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Arrêté pour l’agression mortelle de Nilma Jugurnauth - Denovan Ravaton, 21 ans : de petit délinquant à assassin

Son passage au Correctional Youth Centre et ses va-et-vient en prison pour plusieurs délits de vol ne lui ont, semble-t-il, pas servi de leçon. Denovan Ravaton, jeune récidiviste de 21 ans, risque très gros cette fois. Il fait l’objet d’une accusation provisoire d’assassinat après l’agression mortelle de Nilma Jugurnauth, 44 ans, dans une quincaillerie, à Bel-Air, où elle travaillait comme Salesgirl. Un deuxième suspect, Maxwell Edouard, a aussi été arrêté.

Certains meurtriers reviennent sur les lieux de leur crime. C’est connu. Pour épier, voir s’il y a la moindre chance que les indices mènent à eux ou pour d’autres raisons connues d’eux seuls. Lui, il s’est carrément rendu à la veillée mortuaire de celle qu’il avait tuée avec l’aide d’un complice. Dans la soirée du vendredi 15 mai, Denovan Ravaton, 21 ans, s’est, en effet, rendu au domicile de la famille de Nilma Jugurnauth, la Salesgirl de 44 ans qui a été assassinée d’un coup de couteau au cou sur son lieu de travail, à la Quincaillerie Bel-Air Best Point, dans la journée. Cette habitante de Lucie Roy venait de reprendre le boulot ce jour-là en raison du déconfinement partiel.

 

Denovan Ravaton a également assisté aux funérailles de sa victime, le lendemain. Son allure louche a cependant attiré l’attention des proches de Nilma Jugurnauth, même s’ils ne se sont pas doutés qu’il était un de ses assassins. «So laparans ti bizar. Li ti pe koze kouma enn dimounn fou. Lerla enn fami inn desid pou fer enn video kot li dir ki li ti konn mo madam bien parski li ti abitie donn li manze. Li osi dir ki linn gagn sok kan linn aprann so lamor ek ki sa inn tous li boukou parski swa-dizan li fek perdi so gramer ek so papa. Linn koz osi enn gro manti kan linn dir nou ki li pa ti pas divan kinkayri ditou sa zour-la», se souvient Dhanjay Jugurnauth, l’époux de Nilma.

 

Komal Lolldharry, le frère de cette dernière, avait lui aussi remarqué l’attitude étrange de Denovan Ravaton ce soir-là. «Il a tenu à saluer tous les membres de la famille pendant la veillée pour présenter ses condoléances. On s’interrogeait tous sur sa présence car personne ne semblait le connaître.» Comme tous les proches de la victime, Komal est perplexe et révolté : «Comment a-t-il pu se recueillir sur la dépouille de ma sœur et faire une prière alors que son complice et lui l’avait assassinée quelques heures plus tôt ?»

 

Gros choc

 

Déjà terriblement éprouvés par le drame qui leur a enlevé l’une des leurs le vendredi 15 mai, les membres de la famille de Nilma – les Jugurnauth et les Lolldharry – ont eu un deuxième gros choc quand ils ont appris par les médias, le lundi 18 mai, que l’un des deux assassins était chez eux lors de la veillée mortuaire et des funérailles. Ce jour-là, la CID de Bel-Air a arrêté Denovan Ravaton et Maxwell Edouard, âgé de 21 ans également, sur la base de certaines informations sûres et précises (voir hors-texte).

 

Les deux présumés meurtriers, qui ont déjà participé à une reconstitution des faits le 20 mai, sont déjà fichés à la police pour plusieurs délits de vol. Maxwell Edouard, originaire de Rodrigues, est à Maurice depuis deux ans seulement. Alors que Denovan Ravaton est issu des environs de Cité Roche-Bois où il a commencé très tôt à faire parler de lui en tant qu’enfant de rue.

