• Boxe thaï : première édition de «La Nuit des Nak Muay»
  • Badminton : les Internationaux de Maurice à Côte-d’Or
  • Trois univers artistiques à découvrir
  • Handicap et vie professionnelle : un pas de plus vers l’inclusion
  • Mayotte au rythme des crises
  • Une rare éclipse totale traverse l’Amérique du Nord : des Mauriciens au coeur d’un événement céleste spectaculaire 
  • World Thinking Day : les guides et la santé mentale
  • Mama Jaz - Sumrrà : prendre des risques musicaux avec le jazz
  • Karine Delaitre-Korimbocus : Kodel, une nouvelle adresse dans le paysage de Belle-Rose
  • Oodesh Gokool, le taximan attaqué au couteau : «Mo remersie piblik»

Marie-Josée Baudot : Ondes de souvenirs

C’est en 2000, après 35 ans de carrière, que cette voix, qui a bercé plus d’un, a fermé tout un chapitre de sa vie pour en écrire d’autres. Loin des ondes, elle remonte le fil de ses souvenirs…

Ellen’a pas changé. Posée, chaude… rassurante. Non, elle n’a pas pris une ride ! La voix de Marie-Josée Baudot résonne comme une douce mélodie qui vous prend, vous transporte et vous tient en haleine. «Soyez les bienvenus !» nous lance-t-elle, de sa voix qui a bercé plus d’un, en nous accueillant chez elle à Forest-Side. Car avec elle, chaque mot est pesé. Et comme un bond dans le passé, impossible de ne pas revenir à ces années où cette même voix vivait sur les ondes de la MBC. 

 

On aperçoit avec intérêt les détails de son chez-elle. Tout y paraît rassurant, chic, élégant. Marie-Josée Baudot, heureuse épouse de José, maman comblée de trois enfants – Charles, François et Odile –, et grand-mère de sept petits-enfants, décrit son itinéraire avec un humour élégant : «J’ai eu une vie bien remplie.» Et c’est à la station de la rue Louis Pasteur, Forest-Side, Curepipe, qu’elle y a vécu une bonne partie : «J’ai consacré 35 ans de ma vie à la station nationale.»

 

Des années d’expérience, de rencontres, de moments forts et de souvenirs : «J’ai eu une carrière très riche. Depuis 1964, ma vie tournait autour de la MBC. J’ai été à la radio, puis de 1996 à 2000, j’ai travaillé pour la télé. J’ai été journaliste, j’ai été à la production, à la réalisation et je m’occupais même des décors. D’ailleurs, plusieurs objets qui sont chez moi ont à un certain moment servi sur un plateau. Il y avait tellement de décors de chez nous à la télé que mon époux m’a sorti une fois qu’il pourrait voir un jour notre lit à la télévision.» 

 

Des rencontres

 

Ce qui frappe chez elle, c’est son amour pour les autres : un jeu complexe et subtil de liens qui se nouent au gré des rencontres qu’elle a eues, que ce soit en tant que journaliste ou en tant que responsable de la radio et de la télévision nationale où elle a beaucoup appris : «À l’époque, nous  étions une équipe. On était une famille. Je me souviens des anniversaires surprise que les collègues me préparaient, des visages souriants et de l’ambiance qui régnait quand je débarquais sur une chanson de Julien Clerc, mon chanteur préféré. On était soudés, on ne se tirait pas dans les pattes.»  

 

Elle cite des personnes qui ont croisé son chemin, des collègues et autres amis, des noms comme Sandra Mayotte, Prakash Sumputh, Marie-Josée Assame, Jean-Claude Gébert, Marie-Michel Etienne et Pamela Patten, qui, comme elle, souligne-t-elle, aimaient leur métier : «D’ailleurs, certains continuent à cultiver leur amour pour cet univers.» Mais l’amoureuse des ondes qu’elle était a dû, à un certain moment, faire un choix. Toutefois, elle est partie avec le sentiment du travail accompli : «J’ai quitté la MBC en 2000 afin de travailler pour une chaîne satellitaire. Durant toute ma vie, j’ai eu des propositions, de partis politiques ou pour d’autres postes à la MBC, même à l’échelle internationale, mais à chaque fois, je déclinais. J’étais toutefois arrivée à un moment de ma vie où je voulais être plus libre. Mes enfants étaient fixés sur leur avenir et j’ai décidé de prendre une autre direction.Je ne m’épanouissais plus. Je sentais que je stagnais.»

