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Nathalie et Anne-Lise Davasagaen : Les jours après l’accident de Sorèze

Le mardi 3 mai sera un jour particulièrement pénible pour la mère et la fille, comme pour tous ceux qui, ce jour-là, ont vécu l’horreur.

Ce matin-là, mère et fille avaient pris place à bord du bus Blue Line 4263 AG 07. Comme elles, tous les passagers avaient des engagements à honorer dans la capitale ou sur le trajet. La plupart d’entre eux se rendaient sur leur lieu de travail, les autres allaient soit à un entretien, soit s’occuper d’une démarche ou faire une virée shopping. Mais certains avaient aussi rendez-vous avec la mort. C’était le 3 mai 2013.

C’estcomme si elles ouvraient une fenêtre sur le passé. Il leur suffit simplement de fermer les yeux pour se retrouver à revivre ce «cauchemar»qui a à jamais changé leur vie. C’était pourtant un vendredi ensoleillé, lumineux… La promesse d’une belle journée avant le week-end. C’était il y a trois ans : le 3 mai 2013.

 

Il y a eu d’abord les sourires échangés, les regards croisés. Elles se souviennent d’Elyn Jiangchuan Hu et de «son visage sympathique», de Delphine Pokhun ou encore d’Adeellah Emambokus, «ravissante avec son ventre tout rond de femme enceinte»,trois passagères parmi tant d’autres… Des inconnus, des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes, des mères et pères de famille que Nathalie et Anne-Lise Davasagaen ont aperçus en embarquant dans l’autobus Blue Line 4263 AG 07, ce matin-là, à destination de Port-Louis.

 

Puis, il y a eu ce moment d’énorme stress : quand le receveur du bus de la Compagnie nationale de transport a demandé aux passagers se trouvant à l’avant du véhicule de se regrouper à l’arrière. De panique, quand elles – tout comme les autres personnes – se sont rendu compte que quelque chose n’allait pas. D’incompréhension, car à cet instant précis, personne n’arrivait à évaluer le danger. Et finalement, de frayeur quand tous ont compris qu’un accident était inévitable.

 

«On ne peut définitivement pas oublier une telle chose. On ne reprend définitivement pas le cours de sa vie normale quand on a vécu un tel drame»,lâche Nathalie Davasagaen, 50 ans. Dans sa chambre, une photo souvenir de la rencontre organisée par La Sentinelle en décembre 2013, avec tous ceux touchés par ce drame, tient une place de choix. «Qu’on le veuille ou non, cette histoire est maintenant notre histoire.» Dans ses souvenirs, il y a aussi le bruit strident de la sirène qui a retenti dans le bus peu avant l’impact, les cris, les secousses et… le choc.

 

«Du sang…»

 

«Quand j’ai ouvert les yeux, il y avait des débris de verre partout. Les fenêtres avaient volé en éclats. L’autobus n’était qu’un amas de tôle, des personnes étaient sans connaissance, j’entendais des gémissements et il y avait du sang, beaucoup de sang»,se rappelle Nathalie. Blessée au bras droit, elle ressent toujours des douleurs à cet endroit aujourd’hui. Sa fille Anne-Lise, 22 ans, ne se souvient pas, quant à elle, des minutes qui ont précédé l’accident : «Je ne me rappelle pas de grand-chose. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal à en parler. Tout ce dont je me souviens, c’est d’avoir eu plusieurs personnes sur moi après l’impact. J’ai pris mon courage à deux mains pour me relever et c’est là que j’ai mesuré l’ampleur du drame.»

 

Mère et fille sont abasourdies. Nathalie, qui a perdu une chaussure et son sac, est toute secouée, tremblante. Anne-Lise, de son côté, maîtrise mieux ses émotions. Autour d’elles, se souviennent-elles, c’est le chaos. Une véritable scène d’horreur. «J’ai entendu des personnes pousser leur dernier soupir et d’autres qui avaient une moitié du corps sous le bus et l’autre moitié dans le caniveau. C’était horrible»,raconte la mère de famille.  Anne-Lise – la première à sortir de l’autobus par la grande vitre arrière – décide vite d’y retourner après avoir repris ses esprits : «Je ne sais pas vraiment si j’étais consciente de mes actes à ce moment-là, mais j’ai pris la décision de retourner dans le bus. J’ai voulu porter secours aux gens.»

