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Damien Poonoosamy : Au nom de l’amour

Le jeune Mauricien a rencontré Justin Trudeau, le Premier ministre du Canada qui, il y a quelques mois, s’était excusé en larmes auprès des homosexuels de son pays, victimes de discriminations.

Après la manifestation illégale à la Place d’Armes, le 2 juin, qui a débouché sur l’annulation de la Marche des Fiertés, il a créé une page Facebook, Une île Maurice pour tous, qui milite pour que tous les citoyens mauriciens aient les mêmes droits. Du Canada, où il a posé ses valises, le jeune homme se raconte…

La démarche est personnelle. Car il n’a pu, ce jour-là, rester de marbre face à ce qui se passait au cœur de Port-Louis. Cela, même s’il se trouve à des milliers de kilomètres de notre île, au Canada précisément. C’est devant son écran d’ordinateur que Damien Poonoosamy, 30 ans,  apprend, en ce 2 juin, que la 13e Marche des Fiertés n’aura pas lieu. C’est aussi en consultant son fil d’actualité sur Facebook qu’il réalise ce qui se passe à la Place d’Armes avec un groupe d’opposants qui, pancartes en main, «condamnent l’homosexualité».

 

Au fond de lui, un mélange de plusieurs sentiments. De la colère, de la révolte mais aussi un besoin de crier son incompréhension face à autant de haine. Lui même gay, il se sent blessé, touché, fragilisé. Mais au lieu de se laisser submerger, Damien choisit de réagir. Non pas pour déclarer la guerre mais pour lancer un appel au respect des droits de tous les citoyens de l’île, comme c’est le cas dans le pays où il a posé ses valises.

 

«À Maurice, j’ai été journaliste pendant plusieurs années avant de m’envoler pour l’Australie dans un premier temps, à la recherche d’un monde plus ouvert, où tes choix et ta présence ne sont pas considérés comme des sujets de discrimination et de rejet. Puis, en 2014, j’ai immigré au Canada, toujours dans l’espoir d’avoir une meilleure vie et de vivre librement loin des regards accusateurs», nous confie le jeune homme qui évolue aujourd’hui dans le secteur bancaire. Mais il n’oublie pas son île. «Ici, je travaille pour une banque en tant que spécialiste des services digitaux et je suis prêt à retourner dans mon île si besoin est et de crier plus fort encore s’il le faut que nous avons notre place sous l’arc-en-ciel mauricien.»

 

«20 ans en arrière»

 

Car même s’il est loin, il se souvient d’où il vient et se sent concerné par tout ce qui touche, dit-il, à la communauté LGBT à Maurice : «Une partie de moi est restée dans mon pays et à chaque fois que j’en ai l’occasion, je viens y passer quelques semaines. Je suis très attaché à mon île et je suis de très près l’actualité au quotidien. Ce fameux 2 juin, j’étais en train de me préparer pour sortir avec des amis quand j’ai appris ce qui se passait dans l’île. Ça m’a blessé profondément. Je me suis demandé : comment notre île a-t-elle pu reculer 20 ans en arrière ? Nous vivons dans un monde où de plus en plus de gens ressentent le besoin de live and let live.»

 

En voyant tout ce qui a suivi l’annulation de la gay pride et les commentaires et autres messages qui sont tombés, Damien a l’idée de créer la page Une île Maurice pour tous sur Facebook pour, dit-il, faire bouger les choses et qu’il y ait plus de reconnaissance pour la communauté LGBT : «Ces malheureux événements m’ont attristé mais ont aussi animé une rage en moi. C’est pourquoi j’ai voulu apporter ma contribution pour que les droits de tout un chacun soit respectés. J’ai pris mon ordi et tout est venu naturellement : le nom du groupe, le logo, etc. L’idée derrière ce groupe, c’est de rassembler non seulement la communauté LGBT mais aussi ce qu’on appelle les gay friendly et tous ceux qui ne veulent pas qu’un deuxième samedi 2 juin se répète à Maurice.»