 

À l’époque, Denovan a mis fin à sa scolarité et dort sous le Pont Latanier avec d’autres enfants qui sont dans la même situation que lui. À un moment de sa vie, il est pris en charge par une ONG de Roche-Bois mais cela ne dure pas longtemps car il sombre dans la délinquance. Il devient très vite un jeune brigand qui collectionne les frasques et les délits criminels. Arrêté une première fois, il est condamné à une peine de prison. Mais étant encore mineur, il est placé en détention au Correctional Youth Centre, à Beau-Bassin.

 

À sa sortie, il reprend ses mauvaises habitudes et dès sa majorité, il est plusieurs fois incarcéré à la prison pour adultes. Denovan Ravaton a été condamné à pas moins de quatre reprises pour délits de vol. L’ancien enfant de rue est aussi connu pour ses sautes d’humeur et ses colères, surtout lorsqu’il est dans un état second. Bref, Denovan est passé maître dans l’art de faire parler de lui en mal.

 

Ce n’est pas Sasha, une habitante de Deux-Frères, qui dira le contraire. Cette mère de famille explique que Nilma Jugurnauth serait peut-être toujours en vie aujourd’hui si la police avait arrêté Denovan Ravaton et  ses complices après une tentative de vol quelques semaines plus tôt, soit le 24 mars. Ce jour-là, vers 17 heures, une camionnette s’est arrêtée devant la demeure de cette dame. Denovan Ravaton se trouvait sur le caisson avec trois autres jeunes hommes.

 

«Il est descendu et a tenté de forcer la serrure du portail pour faire main basse sur plusieurs objets en métal. Ses complices et lui ont pris la fuite lorsqu’un voisin est sorti. Mon époux s’est rendu à la police par la suite pour porter plainte, muni des images d’une caméra de surveillance placée devant notre entrée. C’est à ce moment-là qu’on a su qu’on avait eu affaire à Denovan Ravaton. Les policiers nous ont dit qu’il était un récidiviste et qu’il venait de sortir de prison», confie Sasha.

 

Sur les images, on voit Denovan Ravaton descendre de la camionnette. On voit aussi les visages du chauffeur et des «aides-chauffeurs» ainsi que la plaque d’immatriculation du véhicule. «Il était convenu que la CID de Bel-Air allait enquêter. Mo leker fermal zordi kan mo mazinn sa madam-la. Mo leker fermal mem si mo pa ti konn li. Zot inn touy li kouma nanye ditou. Aster residivist al an vakans dan prizon», poursuit notre interlocutrice.

 

Mais cette fois, Denovan Ravaton semble bien parti pour un très long séjour derrière les barreaux après cette horrible affaire d’assassinat. Son complice Maxwell Edouard également. Mais il a fallu un assassinat pour cela.

 


 

Ravaton et Edouard passent aux aveux

 

La Criminal Investigation Division (CID) de Bel-Air a arrêté Denovan Ravaton et Maxwell Edouard après un véritable travail de fourmi. Les limiers n’ont d’ailleurs pas eu la tâche facile pour remonter aux présumés meurtriers de Nilma Jugurnauth. De un, les caméras de vidéosurveillance de la quincaillerie étaient en panne. De deux, celles de Safe City se trouvent trop loin de l’endroit pour être utiles à l’enquête. Et il n’y avait aucun témoin.

 

Le jour du drame, la CID de Bel-Air a interrogé cinq personnes dont Dhanjay, l’époux de la victime. Un collègue de la victime a également été interrogé de même qu’une habitante de Bonne-Mère. Ces derniers ont tous été autorisés à rentrer chez eux par la suite. Deux jours plus tard, six autres suspects ont été interrogés, des hommes qui habitent tous des localités voisines. Ils ont également été autorisés à rentrer chez eux après.

