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Une expérience humaine bouleversante

Elles étaient onze femmes à répondre à l’invitation de Passerelle, bien que 50 aient été invitées. À l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, elles se sont déguisées pendant trois heures en SDF. Certaines reviennent sur ce moment fort en émotion.

Najette Toorab, journaliste : «De marbre face à la misère»

 

J’étais curieuse de voir la réaction des gens. Je ressemblais à une folle avec mes gros sacs en plastique et mon affreux bonnet sur la tête. La plupart des gens passaient leur chemin et vaquaient à leurs occupations, sans se soucier de la femme en détresse dont j’avais pris l’apparence. J’étais invisible. En cette Journée internationale des droits de la femme, j’ai vu défiler devant moi un grand nombre de femmes. Comme cette avocate qui m’a souri malgré son empressement. Elle était la seule d’ailleurs à l’avoir fait et j’ai senti que c’était sincère.

 

Il y a aussi eu ce papa en compagnie de sa fille, ce jeune homme avec son cateau vert, cet homme âgé d’une cinquantaine d’années, l’agent de sécurité qui m’a tendu une bouteille d’eau. Ce sont uniquement de ces personnes que j’ai eu droit à un geste d’humilité. Cependant, combien de gens sont passés devant moi sans me venir en aide, sans même me lancer ne serait-ce qu’un regard, un sourire ? Si je devais adresser un message à tous ces gens qui ne se sont pas arrêtés et qui restent de marbre face à la misère des autres, je leur dirais simplement : «Et si c’était vous ?»

 


 

 

Megha Venketasamy, spécialiste en coaching : «J’avais le sentiment d’être invisible»

 

Cette expérience m’a ouvert les yeux. On ne choisit pas de devenir une sans domicile fixe. J’avais le sentiment d’être invisible et quand ce n’était pas le cas, je voyais tous ces regards méprisants. Cependant, certaines personnes se sont arrêtées pour m’apporter de l’aide. Ces personnes semblaient elles-mêmes vivre avec très peu dans la vie. Il y a aussi eu une femme, visiblement cadre, qui est sortie de son bureau pour m’offrir un morceau de pain. Elle était bouleversée en me voyant et m’a dit : «Ce coin est dangereux. Je ne connais pas votre histoire et je n’ai pas besoin de vous juger mais la rue n’est pas faite pour une jeune femme.» Ça m’a tellement touchée. Si nous jugeons et que nous avons peur des SDF, pour moi, ça vient de notre éducation et de la façon dont nous avons été élevés. Nos parents, nos aînés mais aussi notre système dénigrent ceux qui vivent dans la pauvreté. Une femme SDF est toujours étiquetée de prostituée, de droguée et de porteuse de maladie. Pourtant, personne n’est à l’abri. Aujourd’hui, nous devons éduquer les Mauriciens pour que les mentalités puissent enfin évoluer.

 


 

 

Isabelle David, travailleuse sociale : «Une leçon de vie»

 

Ça a été pour moi une expérience bouleversante et émouvante. J’étais partagée entre un sentiment de honte, de révolte mais aussi d’amertume et de rage. J’étais plantée là et pourtant, des centaines de personnes passaient leur chemin. Certains me regardaient avec un tel dégoût que je me suis demandé si je sentais mauvais. J’ai entendu des remarques du genre : «Get sa enn kou. Lame lipie bon pa kapav travay», «Fam kapav pares koumsa» ou encore «Sorti la ou pa trouve dimounn bizin marse isi». D’autres ont carrément changé de trottoir pour m’éviter.

 

Certaines personnes se sont arrêtées pour m’offrir à boire ou à manger. Une rencontre m’a marquée : c’est une jeune femme qui m’a demandé de l’accompagner à son travail en me disant que je pourrais y trouver du boulot. Elle m’a aussi proposé de m’héberger. Touchée, elle a commencé à pleurer. Cette personne est juste incroyable. Elle m’a permis de voir qu’il y a encore des personnes avec un grand cœur. Je me suis aussi demandé si j’allais faire la même chose. Je tiens à remercier l’équipe de Passerelle. Cette expérience a été incroyablement humaine, une véritable leçon de vie.

