publics et restreint celle des restaurateurs à de la vente à emporter ou à la livraison. Cet ensemble de mesures encourage vivement au confinement. Mais aucun particulier n’y est contraint», précise Amilcar.

 

À Rio, explique-t-il, la vie se passe dehors : «Le confinement est aux antipodes du mode de vie Carioca-gentillet des habitants de la ville de Rio de Janeiro. Là-bas, on ne vous invite pas à entrer mais à sortir prendre un bain de soleil à la plage, faire du sport en plein air, de la randonnée sur les collines, enchaîner des pas de samba ou de forró dans un square, de funk le week-end dans les ruelles des favelas qui serpentent, qui grimpent et s’imbriquent, prendre un verre ou voir un match de foot au bar au coin de la rue. À Rio, la vie est dehors. Il faut comprendre cette danse Carioca qui se vit souvent allègrement, toujours intensément, bruyamment, olfactivement, sensuellement, hors de chez soi, pour comprendre le changement de vie radical qu’impose le bon sens aux 6,7 millions de Cariocas face à la pandémie de la Covid-19. Face à l’absence de politique cohérente, c’est bien le bon sens, devenu un acte militant, qui peut encore ralentir la contamination, faute de l’enrayer.»

 

Car comme dans plusieurs pays où rode le virus, celui-ci a inévitablement emmené avec lui des nouveaux réflexes et des changements : «J’ai des collègues, des amis, des proches, qui ont été infectés. Diego, qui était mon coiffeur mais aussi chanteur de funk et entrepreneur, en est décédé à 27 ans. Des collègues ont été remerciés, d’autres sont en congé sans solde. Certains amis travaillent de chez eux pour la moitié de leur salaire. D’autres travailleurs autonomes non-déclarés, comme ils sont beaucoup à l’être au Brésil, luttent. Je suis de ceux qui continuent à se rendre physiquement au travail, à prendre les transports, à être en contact avec d’autres personnes quasi-quotidiennement, au cœur de ce confinement intermédiaire, en ayant adopté des nouveaux réflexes faits de savonnettes, de gel hydroalcoolique et de masques. Le port du masque est obligatoire dans l’espace public à Rio, comme à São Paulo, depuis un mois.»

 

En raison de tout ce qui passe, l’incertitude est bien évidemment présente au Brésil : «Une enquête publiée par le Wall Street Journal le 4 mai montre qu’en raison de la sous-notification importante au Brésil, malgré les chiffres officiels, le pays est déjà l’épicentre mondial de l’épidémie. Et dans l’attente d’un remède ou d’un vaccin fiable et accessible à tous, le cinquième plus grand pays au monde, qui espérait remonter à la surface après la crise économique de 2014, a des raisons de craindre d’autres jours sombres et fragilisants...» Car le coronavirus, comme il le fait dans plusieurs régions de la planète, continue à souffler la mort au Brésil.

 


 

Ces pays qui n’ont pas ou ont peu de cas de Covid-19

 

Si une grande partie du monde est touchée par la Covid-19, 14 pays sur les 197 reconnus par l’ONU – selon des données qui datent du 19 mai – n’ont fait état d’aucun cas sur leur territoire. On retrouve ainsi deux pays situés en Asie : le Turkménistan, en Asie centrale, et la Corée du Nord, en Asie de l’Est, même si les experts sont sceptiques par rapport à ce qui se dit dans ces deux pays. Les 12 autres pays sont des petites îles perdues dans l’océan Pacifique : îles Cook, Kiribati, îles Marshall, Micronésie, Nauru, Niue, Palaos, îles Salomon, Samoa, Tonga, Tuvalu et Vanuatu. Il y a aussi une trentaine de pays qui recensent moins de 100 cas : la Libye, l’Angola, la Mauritanie, l’Erythrée et la Namibie (en Afrique) ; les Bahamas, la Grenade, la Barbade, la Dominique, Antigua-et-Barbuda (dans les Caraïbes) : la Nicaragua, le Belize, le Suriname (en Amérique latine) : la Syrie, Laos, le Bhoutan, le Timor oriental (en Asie) ; les Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée (en Océanie) ; le Vatican, Monaco et le Liechtenstein (en Europe).