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Brigitte Michel : «Les gens ne décèdent plus du sida mais à Maurice, on meurt toujours quand on est séropositif»

Elle accompagne les personnes vivant avec le VIH/sida. Dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre le sida, observée le 1er décembre, Brigite Michel, directrice et coordinatrice d’AILES (Aide, Infos, Liberté, Espoir et Solidarité), nous parle de son expérience et de sa connaissance du terrain par rapport à la situation et l’évolution du virus dans le pays.

Vous accompagnez et suivez les personnes qui vivent avec le VIH. En quoi consiste votre travail ?

 

Déjà, notre travail consiste à accueillir les personnes séropositives, à se déplacer, à aller vers elles afin qu’elles se sentent soutenues. L’infection au VIH/sida est une maladie chronique, médicalement complexe, avec de nombreuses répercussions psychologiques et socio-économiques sur l’individu et sa famille. C’est pourquoi, la prise en charge des personnes vivant avec le VIH doit être globale, c’est-à-dire non seulement aider la personne à commencer et à rester dans le système de soins, mais aussi l’accompagner pour l’aider à gérer sa maladie, son traitement et ses conséquences. À Maurice, le VIH est concentré chez les personnes qui utilisent des drogues et qui sont atteintes à 97 % par l’hépatite C. Nous accompagnons aussi les personnes au niveau du dépistage et du traitement de l’hépatite C.

 

Pouvez-vous nous parler de l’accompagnement ?

 

Il comprend différentes activités : gestion des réactions à l’annonce de la séropositivité, soutien psychologique, éducation thérapeutique, éducation nutritionnelle, aide économique – ne pas permettre que la personne devienne dépendante de la structure –, lutte contre le stigmate et la discrimination, droits humains, orientation vers des structures specialisées, visites à l’hôpital et à domicile, liaison avec les médecins et le personnel soignant, et faire de la médiation, medecin/personnel soignant ou parent. Pour être de qualité, l’accompagnement doit répondre à des conditions précises, qu’il est important de bien maîtriser. Par exemple, la confidentialité, le non-jugement et la tolérance doivent faire partie des valeurs des personnes qui accompagnent. L’accompagnement s’adapte à chaque personne, notamment en tenant compte des spécificités de certaines situations : personnes qui s’injectent des drogues, travailleuses du sexe, couples sérodiscordants, femme, gestion du désir d’enfant, hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes… L’accompagnement doit être global et centré sur la personne.

 

Quels sont les profils de ceux que vous accompagnez ?

 

Nous accompagnons des personnes qui consomment des drogues, des personnes séropositives et leur famille. Nous offrons aussi un espace aux personnes qui ne sont pas des usagers de drogues mais qui ont besoin de soutien, de conseils et d’accompagnement.

 

Comment se déroule la vie d’une personne qui vit avec le VIH en 2018, à Maurice ?

 

La plupart des personnes que nous accompagnons s’injectent des drogues. Très souvent, elles demandent à accéder au détox ou aux programmes de substitution de la méthadone avant de commencer le traitement antirétroviral. Une personne séropositive qui est dépistée à temps, qui fait son suivi médical correctement, prend ses antirétroviraux, peut vivre normalement. La personne adhérente à son traitement devient indétectable – très peu de virus dans le corps – et ne transmet pas le VIH. On pourrait éliminer le VIH si toutes les personnes séropositives deviennent indétectables. Cela se passe souvent très bien pour les personnes qui ne font pas partie des personnes marginalisées. Cela se complique pour celles qui utilisent des drogues injectables, les travailleuses du sexe, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes ou encore les transgenres car il y a encore ce regard méfiant des Mauriciens sur les personnes qu’ils considèrent différentes.

 

Qu’est-ce qui empêche les personnes séropositives d’intégrer les centres de soins ?

 

Il y a une forte stigmatisation à Maurice. Il y a aussi le jugement, le manque d’empathie, de confidentialité, la mauvaise prise en charge qui sont actuellement des freins pour le continuum des soins des personnes séropositives. Nous avons enregistré 23 décès de personnes séropositives entre le début de 2018 et fin octobre 2018. Ces décès sont dus à une mauvaise prise en charge de ces personnes séropositives à Maurice. En réalité, ces personnes sont admises tardivement à l’hôpital. Elles font très souvent des allers-retours entre l’hôpital et la maison, avec des traitements qui ne sont pas efficaces. Si ces personnes avaient eu toute la considération en milieu hospitalier, elles auraient pu être sauvées. Les gens ne meurent plus du sida… À Maurice, on meurt toujours quand on est séropositif.