 


 

 

Joelle Hannelas, présidente de Pédostop : «Nous ne pouvons plus être indifférents»

 

Je pensais que la plus grande difficulté serait d’être mal habillée, maquillée pour paraître sale et de m’asseoir par terre sur un morceau de carton. Les premières 30 minutes ont été plutôt faciles. Puis, j’ai dû faire face à la solitude, au mépris ou à l’indifférence des gens. Certaines personnes préfèrent traverser la rue ou quitter le trottoir pour vous éviter comme si vous alliez les infecter. J’ai aussi eu la joie au cœur quand cet écolier d’environ 10 ans m’a lancé un bonjour avec un sourire.

 

Cela m’est arrivé dans le passé de penser que certaines femmes étaient paresseuses ou utilisaient leurs enfants pour mendier. Aujourd’hui, j’ai changé de regard. Plus jamais je ne serai indifférente à ces personnes qui souffrent et qui perdent toute dignité dans la rue. Ces femmes et enfants qui sont souvent victimes de violences physiques ou sexuelles. Nous ne pouvons plus être indifférents. Ça aurait pu être nous ou notre famille. Je vous supplie de changer votre regard. Un sourire ou un bonjour est déjà un bon début. Cette expérience a touché de nombreuses personnes. J’ai personnellement des amis qui m’ont contactée pour aider l’association.

 


 

 

 

Martine Hennequin, manager de la Fondation Joseph Lagesse : «Penser aux femmes»

 

Depuis le jeudi 8 mars, je suis plus pensive. J’ai repris ma vie d’avant, avec ses conforts matériels, ses loisirs à la plage le week-end, les dépenses pour un déjeuner en famille ou un repas au restaurant et il m’est arrivé à plusieurs reprises de m’arrêter net et de penser aux femmes qui sont, pendant ce temps-là, dans la rue. Alors que moi, je vaque à mes occupations, elles sont dans la rue, probablement à s’inquiéter pour leur sécurité, pour celle de leurs enfants, pour la santé de leurs enfants. J’ai décidé que cette expérience de sensibilisation ne devait pas s’arrêter là pour moi et j’ai envoyé quelques idées de prise en charge et de suivi à Mélanie Valère-Ciceron, initiatrice de la campagne Et si c’était vous ?.

 

Nous oublions ce que nous avons. Cette expérience m’a permis de me rappeler que je suis privilégiée. La situation des personnes sans domicile fixe est complexe. Il n’y a pas une réponse, une solution. Je suis dans une phase de réflexion sur la suite à donner, sur les manières dont nous pouvons soutenir l’action de Passerelle.

 


 

 

 

Face aux critiques | Aurore Perraud : «Ça m’a cassée mais pas brisée»

 

Elle a joué le jeu à fond. Postée devant la Cour suprême, elle y est restée pendant trois heures, transformée en SDF pour les besoins de la campagne Et si c’était vous ? Comme toutes les participantes, l’ex-ministre de l’Égalité du genre a vécu une expérience riche en émotion. «Je suis très fière et je ne regrette absolument pas. Le but de cet exercice était de conscientiser, d’interpeller l’opinion publique par rapport à un fait de société qui est occulté par la société. Je pense que l’objectif a été atteint. Personne n’est resté insensible à cette campagne et c’est le plus important.»

 

Cependant, la députée n’a pas tardé à se faire critiquer de toutes parts sur les réseaux sociaux. Certains l’accusent de vouloir s’attirer la sympathie du public et de se donner en spectacle pour booster son capital politique. «J’ai d’abord été révoltée par cette vague de haine sur Facebook. Ils n’ont absolument rien compris à la démarche. C’est soit de l’ignorance, soit de la méchanceté. Je n’ai pas mérité d’être lynchée sur la place publique. Ça m’a cassée mais pas brisée.»

 

Aujourd’hui, Aurore Perraud dit vouloir aller de l’avant et poursuivre son engagement.