La tension était à son apogée à la salle no 17, au 4e étage de la Cour suprême, ce jeudi 1er août. À 9h30, ce matin-là, soit une trentaine de minutes avant que le verdict ne soit prononcé dans le cadre du meurtre de la styliste Vanessa Lagesse, l’homme d’affaires Bernard Maigrot patientait déjà dans la salle, les menottes aux poignets, aux côtés des sentinelles. L’air préoccupé, les yeux rivés au sol, ce n’est que lorsque sa fille Laetitia est arrivée quelques minutes plus tard qu’il a semblé avoir un peu de courage et la force de relever la tête. Les forces de l’ordre présentes au tribunal ont fait preuve de compassion en attendant l’arrivée du juge Luchmyparsad Aujayeb, qui présidait ce procès, et ont accompagné l’accusé à l’extérieur de la salle pour qu’il puisse y rencontrer les autres membres de sa famille avant d’être reconduit en prison. C’est finalement aux alentours de 11 heures que le verdict a été prononcé dans cette affaire ; une sentence qui intervient 23 ans après les faits.
Au terme d’un procès qui aura duré six semaines, le juge Luchmyparsad Aujayeb a condamné Bernard Maigrot à 15 ans d’emprisonnement. Il avait été reconnu coupable du meurtre de sa maîtresse Vanessa Lagesse par le jury le 27 juin 2024 à une majorité de sept contre deux. Cela, bien qu’il ait toujours clamé son innocence dans cette affaire. Le nombre de jours qu’il a passé en détention policière et en prison sera déduit de sa peine. Cette sentence a été comme un coup de massue pour les membres de sa famille, qui l’ont soutenu tout le long du procès. Sollicité, un proche lâche : «Sa famille est écoeurée. Cette sentence est surréaliste (...) Les enquêteurs ont retrouvé l’ADN de plusieurs personnes sur la scène de crime. Pourquoi Bernard Maigrot est-il le seul à payer les frais d’une enquête bâclée 23 ans après les faits ?» La styliste Vanessa Lagesse, rappelons-le, avait été retrouvée morte dans sa baignoire, dans son bungalow le 10 mars 2001. L’autopsie avait établi qu’elle avait succombé à une fracture dislocation of the cervical spine. Plusieurs autres traces de blessures avaient également été décelées sur son corps.
«High degree of violence»
Lors de l’énoncé du verdict, le juge Luchmyparsad Aujayeb a déclaré avoir pris en considération le témoignage sous serment de Bernard Maigrot et de son fils Adrien. Il s’est dit conscient de toutes les difficultés auxquelles ont fait face et font toujours face les membres de cette famille. Il a aussi fait état du préjudice causé par le délai de 23 ans. Par ailleurs, il n’a pu ignorer, a-t-il ajouté, le «high degree of violence» auquel Vanessa Lagesse a été sujette dans sa maison lors de ce «violent and vicious encounter». Les preuves récoltées ont, d’ailleurs, établi qu’elle avait été traînée jusqu’à sa salle de bain après son agression et placée dans la baignoire remplie d’eau, pour être ensuite recouverte d’un drap. Elle avait subi plusieurs blessures internes et externes, notamment à la tête, à l’abdomen et au thorax. Le juge Aujayeb a avancé que «Vanessa Lagesse was a stylist by profession and had a bright and promising career and life ahead of her. All of that was stolen from her following the brutal and vicious assault which led to her death inside her own home». Il a aussi précisé que «the taking of someone’s life in such a violent and atrocious manner is viewed with much seriousness by the Court».
Les proches de Bernard Maigrot, présents en grand nombre le jour fatidique, sont restés silencieux après l’énoncé du verdict. Après avoir quitté la salle, ils se sont entretenus avec son homme de loi pour discuter de la marche à suivre. À sa sortie du tribunal, Me Gavin Glover, Senior Counsel (SC), qui assure la défense de Bernard Maigrot, s’est dit «certainement pas surpris de la sentence mais M. Maigrot clame toujours son innocence et fera appel de la décision de la cour. Ce sera fait dans les jours à venir. Par la suite, nous allons aussi demander à ce qu’il soit relâché sous caution. Cela fait 23 ans qu’il est déjà sous caution et clairement, il n’a jamais pris la fuite. Ce qui lui importe le plus aujourd’hui est de laver son intégrité et de montrer au monde qu’il est innocent». Il s’est dit confiant que dans un proche avenir, Bernard Maigrot sera innocenté.