 

Est-ce que, de nos jours, quelqu’un peut vivre parfaitement avec le virus ?

 

Une personne séropositive peut vivre longtemps sans complications si elle prend ses ARV comme prescrit, suit son traitement correctement, est soutenue par la société, la famille, les amis. En gros, si elle vit dans un environnement HIV friendly.

 

Qu’en est-il du traitement ?

 

Il est obtenu après la confirmation positive des résultats. D’après l’OMS, une personne qui se fait tester positive doit être traitée et gardée dans le continuum des soins afin qu’elle ait toutes les chances de vivre correctement. Le traitement est gratuit dans tous les hôpitaux publics mais n’est toujours pas disponible dans les cliniques privées et les pharmacies. Six médecins référents assurent le suivi de 4 884 personnes dans la file active et seulement 1 227 personnes ont une charge virale indétectable. Nous avons eu, à la fin de 2017, plus de 368 cas de nouvelles infections alors que nous avons l’objectif d’en finir avec le VIH en 2030. Il y a quelques médecins avec qui nous avons d’excellentes relations de travail. Toutefois, six médecins référents pour une maladie aussi grave que le VIH, ce n’est pas suffisant.

Où se situe le problème ?

 

Il n’y a pas de département spécialisé pour traiter les personnes qui ont un système immunitaire déficient comme à La Réunion. Certaines personnes séropositives y sont toujours envoyées, dans le département du Dr Gaud, au CHU de Bellepierre, pour des soins plus poussées. De nouvelles molécules ont tout récemment été mises à la disposition des personnes séropositives par le ministère de la Santé dont Le Dolutegravir qui est un ARV permettant de supprimer la charge virale très rapidement, d’avoir très peu de copies du VIH dans le corps et d’être indétectable. Cela permet aux personnes séropositives de ne pas transmettre le VIH.

 

Qu’en est-il du regard des autres et des remarques sur les personnes malades ?

 

Des études montrent clairement, par exemple, que l’ignorance et la peur des médecins et du personnel soignant sont tellement présentes qu’ils arrivent à refuser le traitement aux personnes séropositives ; que les dentistes refusent souvent les soins aux personnes séropositives ; et que les personnes positives ont aussi un low self-esteem.

 

Qu’est-ce qu’il est urgent de voir en ce qui concerne la lutte pour faire reculer le virus dans le pays ?

 

Nous avons tout à Maurice pour éradiquer le VIH. Aujourd’hui, on sait ce qui marche. Tout a été mis en place pour dépister la maladie et traiter les gens avec des moyens efficaces qui portent des fruits. À Maurice, on remarque une augmentation du nombre de personnes qui sont testées positives. On sait ce qu’il faut faire pour maîtriser la maladie car l’épidémie reste concentrée chez des populations-clés, c’est-à-dire chez des personnes qui s’injectent les drogues, les travailleuses du sexe, les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes et les transgenres. On parle beaucoup de lien entre la drogue et l’infection au VIH. Ce qui nous manque, c’est une volonté politique forte et la confiance pour faire avancer les choses en collaboration avec la société civile. Nous sommes des partenaires et non des concurrents.

 

Est-ce que tu l’as fait ?

 

À l’occasion de la 30e Journée mondiale de lutte contre le sida, PILS a lancé la campagne #ESKITONNFERLI ? en lien avec la campagne mondiale de l’ONUSIDA, Connaître son statut sérologique VIH, visant à sensibiliser au dépistage. Ainsi, certains acteurs politiques de tous bords ont, pour la première fois, accepté de participer à une campagne de PILS en faisant un dépistage rapide du VIH. Plusieurs personnalités : Aurore Perraud, Arvin Boolell, Maneesh Gobin, Osman Mahomed, Reza Uteem, Kugan Parapen ou encore Tania Diolle ont participé à la campagne en se faisant dépister devant une caméra. À découvrir les vidéos sur le lien suivant : https://bit.ly/2U4hmNj.