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Les Mauriciens vibrent pour le football anglais

Jean Carl Palmyre pense que le Mauricien a besoin d’une passion tel le football.

Un héritage est resté bien ancré en eux et demeure incontournable. Il s’agit du football, un sport que les Anglais ont d’ailleurs inventé en 1863, et qui demeure sans conteste le sport roi dans de nombreux pays. Notre île n’en fait pas exception. Le fait demeure qu’en 2018 le football anglais est le sujet préféré de nombreux Mauriciens en lieu  et place du football local.

Bien avant l’Indépendance, cette discipline suscitait un grand engouement avec l’émergence des clubs populaires, qui s’est accentuée après le départ des Anglais. Les stades étaient bondés à l’instar du George V, considéré dans le temps comme le Wembley mauricien. Nos compatriotes connaissaient sur le bout des doigts les noms des joueurs et les conversations étaient très animées avant et après les matchs. Aujourd’hui, un gosse de 10 ans peut facilement citer les noms des joueurs composant l’escouade de Manchester United ou de Liverpool, et vous regarder d’un air perdu lorsqu’on lui demande de nommer un footballeur mauricien. Il y a même un journal mauricien dédié au foot anglais (voir plus loin).

 

Tout cela pour vous donner une idée de ce que représente le football anglais chez nous, avec, par exemple des questions comme «ki Chelsea pour fer tanto ?» ou encore «Arsenal win combien été cote book-maker ?» qui sonnent comme un refrain. Les vente des maillots des équipes anglaises, des graffitis sur les murs ou sur la chaussée, occupent une large place dans les médias (souvent au détriment du football mauricien), ou encore des fans clubs affiliés à des équipes, à l’instar de l’Official Liverpool FC Supporters Club Mauritius. Telles sont les conséquences visibles de l’amour des fans mauriciens pour le foot anglais.

 

Jean Carl Palmyre, président et fondateur de l’Official Liverpool FC Supporters Club Mauritius, explique que ce phénomène dépasse le cadre d’un simple héritage. «Je dirais que c’est plus  un aspect culturel, car l’anglais, tout comme le français, est une langue comprise et parlée à Maurice. Le Mauricien, qui vit dans un état insulaire, est de nature extravertie, a besoin de passion, d’aller vers des horizons et de réaliser ses rêves. Le foot anglais est particulier et fait rêver le monde. De plus, ce foot a parfaitement intégré le quotidien des Mauriciens, comme en témoignent les années où on était scotchés aux radios pour écouter les résultats des matchs»

 

Dominick Kut, responsable d’Allsport Ltd souligne que c’est un phénomène mondial. «On peut parler d’héritage mais on doit reconnaître que le championnat britannique demeure le plus suivi par les amateurs de football à travers la planète. C’est une compétition spectaculaire qui fascine le monde, et il n’y a qu’à voir l’engouement que cela suscite en Afrique, Asie, entre autres. Je dirais que le championnat anglais est plus important que la Coupe du monde de footballl. Les meilleurs entraîneurs du monde, aussi bien que des grands footballeurs évoluent en Angleterre. Le football anglais comporte des revirements spectaculaires, comme en témoigne la victoire in extremis de Man Utd contre Crystal Palace pendant la semaine. Même des équipes comme Everton et Leicester City figurent dans le Top des clubs les plus riches d’Europe», confie notre interlocuteur.

 

Et poursuit-il : «Je crois que l’attachement des Mauriciens pour le football anglais remonte au temps où les fameux Pool Vernons et Littlewoods étaient très populaires. L’Internet, les radios privées n’existaient pas et on devait se brancher sur la BBC pour attendre la diffusion des résultats. L’attente était insupportable et on devait patienter longtemps pour avoir les résultats complets. Je pense que cela a rendu le football anglais encore plus populaire chez nous et cela s’est accentué lorsque la MBC a commencé à diffuser les matches en week-end. Puis avec l’avènement des chaînes satellitaires et l’internet, le football anglais a connu un grand boom», reconnaît Dominick Kut.

 

Pour ce dernier, le foot local est condamné à renaître de ses cendres.  «Cela peut sembler paradoxal quand on compare la popularité dont jouit le football anglais par rapport au football mauricien. Cela est un long débat mais je pense que peut-être la régionalisation du football a été mal faite et que les Mauriciens ne s’identifient pas avec les clubs existants. Pourtant le football mauricien était tout aussi populaire que le foot anglais mais n’a pu prendre son envol», fait-il remarquer. Il y n’a pas photo entre les clubs anglais et les clubs mauriciens.

 


 

 

Azmaal Hydoo (responsable du journal Lékip et journaliste à l’express) : «La Premier League ne laisse aucune chance au football local…»

 

«Entre l’île Maurice et le football anglais c’est une grande histoire d’amour. Si Burnley est venu jouer à Maurice en 1954 et que les anciens en parlent encore, ça vous donne une idée de l’impact des clubs anglais chez nous. Sans oublier, les matches du championnat anglais suivis chez nous dans les années 70, à la radio, via la BBC.

 

La Premier League est, ensuite, devenue un évènement incontournable dans chaque famille mauricienne dans les années 80 avec, les matchs retransmis à la MBC. Au début, on diffusait tous les matches, ce qui rendait même jaloux les visiteurs anglais de passage chez nous. Ces dernières années, avec l’explosion des droits TV et les sommes pharaoniques qu’il fallait investir pour diffuser l’English Premier League (EPL), la MBC le fait de moins en moins. Conséquence les abonnements à Canal+, Parabole Maurice, DSTV ou MyT ont pris l’ascenseur.

 

50 ans après l’indépendance, la Premier League ne s’est jamais aussi bien portée chez nous. Le foot anglais est le moteur du journal Lékip, le seul journal de sport à Maurice, qui fête cette année ses 15 ans d’existence, et qui est né pendant les Jeux de île de 2003 à Maurice. Aujourd’hui, des Mauriciens de la diaspora nous contactent régulièrement pour partager leur expérience vécue lors d’un match dans un stade anglais et avoir la chance de paraître dans Lékip.

 

La visite de Tottenham en 2004 ou celle des juniors de Manchester United quelques années plus tôt, ou les passages de l’ex-légende de Chelsea Didier Drogba avec la Côte d’Ivoire permettent de mesurer l’engouement du public mauricien pour les stars de l’EPL. Sans compter, les occasions manquées de faire venir Liverpool, qui avait fait naître de faux espoirs chez les fans, mais ce n’est sans doute que partie remise.

 

Le revers de la médaille, c’est que le foot anglais a aujourd’hui largement supplanté notre sport roi et que nos jeunes se préoccupent à 95 % des aventures de David de Gea ou Mohamed Salah et à 5 % de l’ASPL 2000 ou de Pamplemousses SC, en étant généreux. C’est triste à dire, mais la passion des Mauriciens pour la Premier League ne laisse aucune chance au football local. C’est injuste, car on a de bons joueurs et ils ne méritent pas d’être comparés à l’élite mondiale. Le match est donc faussé d’avance !

 

Mais il ne viendrait pas à l’idée de personne d’aller voir un match local s’il est programmé à l’heure d’un Manchester United-Liverpool. Du coup, nos stades restent vides et l’intérêt pour le football mauricien ne concerne plus que l’actu du Club M, ce qui n’est pas une spécificité mauricienne mais bien une tendance africaine et mondiale, constatée partout. Le foot anglais à la télé a contribué à tuer notre sport roi et je pense que c’est hélas, un fait irréversible.