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Aaleemee Society : La gourmandise des sourds…

Un cours pas comme les autres pour un samedi bien animé.

… C’est d’apprendre un métier afin de pouvoir tras trase et gagner sa vie. C’est ce que leur propose actuellement une ONG.

Le silence a des parfums inoubliables. Là où les sons s'effacent, l'univers inspire pour laisser voleter dans l'air des odeurs de sucre chaud, de coco grillé, de banane caramélisée. De tartes qui cuisent, tranquillement, dans le four. De macarons koko qui ne sont encore qu'une simple pâte informe. En cette fin de matinée, à Curepipe, le cours de pâtisserie a un autre rythme, une autre saveur. Si la signature olfactive ne diffère pas, elle est quand même plus intense. Tout comme les conversations, en langage des signes. Là, autour de la table ; un débat passionné sur l'importance de la grosseur des œufs utilisés afin que le mélange soit aérien et que le makaron local conserve sa légèreté mythique. Et que les petits morceaux de coco puissent s'imposer en bouche après que l'appareil ait fondu sur la langue.…

 

Avec leurs tabliers blancs, qu'ils ont confectionnés, une quinzaine de sourds (ils insistent pour qu'on les appelle ainsi) suivent la classe avec intérêt. Depuis une semaine, ils se préparent pour ce samedi, sous le signe de la banane et du coco. À travers un groupe WhatsApp, ils communiquent sur les recettes, ciblent les difficultés que présente la découverte d'un univers différent et s'arrangent pour le transport. Ce 20 avril, il s'agit de leur deuxième cours en pâtisserie ; pour le premier, ils avaient réalisé des scones. C'est la première fois qu'on leur apprend un métier, confient-ils. Pendant plusieurs semaines, ils apprendront les bases des gourmandises et se lanceront peut-être dans une future activité professionnelle. C'est ce que souhaite, en tout cas, Saheed Thupsee, fondateur de l'ONG Aaleemee Society qui est à l'origine de cette formation en collaboration avec le DeafNet Center of Knowledge : «Nous pensons leur offrir un cours de management et les aider à mettre en place leur coopérative.» Pour ça, il faut de l'aide financière. C'est pour cela que l'association fait un appel aux dons. Pour en savoir plus, connectez-vous à sa page Facebook.

 

Le course proposé par la Society est d'ailleurs gratuite pour ces sourds d'âges différents, qui se connaissent tous grâce à une association ; l'Association des Sourds de Maurice. Il y a des épouses, des jeunes femmes, des jeunes hommes. Ils partagent le silence. Mais aussi et surtout l'envie d'apprendre. Alors, tous les moments de la classe sont suivis avec attention. Et pour une fois, l'entendant se sent un peu perdu dans cet échange de gestes et d'expressions. Il doit s'inscrire au rythme de ces conversations animées, de ces explications volubiles mais sans son. Et petit à petit, son monde à lui prend d'autres couleurs. Pour celle qui mène la classe, Mehjabeen Korumtollee, ce nouveau challenge n'a pas été de tout repos. Savoir communiquer avec ses nouveaux élèves, c'est un tour de force. Car même si elle a à ses côtés une traductrice, Farah Hosenally, et un interprète, Tanweer, elle veut leur faire comprendre des choses directement : «J'y arrive. Et j'en suis contente.»

 

Le bonheur est aussi celui de ces élèves. Enthousiastes, motivés. À l'heure de discuter, ils veulent tous partager quelque chose. Entre les explications, nous comprendrons qu'ils sont «bien kontan», que tous veulent faire de la pâtisserie un métier, un vrai, et qu'avec cette découverte de nouveaux savoirs, ils se sentent pousser des ailes. Que parfois, le silence a des parfums inoubliables. Mais qu'il se peuple aussi de rêves, d'objectifs et d'envies……

 

Pour sa fille

 

 

Elle est là, assise. Tout simplement. Et elle ne s'ennuie pas. Elle ne «pati» pas, comme elle le dit. Son bonheur ? Voir sa fille Deeya s'épanouir en apprenant de nouvelles choses, en découvrant qu'elle a en elle de belles ressources. Sa Deeya a 25 ans. Quand elle arrive au monde, Jyotee Ramkissoon ne s'étonne pas de sa surdité : «Mo ti bien malad pandan mo groses.» Mais cette maman de deux garçons également ne lâchera plus jamais sa fille. La couvrira d'amour et d'attention, en essayant de la protéger du monde. Elles se comprennent : un geste, un signe, un regard et le message passe. L'amour aussi. Alors, c'est normal que Jyotee soit là tous les samedis. Qu'elle encourage son enfant : «C'est la première fois qu'elle apprend un métier. Je suis contente pour elle. Au moins, elle pourra se débrouiller. Mama, papa pa pou touzour la.»

 

Farah et Tanweer Hosenally : le lien

 

Elle écoute la prof. Réfléchit deux secondes et ensuite explique à son frère Tanweer, qui est sourd, en utilisant les gestes et en articulant bien. Entre le frère et la sœur, le lien passe instantanément. La compréhension aussi. C'est vrai que Tanweer bosse dans la pâtisserie de son père et connaît donc le métier enseigné dans les classes de l'Aaleemee Society. La douceur des crèmes, le croustillant des pâtes. Alors, avec ses amis, il essaie de faire passer ce goût du monde et de la gourmandise ; tout en respectant la rigueur de cette discipline. Et Farah est là pour faire le lien indispensable d'un monde où l'on entend, à un autre où l'on écoute différemment.

 

Une rencontre

 

Celle de Saheed Thupsee et de Sanjay Beepat qui œuvre pour le DeafNet Center of Knowledge qui se trouve en Afrique du Sud. Ces deux hommes passionnés de social se disent alors qu'il faut mettre en place un projet. Mais pour que cette formation soit efficace, il a fallu un an de consultations et de travail. Aujourd'hui, ils sont satisfaits : «Il faut empower ces personnes. C'est aussi simple que ça. Ils veulent travailler et on va leur apprendre un métier. Ils n'ont pas de skills. Alors, on veut leur offrir les outils nécessaires», confie Saheed Thupsee.