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Makadam Phylozophy : La créativité au service du développement de l’enfant

L’art comme arme de combat contre l’exclusion, c’est la philosophie de Stephanie et Jamel.

«Faire ressortir les émotions pour faire du beau.» C’est ce que Jamel Colin et Stephanie Lo-Hun s’évertuent à faire depuis quelques années. Le duo va d’association en association pour travailler avec les enfants et les adolescents sur le développement personnel et l’estime de soi.

Des cris et des rires d’enfants résonnent sous la grande varangue du Pont du Tamarinier. Une dizaine d’enfants s’apprêtent à entamer la seconde partie de leur journée après l’école. Face à eux, Jamel Colin et Stephanie Lo-Hun, deux jeunes qui ont monté, il y a quelques années, Makadam Phylozophy. Ce programme d’une année, basé sur le développement personnel et l’estime de soi, est destiné aux enfants et aux adolescents issus des milieux vulnérables. L’idée ? Les aider, à travers l’art, à développer leur potentiel, à le cultiver et à aller plus loin. Leur outil ? La parole. 

 

Le nom de cet atelier fait référence aux usines de canne à sucre qui tournaient manuellement à l’époque et qui s’arrêtaient dès qu’un caillou se retrouvait dans l’engrenage. «Il fallait le retirer pour que la machine tourne à nouveau», explique Jamel. C’est à travers cette image que le duo a imaginé et créé Makadam Phylozophy. «Ce que nous voulons faire, c’est enlever tous les macadams dans leur engrenage. C’est un outil qu’on laisse dans l’inconscient des enfants pour qu’ils puissent sortir le meilleur d’eux-mêmes et devenir des adultes responsables demain. Des personnes qui seront heureuses et épanouies malgré les problèmes.»

 

Tout a commencé en 2011. Jamel Colin, slameur, s’engage dans le social et anime des ateliers dans plusieurs ONG. Lorsqu’il rencontre Stephanie Lo-Hun, diplômée en sociologie, les deux mettent en place Makadam Phylozophy. Au fil des années, ils travaillent avec plusieurs associations telles que La Maison Cœur Écoute de Barkly, Anou Grandi, Étoile d’Espérance et le Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois (MPRB). «Nous avons tous en nous un makadamqu’on traîne. Un petit problème à régler. Pour trouver des solutions, nous utilisons l’art, la créativité, l’imagination», explique Jamel Colin, également artiste-peintre. 

 

Briser la glace

 

Grâce à cet atelier, les deux jeunes espèrent apprendre aux enfants à développer la capacité de se remettre en question, de prendre du recul, de réfléchir et de planifier avant de se projeter. Mais avant cela, il faut briser la glace et instaurer un climat de confiance pour qu’ils se sentent en sécurité et puissent se livrer. «Les problèmes qui les affectent vont souvent au-delà de leur compréhension. Par exemple, il y a des enfants qui ont dû être relogés récemment. Avant, ils n’avaient pas d’eau courante, pas de salle de bains et de toilettes. Ils devaient se partager les sanitaires. Ils ne réalisent pas forcément le problème alors qu’ils ont besoin d’hygiène et d’intimité. Pour eux, c’est normal alors que ce n’est pas le cas», confie Stephanie. 

 

L’expression orale est donc au cœur de ces ateliers. Parler pour s’exprimer mais aussi pour faire ressortir ses émotions les plus enfouies. «On va les faire pleurer. On va les faire rire. On va les faire aimer. On va les mettre en colère», souligne Jamel. À l’association du Pont du Tamarinier, la séance commence avec un exercice rituel. «Enn kalot arete. De kalot marse», lance l’animateur. Immédiatement, les enfants s’exécutent et se mettent à marcher dans un espace préalablement défini. Au premier clap, ils s’arrêtent avant de recommencer à marcher au nouveau clap de Jamel. L’exercice peut sembler anodin mais pour Jamel Colin et Stephanie Lo-Hun, il est très révélateur. «Leur comportement, leur façon de marcher sont des informations que nous pouvons analyser et interpréter. Par exemple, un enfant qui marche tout le temps en rond réfléchit beaucoup sur la même idée. Il tourne en rond», souligne Stephanie. Il y a aussi ceux qui ne font que suivre les autres et qui ont pour habitude de se mettre en retrait, poursuit-elle, alors que d’autres enfants foncent, se frayant leur propre chemin parmi le groupe, ce qui permet au duo de déceler chez eux un petit côté leader. «Ils connaissent peut-être une relation avec la force chez eux.»

 

Les exercices s’enchaînent comme ça pendant une heure et les enfants s’en donnent à cœur joie. Tour à tour, ils prennent la parole, dessinent, exprimant les sentiments qui les animent. «Nous passons par l’art, l’expression orale, pour toucher le problème avant de trouver des alternatives ludiques adaptées à leurs capacités cognitives», explique Stephanie. Si pour les adolescents, le slam est privilégié, lorsqu’il s’agit des enfants, Jamel Colin et Stephanie Lo-Hun travaillent avec des contes et l’imagination pour les faire parler, se livrer et révéler ce qui les touche profondément, et faire ressortir leur force intérieure. «Nous mettons beaucoup d’accent sur ce qu’ils ont de différent. On travaille dessus pour améliorer le talent qu’ils ont déjà en eux. C’est aussi développer un esprit critique, les faire réfléchir avant de parler, de suivre les autres, les amener à se poser des questions avant de faire les choses», lance-t-elle. Pendant toute l’année, les enfants travaillent aussi avec les accompagnateurs sur l’élaboration d’un conte qu’ils présenteront à la fin de l’année en forme de livre et de spectacle. «Ils vont tout faire eux-mêmes, allant de l’écriture au dessin», souligne Jamel. 

 

Lui sait à quel point s’exprimer en public est libérateur. «À la base, j’animais mes ateliers de slam seul. Je sais combien ça fait du bien quand tu dis ton texte face à un public. Ça te libère, ça te permet de voir le monde différemment. Lorsque tu parles à quelqu’un et que tu es capable d’allumer des étincelles dans les yeux des autres, ça te pousse à aller plus loin.» C’est, pour Stephanie et lui, comme une petite graine qu’on laisse pousser.