 

Sur la page, le jeune Mauricien invite à des échanges, des partages mais surtout, souligne-t-il, à faire évoluer le débat entourant l’orientation sexuelle : «C’est une plateforme où les gens peuvent se sentir libres de partager leurs opinions, expériences et des articles qu’ils jugent pertinents pour faire avancer la cause. Le nombre de personnes qui ont manifesté leur intérêt m’a vraiment surpris. En quelques jours, nous avont eu plus de 6 000 membres. Ce qui m’amène à dire que Maurice a changé par rapport à un petit groupe qui veut imposer sa loi.»

 

Le combat

 

En couple depuis 10 mois, Damien estime que les incidents à Port-Louis ont permis de mettre en lumière la situation des personnes de la communauté LGBT à Maurice : «Le silence et l’inaction des autorités nous ont aussi fait beaucoup de mal et c’était important que les gens du monde entier prennent connaissance de tout ça. Le groupe continue de s’agrandir de jour en jour. Comme je suis au Canada, ça me donne une plus grande marge pour faire avancer notre cause. Plusieurs associations LGBT de mon pays d’accueil ont été alertées de la situation et le problème a même été rapporté à certaines personnes du gouvernement.»

 

Pourquoi n’avoir pas commencé cette lutte pour la cause homosexuelle quand il était encore au pays ? «Tout simplement parce qu’étant journaliste, j’avais en quelque sorte les pieds et les poings liés, et il y avait beaucoup de choses que je ne pouvais pas dire ou faire. Maintenant que je suis libéré de tout ça, je m’exprime librement et sans aucune peur. Le combat ne fait que commencer et rien ni personne ne nous fera reculer. Je lance un appel au Premier ministre. Il est jeune et il doit être un exemple pour son peuple. Les membres de la communauté LGBT sont avant tout des êtres humains et des citoyens à part entière. Alors pourquoi avoir honte d’en parler ? On ne vote pas nous aussi ?» se demande Damien.

 

Il ne peut s’empêcher de penser à ces années difficiles où il devait taire son orientation sexuelle : «Je devais toujours faire attention à ce que les gens allaient dire ou penser de moi. En faisant cela, j’avais l’impression que les années passaient et que je ne vivais pas ma vie à fond en étant moi-même.» Heureusement qu’il a toujours pu compter sur le soutien de sa famille : «Mes parents sont des gens ouverts d’esprit et ils m’ont toujours encouragé à faire ce qui me rend heureux. Ils ont passé un an avec moi ici. Aller dans le village gay, fréquenter des bars LGBT, cela ne les dérange vraiment pas.»

 

Même si la situation est moins compliquée au Canada, le jeune Mauricien est conscient que l’intolérance est un mal qui existe : «L’homophobie existe partout, surtout dans des pays avec un fort taux d’immigrants. Mais contrairement à la situation à Maurice, il y a, au Canada,  beaucoup de lois qui nous protègent. Il y a des endroits dédiés spécialement à la communauté LGBT (gay villages). Notre Premier ministre, Justin Trudeau, montre l’exemple à chaque gay pride en marchant avec sa famille. Et à travers lui, le monde est en train d’évoluer.»

 

Et c’est pour cette évolution, dit-il, qu’il souhaite continuer à se battre au nom de l’amour…

 


 

Les droits des homosexuels au Canada

 

L’histoire des droits des gays et lesbiennes dans ce pays ne date pas d’hier et a été un long combat. Les Canadiens se sont ainsi longtemps battus pour obtenir des droits égaux. Le Canada est d’ailleurs un des premiers pays au monde à avoir fait un pas de géant pour les droits des gays et lesbiennes avec le mariage entre conjoints de même sexe et l’adoption. Si de par leur orientation sexuelle, beaucoup de vies ont été brisées il y a de cela quelques années, les membres de la communauté LGBT ont reçu, le 28 novembre dernier, les excuses officielles du gouvernement de Justin Trudeau et seront ainsi indemnisés. «Je suis désolé, nous sommes désolés.»

 

Le Premier ministre a endossé les «erreurs» des gouvernements successifs qui ont perpétué la discrimination contre la communauté LGBTQ et a, sans détour, parlé «du rôle qu’a joué le Canada dans l’oppression, la pénalisation et la violence systémique à l’endroit des communautés lesbienne, gay, bisexuelle, transgenres et queer». «C’est avec honte, peine et un profond regret que je suis ici aujourd’hui pour reconnaître les torts de l’État envers ses employés ‘‘forcés à vivre à l’écart’’ et ‘‘humiliés’’.»