 

Sur la base d’informations très fiables, les enquêteurs de la CID de Bel-Air et leurs collègues du Field Intelligence Office et de la Special Anti-Roberry Squad ont ensuite procédé à l’arrestation simultanée de Ravaton à Cité CHA, à Bel-Air, et d’Edouard à Cité EDC, à Caroline, vers 6h30, le lundi 18 mai. Les deux jeunes n’ont pas tardé à passer aux aveux. Ils ont comparu devant le tribunal de Flacq sous une accusation provisoire de murder (assassinat). 

 

Les deux suspects ont expliqué aux enquêteurs qu’ils s’étaient rendus à Bel-Air ce jour-là afin de commettre un vol. Ils avaient ciblé une tabagie mais ce commerce était fermé. Ils se sont alors dirigés vers la Quincaillerie Bel-Air Best Point parce que «li tousel ti ouver sa ler-la». Sur place, Edouard et Ravaton sont tombés sur Nilma Jugurnauth qui tenait la caisse. Elle était seule. Ils lui ont fait croire qu’ils cherchaient un produit au fond de la boutique. Pendant qu’ils s’affairaient à trouver quelque chose pour voler, l’un d’eux s’est dirigé vers le comptoir pour voler le contenu de la caisse alors que la Salesgirl avait le dos tourné. Mais elle s’est retournée et a essayé d’intervenir pour les empêcher de commettre le larcin.

 

L’un d’eux l’a alors poussée violemment avant de la frapper à la tête parce qu’elle avait commencé à crier «voler». Tout laisse croire que Nilma Jugurnauth a été mortellement agressée à l’arme blanche par Ravaton lorsqu’elle s’est redressée pour aller téléphoner à la police. Le rapport d’autopsie indique qu’elle est décédée suite à un shock due to stab wound to the neck.

 

Les deux malfrats ont déclaré qu’ils n’ont rien pris de la caisse parce qu’ils se sont enfouis en voyant le sang jaillir de la blessure de la victime. Au début, les deux se sont accusés mutuellement du coup mortel porté à la victime. Mais Denovan Ravaton a finalement avoué, lors de la reconstitution des faits que c’est lui qui a poignardé la quadragénaire au cou.

 


 

La victime, une femme d’exception

 

Ses proches n’ont que des mots élogieux à son égard. Pour cause : Nilma Jugurnauth, née Lolldharry, a été une fille, une sœur et une épouse exemplaire pour les siens. Ce n’est pas son époux Dhanjay (photo) et son frère Komal qui diront le contraire. «Mo touzour dan sok. Nou inn fini servis trwa zour mardi. Nou pe gard karem pou servis 10 zour aster. Sa samdi-la (NdlR : le 23 mai), nou ti pou fet nou 27 an mariaz», lâche Dhanjay, la voix complètement cassée par l’émotion. Le couple a deux fils de 26 et 21 ans.

 

Son beau-frère est également anéanti. «Le mois de mai a toujours été très festif pour nous. Nilma s’est mariée en mai. Mon père Duth a fêté ses 75 ans le 21 mai. Le 15 mai, soit le jour de l’assassinat de ma sœur, une autre sœur fêtait son anniversaire. Désormais, le mois de mai est synonyme de douleur atroce pour nous», lâche Komal. Nilma est issue d’une famille de quatre enfants ; trois filles et un garçon. Elle était la cadette. «On a toujours été très proches. Je faisais toujours appel à elle pour ses conseils», souligne son frère.

 

Nilma était également très appréciée pour sa générosité. «Li finn ed boukou dimounn dan so lavi», confie Dhanjay. Il ajoute avec dépit : «Enn dan sa 2 garson kinn touy li-la dir li mem dan enn video ki plizier fwa mo madam inn donn li kitsoz pou manze.» Komal abonde dans le même sens : «Ou kapav al dimann nimport ki sannla dan Bel-Air ki kalite dimounn mo ser ti ete. Zot tou pou dir ou ki li ti enn extra bon dimounn. Akoz sa mem tou seki ti konn li dan sok. Ziska ler mo mama Mantee ek lezot bann fami pa krwar seki finn ariv li.»