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Agro-écologie | Claude et Lydia Bourguignon : pour l’amour du sol

Mari et femme sont des experts dans la question du sol.

La qualité des végétaux que nous consommons, la nécessité d'utiliser des pesticides, sont influencées par nos sols. En prendre conscience serait le début du changement.

Alerte, cœur brisé ! Dans les prochaines lignes se cache un terrible secret qui vous refilera le blues. Oui, vous n'aurez plus la patate. Encore moins la frite. Il y a des choses terribles à dire et à entendre. Mais soyez fort, ça va passer. Parce que, pour dire les choses, il y a le sourire et la chaleur d'un couple sympathique qui vient de France. Claude et Lydia Bourguignon, reconnus pour leur engagement dans le domaine de l'agro-écologie, éminents spécialistes du sol, étaient dans l'île, il y a quelques jours. Invités par la Chambre de l'Agriculture, ils ont animé ateliers et conférences, dont une à l'Institut français de Maurice ; Agro-écologie : soigner la terre pour nourrir les hommes. C'est là que nous rencontrons ceux qui «parcourent le monde» quelques heures avant leur grand oral. Les présentations faites, ces deux passionnés entrent dans le vif du sujet et n'hésitent pas à faire de la purée de nos idées reçues. Alors qu'une petite brise de début d'hiver souffle sur la cafet’ de l'institut, la discussion gagne en intensité et en chaleur.

 

Leur premier regard sur notre île est celui de l'indulgence, de leur douceur d'être, de leur sensibilité à la beauté de la nature : «C'est une belle île.» Mais très vite, le cœur du sujet revient sur le billot : «Au niveau agricole, il y a trop de canne à sucre.» Alors qu'eux prônent le renouvellement et le besoin de travailler avec «les équilibres naturels», ce qui se passe chez nous relève de l'aberration : «Il faut de la rotation et de l'association ; des plantes qui s'entraident face aux attaques.» Il est là le principe de l'agro-écologie : «Mettre le plant dans le sol qui convient. Respecter la nature dans tout ce qu'elle englobe. Plus on s'éloigne de l'ordre de la nature, plus on utilise des pesticides.» Au centre de tout, la qualité du sol : «C'est ce qui donne le goût et la qualité des produits que l'on plante. Ce n'est pas la bêcheuse, ce n'est pas le tracteur.» L'agro-écologie, c'est la solution du futur. Ils en sont persuadés : «Si on veut laisser quelque chose aux générations futures, oui.»

 

Stop à l'industrialisation à outrance, à ces plantes qu'on traite, qui poussent à un rythme effréné, aux techniques peu appropriées et à ce cercle vicieux qui pourrit des générations : «Les plants sont malades, ils ne sont pas dans le bon sol. Des multinationales produisent les produits chimiques pour les traiter. Ce sont ces mêmes entreprises qui fabriqueront les médicaments qui serviront à soigner les humains. Le problème, c'est le profit.» Et travailler la terre, de façon honnête, ça ne rapporte pas énormément et ça demande beaucoup de travail : «Si on veut bien faire les choses, il faut maintenir l'équilibre entre les cultures, les animaux et la forêt. Il faut avoir la connaissance du milieu.» Et pour eux, la méconnaissance du sol provoque de nombreux problèmes, une production qui trouble la ligne directrice de la nature, le battement du cœur de son essence.

 

Comme ce qui se passe à Maurice. Oui, préparez-vous, la révélation de la terrible vérité n'est que quelques mots plus loin : «Ici, on cultive de la pomme de terre ! Mais elle n'est pas faite pour le sol mauricien. Il fait trop chaud, il y a trop d'eau. Du coup, si on ne la traite pas, elle pourrit.» Oui, vous avez bien lu.

 

L’incontournable pomdeter de nos kari, la sympathique rondelle avec enn bouyon bred-rougay, ça finit par devenir un «truc toxique» : «Elles sont traitées au minimum 18 fois avant d'arriver dans l'assiette.» Idem pour la tomate. Pour le couple, il serait temps que les Mauriciens consomment ce qui convient à leur terre, ce qui pousse le mieux dans leur sol : «Comme le manioc, la patate douce, l'arouy....» Et le monde devrait faire de même : «En France, on ne peut pas manger de l'avocat. On doit manger ce que fait notre pays. Des pommes, par exemple. C'est une façon de protéger les paysans et la population.»

 

D'ailleurs, Claude et Lydia Bourguignon s'étonnent que Maurice ne produise pas son riz, alors que nous en sommes de grands consommateurs : «Le riz japonais pousserait bien ici.» Des solutions plus naturelles, gérées par le pays,  pour nourrir une population et pour se diriger vers l'autonomie alimentaire, qui devraient séduire les gouvernements. Et pourtant : «Le gros problème, c'est que l'État démissionne sur l'agriculture, il est "vendu'' aux multinationales.»

 

À Maurice, le Pesticides Bill se fait toujours attendre et un contrôle strict des substances présentes dans les végétaux n'est pas encore une réalité. Dans le monde, même si l'idée de manger mieux, de cultiver plus respectueusement, fait son chemin, le mouvement de masse n'est pas encore en marche : «Une réflexion mondiale est nécessaire. Il faudrait que les peuples cassent la puissance des multinationales.» Mais dans le changement, il faut du temps, de la patience et de l'accompagnement : «On ne peut pas tout interdire d'un coup. Il faut expliquer de nouveau. Donner des pistes, accompagner. Revaloriser le métier de paysan. Il faudra du temps de toute façon, le sol est en mauvais état.» 

 

En attendant ce soulèvement populaire, une astuce toute simple : plus un légume est «moche», rempli de terre, moins il y a de risques qu'il ait été traité à outrance. Pensez-y pour les pommes de terre. Afin que votre cœur ne se brise pas complètement.