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L’atelier artisanal de l’APEIM, ce vivier de talents

Amalam, éducatrice, accompagne et encadre chaque jour les bénéficiaires de l’atelier.

Cette fabrique regorge de talents qui ne demandent qu’à être découverts. À travers leurs créations, les bénéficiaires viennent une fois de plus démontrer que le handicap n’est pas une barrière.

Dans le silence de cette matinée maussade, Jordana et ses camarades s’attellent à la tâche sous l’œil bienveillant de leur éducatrice Amalam Sourimuthu. Aujourd’hui, comme tous les jours de la semaine, ils travaillent sur les mosaïques, leur marque de fabrique, à l’atelier d’artisanat de l’APEIM (Association de Parents d’Enfants Inadaptés de l’île Maurice). Tout le monde est concentré. Dans la salle de création, on pourrait presque entendre une mouche voler. Les seuls bruits perceptibles sont ceux des billes qui roulent sur la table, de la pince de Sébastien qui casse les morceaux de verre et des quelques directives d’Amalam qui n’est jamais bien loin.

 

Depuis quelques jours, cependant, une certaine gaieté se fait sentir dans tout le centre. Le dimanche 7 octobre, l’APEIM de Trianon avait organisé son premier Family Fun Day (voir hors-texte), une journée exceptionnelle au cours de laquelle les parents ont eu l’occasion de découvrir le centre qui accueille leurs enfants au quotidien, les réalisations de ces derniers et surtout leur talent. «La famille a toujours été au cœur de l’APEIM. Inclure les parents dans tout ce que nous entreprenons est une priorité», lance Jocelyne Beesoon, directrice de l’association. S’ils ont pu découvrir le talent de leurs enfants qui ont chanté et dansé pour animer cette journée récréative, les parents ont surtout pu découvrir leur créativité, notamment à travers des objets artisanaux qui étaient en vente ce jour-là : bougies, bijoux et surtout divers produits en mosaïque.

 

Depuis plusieurs années, les bénéficiaires de l’APEIM, notamment ceux faisant partie de l’atelier artisanal, enchantent et surprennent par leur inventivité. Outre la blanchisserie qui tourne à plein régime, l’atelier d’agriculture, de cuisine et d’espace vert, c’est sur l’artisanat que l’APEIM mise pour donner aux personnes en situation de handicap la possibilité et l’opportunité d’explorer leur talent, de développer un savoir-faire, de connaître et de vivre une vraie situation de travail.

 

Canaliser les énergies

 

Tout cela va bien au-delà d’avoir simplement une activité qui permet de les occuper et de faire passer le temps. «Il est avant tout question de leur faire travailler leur motricité. Il est important pour ceux qui ont un handicap physique de savoir utiliser leurs mains, de pouvoir les bouger et les contrôler, de coordonner les mouvements. Ils découvrent aussi la précision dans les gestes», souligne leur éducatrice Amalam Sourimuthu.

 

Il s’agit aussi, explique-t-elle, surtout pour ceux atteints d’autisme ou de déficience intellectuelle, d’apprendre à se concentrer, à travailler dans le silence et à canaliser les énergies pour une meilleure concentration. «À travers les ateliers, nous voulons leur donner les moyens pour avancer, se dépasser. Prenez Sébastien, par exemple. Son rôle à lui, c’est de tailler les miroirs pour ensuite les donner à ses camarades qui vont les assembler et les coller sur les pièces. Un jour, nous nous sommes dit : mais pourquoi ne ferait-il pas une pièce comme les autres ? Au début, ça lui semblait dur. Souvent, il a voulu abandonner. Mais nous l’avons encouragé et il a su se montrer patient. Au bout de 10 mois, il a réussi à finir sa pièce et la création est magnifique.»