 

Il y a aussi eu l’après. La découverte de toutes ces histoires – «le courage du chauffeur Deepchand Gunness, mort derrière son volant, ou encore celui du receveur Vishwanath Bundhoo, sans qui le nombre de morts serait encore plus élevé» –, de ces visages – celui d’Adeellah Emambokus et de son petit garçon, né quelques heures après le drame –, de ces victimes décédées, qui a laissé de vives séquelles dans son sillage. Dans certains cas, des orphelins – Triya Ujoodha, alors âgée de 10 ans, a perdu ses parents –, des personnes blessées, traumatisées, marquées à jamais.

 

Pour Anne-Lise et Nathalie (soignées à la clinique Apollo Bramwell), les jours suivants ne sont pas sans épreuves. Entre les bleues et les douleurs (aux bras et au dos) pour Nathalie et les douleurs également pour Anne-Lise, notamment à la colonne vertébrale, ajoutés au traumatisme, reprendre le cours de la vie est difficile et pénible.

 

«Pendant longtemps, j’ai évité le bus et je ne peux toujours pas regarder le lieu où l’accident est arrivé quand je suis sur ce trajet. Je ferme les yeux ou je tourne la tête. Je ne peux pas mettre des mots sur ma réaction, mais je n’y arrive pas. Et à chaque fois que je suis dans un autobus, j’ai très peur, notamment lorsqu’il y a des tournants. Cela peut sembler difficile à comprendre, mais c’est comme ça. Trois ans plus tard, cette expérience traumatisante est toujours là. C’est pour cela que je préfère occulter cet événement dans ma tête»,confie Anne-Lise.

 

Sa mère, qui travaille dans le domaine du secrétariat, n’est toujours pas remise de ce drame non plus :«On a tous vécu la même chose. Certains ont été grièvement blessés, d’autres moins, d’autres ont perdu la vie, mais je sais que cet accident restera à jamais ancré dans la mémoire de tous les rescapés. Avec ma fille, on aurait pu ne pas être là aujourd’hui. On s’estime chanceuses d’être toujours en vie et on est de tout cœur avec ceux et celles qui ont perdu un des leurs dans ce drame.»

 

Déterminées à ce que les responsabilités soient situées dans cette affaire, les Davasagaen ont retenu les services d’un homme de loi pour avoir des réponses. «Trois ans plus tard, on attend toujours»,souligne Nathalie. Aujourd’hui, elle qui ne supportait plus de passer par Sorèze pour aller travailler, a sauté sur l’occasion, quand celle-ci s’est présentée, d’aller travailler à Curepipe. «J’ai peur même quand je suis en voiture», dit-elle, pleine d’émotion. Un état dans lequel elle est à chaque fois qu’elle ouvre cette triste fenêtre de son passé.

 


 

Une tragédie nationale

 

Le grave accident de Sorèze a frappé les esprits comme étant une tragédie nationale. Le 3 mai 2013, 51 passagers se trouvaient à bord du Blue Line de la CNT lorsque celui-ci s’est renversé à hauteur de Sorèze. Dix personnes ont trouvé la mort : le chauffeur Deepchand Gunness, Kamla Devi Soobroydoo, Jiang Chuan Hu, Marie Ruth Marimootoo, Kumar Ujoodha, Marie Aurore Delphine Pokhun, Shankuntala Ramdaursingh, Amreen Bibi Lallmamode, Priya Ujoodha et Devesh Cheeneebash. Depuis l’accident de Sorèze, la thèse d’une défaillance au niveau du système de freinage a été évoquée à plusieurs reprises. Les experts de la police ont également fait des constats accablants concernant le fonctionnement du Blue Line accidenté. Deux jours avant le drame, le conducteur de l’autobus, Deepchand Gunness, aurait signalé ledit problème. Les différents rapports sur le système de freinage du Blue Line abondent dans ce sens. Selon l’un d’eux, un raccord d’air lié au système de freinage aurait subi une rupture pendant le trajet, avant Sorèze. L’Exhaust Brake System, qui est censé freiner l’autobus en cas d’un souci de freinage, ne fonctionnait pas non plus.