 

«Esclave du boulot»

 

Même si l’amour du métier était là, Marie-Josée Baudot a vu la flamme qui la tenait motivée, s’éteindre petit à petit : «Tout au long de mon cheminement à la MBC, je dois dire que je n’avais pas vraiment de temps sur le plan personnel. J’avais, à un certain moment, six mois de congés accumulés que je n’avais jamais pu prendre. Depuis 1964, je me concentrais énormément sur mon travail. J’avais sacrifié ma famille. Une année, j’avais même demandé un congé pour aller installer mon fils à Bordeaux et cette demande m’avait été refusée. J’étais esclave de mon boulot.» 

 

Mais en remontant le fil du temps, il lui est impossible de ne pas penser à toutes ces belles choses qui sont aujourd’hui, pour elle, des souvenirs. «Je me souviens surtout que j’avais fait, avec mon équipe, une radio de proximité. La radio a évolué. Il y a eu l’époque de Hilda Tyack ou encore de Mimi Labat, quand il y avait beaucoup d’émissions culturelles. Quand j’étais responsable de la radio, j’ai revu toutes les tranches horaires. On avait également créé la tranche des ménagères. On faisait des émissions comme La fête de l’Amitié. C’était l’époque des lancements des groupes locaux et le créole faisait aussi son entrée à la radio et à la télé», explique-t-elle.«On a aussi introduit des émissions avec les plus jeunes. On voyait ainsi des enfants qui interviewaient des vedettes comme Patrick Bruel. Il y avait aussi l’émission Night Shiftet les magazines féminins. Nous étions aussi derrière des concepts comme les quiz inter-écoles et inter-collèges. Bref, c’était l’époque où les choses bougeaient.»

 

Avec plusieurs cordes à son arc, cette touche-à-tout avertie a toujours eu le goût des autres : «J’étais également syndicaliste. En 1975 à Genève, lors de la Conférence ministérielle au Bureau international du Travail, j’étais vice-présidente du Mauritius Labour Congresset la première femme mauricienne à  y représenter son pays.» Des moments qui l’ont marquée, il y en a eu beaucoup. «Il y a la visite du pape Jean-Paul II à Maurice, le cardinalat de Jean Margéot à Rome, marqué par le décès de sa sœur, la visite de la reine Elizabeth et du prince Philippe, des rencontres avec Ti Frer, Michel Legris, Michel Drucker ou encore Danielle Mitterrand.» Elle poursuit :«On avait aussi tourné les premières images à Rodrigues. À l’époque, les Mauriciens ne connaissaient pas trop l’île. C’était pour une émission dans le cadre du dernier voyage du Mauritiusà Rodrigues. Nous avions alors ramené les premières images télévisées de Rodrigues.»

 

Premier reportage

 

L’événement qui l’a le plus marquée reste cependant son premier reportage : «C’était un tournage dans le cadre de l’Indépendance de l’île. C’était le 12 mars 1968 et c’était mon premier reportage. L’image de sir Seewoosagur Ramgoolam et de sir John Shaw Rennie est comme ancrée en moi. C’était un beau moment.» Maiss’il y a bien une chose qu’elle n’oubliera jamais, c’est la relation qu’elle avait avec les auditeurs : «Mon meilleur souvenir reste le public mauricien, ces milliers d’auditeurs et de spectateurs qui, même jusqu’à aujourd’hui, me témoignent de l’amitié. Ils m’ont suivie et ont toujours été fidèles. C’est ma plus belle récompense. Ils m’ont vu évoluer et me disent souvent que je n’ai pas changé. Le public a toujours été là pour moi, à la fois dans les bons comme les mauvais moments.» 

 

Difficile pour elle de ne pas avoir un regard critique sur ce qui se fait actuellement sur les ondes et à la télé. «L’image que nous recevons du Parlement n’est pas belle. Les parlementaires de l’époque étaient des messieurs. Heureusement qu’il y a les chaînes satellitaires. Parce que quand je regarde ce qu’on propose sur les chaînes locales, je trouve qu’il n’y a pas de cohérence dans la programmation. C’est un collage et un remplissage de grille. Aujourd’hui, ils continuent à faire les émissions de cuisine, comme on le faisait à l’époque. Il n’y a pas eu d’évolution. Et que dire des émissions avec les personnes du troisième âge, on continue à les voir dans de belles robes à danser. Je ne suis pas d’accord avec cela. Il est temps qu’on montre des seniors actifs. J’ai moi-même travaillé avec eux et il y a beaucoup qui font de l’alphabétisation ou qui participent à des ateliers de musique, entre autres.» 

 

Concernant ce qui se fait sur les radios, elle est contre certains concepts qui se pratiquent actuellement : «Je ne comprends pas les émissions durant lesquelles les stations doivent faire le lien entre les Mauriciens et les services essentiels. À l’époque, nous travaillions à ce que les Mauriciens ne soient pas des assistés.»

 

C’est aujourd’hui de loin qu’elle suit l’évolution de ce qui se fait sur les ondes où, il y a quelques années encore, résonnait sa voix.