 

Sébastien, 26 ans, autiste, prend son travail très à cœur. Sur sa table de travail, les morceaux de verre s’accumulent. Muni de ses lunettes de protection et de ses gants, il inspecte minutieusement chaque petite pièce, la découpe avec précision, l’observe longtemps avant de souffler un bon coup dessus et de l’essuyer pour la faire briller. C’est, dit-on, sa spécialité. Aujourd’hui, les idées reçues et les préjugés sur le handicap, bien que certains soient tenaces, se dissipent peu à peu. Chez l’APEIM, vivre avec un handicap, qu’il soit physique ou mental, n’est en rien un frein. «Ils ont beaucoup de talent. Il suffit de les encadrer, de les accompagner en leur tenant la main. Une fois qu’ils savent comment faire, c’est là que nous voyons émerger leur créativité», confie l’éducatrice.

 

Dans l’atelier, c’est souvent les bénéficiaires eux-mêmes, poursuit-elle, qui choisissent le montage et les couleurs de leurs futures créations. Jordana, 22 ans, est une véritable passionnée de mosaïques. Appliquée et minutieuse dans son travail, elle est toujours souriante lorsqu’elle est à l’atelier. Pour embellir cet espace de travail, elle a même eu l’idée de créer deux pièces afin de décorer les toilettes. «Elle a pris sur elle. C’était une très belle idée. Elle a tout fait seule et elle peut être fière d’elle», souligne Amalam.

 

Lorsqu’ils ne travaillent pas sur commande ou pour Esafodaz, cette plateforme en ligne qui permet la vente de produits faits par les artisans locaux, ils font tout pour satisfaire les clients qu’ils ont trouvés à travers le bouche à oreille. Si faire travailler les jeunes de l’APEIM est un pari gagné, lance Lynsie Putchay, il est avant tout question de leur donner une image positive d’eux-mêmes et de les valoriser en les rendant fiers et contents face au travail accompli. «Le fait qu’ils se sentent valorisés et à leur place est extrêmement important. C’est ce qui va leur permettre d’avancer et de se perfectionner. Et même quand ils n’y arrivent pas, nous ne les mettons pas en situation d’échec. Nous leur montrons comment faire pour s’améliorer et atteindre leur objectif.»

 

Leur permettre d’exercer leur talent, c’est aussi leur donner confiance en eux tout en favorisant le développement de leur autonomie. À travers l’artisanat, c’est leur offrir tout simplement la reconnaissance qu’ils méritent tout en favorisant leur intégration dans la société. D’ailleurs, souligne Lynsie Putchay, de nombreux bénéficiaires de l’APEIM travaillent aujourd’hui dans les hôtels ou dans les différents Winner's, de l’île. Les voir, aujourd’hui, mener une vie professionnelle et avancer dans leur vie est une source de motivation qui pousse à toujours donner le meilleur de soi. 

 


 

Une levée de fonds plus que nécessaire

 

Organiser un Family Fun Day était une idée du conseil des parents de l’APEIM. Cet événement avait deux missions. D’abord, accueillir les familles pour qu’elles puissent découvrir l’environnement de leurs enfants. Mais aussi permettre à tout le monde de passer ensemble un bon moment. «Nous voulions mettre les bénéficiaires en avant, les valoriser, notamment à travers l’exposition de leurs travaux et leurs performances scéniques. C’était une magnifique journée familiale», lance Avlyne Tadebois, Events Coordinator. Cette journée avait aussi pour objectif de ramener des sous à l’association qui accueille depuis bientôt 50 ans, les enfants et les jeunes vivant avec un handicap mental. Car après les nombreuses difficultés rencontrées par l’APEIM pour maintenir l’école à flots, il est impératif pour la direction de trouver des sources de financement afin d'assurer le bon fonctionnement du centre. «Comme vous le savez, avec le CSR, tout est devenu bien plus compliqué. Nous devons absolument trouver du financement. Cette journée récréative, c’était aussi l’occasion de mettre en vente les créations des bénéficiaires et de récolter des fonds», souligne Jocelyne Beesoon. Aujourd’hui, expliquent les responsables, les quêtes annuelles ne marchent plus. C’est d’ailleurs pour cela que l’APEIM n’en fait plus. L’association compte donc sur les levées de fonds.