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Jardin communautaire pour femmes | Le courage pour vaincre la misère

Irenza Milazar est aujourd’hui l’assistante coordinatrice du projet.

Chaque jour est un combat. Impitoyable. Douloureux. Éreintant. Face à une réalité souvent trop dure à supporter, ces femmes ont choisi de ne pas baisser les bras. Pour les soutenir dans leur démarche, Lacaze Lespwar, une filière de Caritas, a mis en place le jardin communautaire pour les prendre par la main et les mener vers des jours meilleurs.

Lutter au quotidien pour garder la tête hors de l’eau. Se démener pour ne pas sombrer, pour survivre jour après jour. D’abord pour leurs enfants, ensuite pour elles. Lorsque plus rien ne va, que les factures s’accumulent et que les poches sont vides, elles n’ont d’autre choix que de vivre au jour le jour. À bout de souffle, certes, mais décidées à ne pas abandonner quoi qu’il en soit. Contre vents et marées, des femmes doivent, au quotidien, mener une véritable bataille pour faire vivre leur famille. Contre la misère, une seule arme : leurs deux mains et cette rage de vouloir voir la lumière au bout du tunnel. 

 

 

Depuis quelques années, elles sont plusieurs à être allées frapper à la porte de Lacaze Lespwar, qui se trouve à Solitude, pour demander de l’aide. Mettant de côté la honte et parfois leur dignité. Pour leur tendre une main bienfaitrice, un projet a été mis sur pied il y a plus d’un an. L’objectif ? Leur permettre de travailler pour gagner un revenu. Cet engagement se concrétise chaque jour au cœur du jardin communautaire. 

 

Derrière les locaux de Lacaze Lespwar, un petit lopin de terre qui ne paie pas de mine où fines herbes, betteraves, piments, aubergines et calebasses poussent à la faveur du soleil et de la pluie. Des légumes qui se vendent sur place et qui permettent aux femmes de gagner un petit revenu quotidiennement pour joindre les deux bouts. Récemment, un nouveau groupe de femmes a fait son entrée au jardin et a rencontré Irenza Milazar. Une femme de poigne qui se dresse en exemple. Une sorte de modèle qui donne du courage et qui prouve qu’elles aussi peuvent y arriver. 

 

Sylvana a quatre enfants à sa charge et doit se démener pour assurer le quotidien.

 

Âgée de 58 ans, Irenza Milazar est la première bénéficiaire de ce programme. Un jour de septembre 2015, cette Rodriguaise, installée à Maurice depuis longtemps, débarque à l’association bouleversée et à bout de courage, fatiguée de tant d’années de galère qu’elle porte sur son dos. Après avoir travaillé 20 ans dans une usine, celle-ci vient de fermer. Elle se retrouve du jour au lendemain sans source de revenu, démunie, désespérée. Maman de quatre enfants, dont le dernier, un collégien de 14 ans, a encore besoin d’elle. Les semaines pendant lesquelles elle a été forcée de rester à la maison ont été difficiles. «On ne peut pas se fier aux hommes. Quand la fin du mois arrive, c’est le casse-tête. Il faut payer la maison, l’eau, l’électricité, le gaz. Pour la nourriture, il ne reste pas grand-chose. On se débrouille avec ce qu’on a.»

 

Opportunité

 

De toute façon, souligne Irenza, elle n’est pas le genre de femme à rester à la maison. Déjà à Rodrigues, très jeune, elle suivait ses tantes et ses oncles dans les plantations pour travailler la terre. Alors, lorsqu’on lui propose de devenir la première bénéficiaire du jardin communautaire,elle remercie le ciel de lui envoyer un signe. «Quand vous n’avez plus un sou en poche, vous ne savez plus quoi faire et vers qui vous tourner. Pour moi, c’était une chance, une opportunité de pouvoir travailler et gagner un peu d’argent. Même si c’est peu, ce n’est pas grave. Au moins, ça me permettait de me débrouiller et de m’enlever un fardeau des épaules.» 

 

Hard workerdans l’âme, cette mère de famille s’occupe du jardin. Vite, d’autres femmes dans la même situation qu’elle la rejoignent. Comme les graines qui ont été semées et qui se sont transformées en plantes, Irenza aussi a fait du chemin. Aujourd’hui, elle est l’assistante coordinatrice du jardin communautaire, un poste de responsable qu’elle a décroché uniquement grâce à sa force de travail. «Je crois que je peux dire que je suis fière de mon parcours. Sans ça, je n’aurais jamais pu m’en sortir.»

Anne-Lise, 22 ans, est la dernière arrivée.

 

Désormais, elle encadre chaque six mois les nouvelles bénéficiaires du projet pour leur apprendre à piocher la terre, à mettre une semence, à arroser, à savoir quand c’est prêt ou pas. Un travail valorisant qui lui permet à chaque fois de partager son savoir mais surtout et avant tout de donner du courage à ces femmes. 

 

Il y a trois semaines, un nouveau groupe de femmes a rejoint le programme. Parmi, Marianne Virginie Chavry, 54 ans et mère de trois enfants. Si ces derniers sont aujourd’hui indépendants, elle s’est retrouvée en difficulté lorsqu’elle s’est séparée de son époux. Elle qui n’avait jamais travaillé de sa vie se retrouvait soudainement seule et sans aucune source de financement. «Je devais trouver un travail. C’était urgent.» Bien qu’elle n’ait jamais tenu une pioche entre ses mains auparavant, elle se lance avec toute sa bonne volonté dans le travail afin d’être indépendante financièrement, de vivre tout simplement. 

 

Remettre le pied à l’étrier 

 

Cette nouvelle étape, Slyvana Ami, 38 ans, l’a aussi franchie. Maman de quatre enfants, âgés entre 15 et 1 an, elle a beaucoup travaillé dans sa vie. Dans les plantations de piment pour commencer, à l’usine ensuite mais aussi dans des magasins ou encore comme aide-maçon. Avec un époux malade qui ne peut travailler et quatre enfants qui touchent une indemnité sociale, tout repose sur ses robustes épaules. Slyvana est une «traser» qui n’a pas froid aux yeux. «De toute façon, si on veut manger, il faut travailler. On n’a pas le choix.» Bien souvent, elle a perdu la foi et tout espoir car «quand on n’a rien, on ne sait plus quoi faire». Mais rester les bras croisés ne figure pas dans la liste de ses options. 

 

Slyvana n’est pas venue seule mais avec ses deux belles-sœurs. Elles aussi font face à des situations tout aussi difficiles. C’est en venant chercher une place pour son petit dernier dans l’école de Caritas que Dorianna, 34 ans, tombe sur le jardin communautaire. Mère célibataire avec quatre enfants à charge, le quotidien est difficile, souvent trop lourd mais elle continue tête baissée à lutter pour le bien de ses enfants, sa seule priorité. 

 

Comme la majorité des femmes du jardin, elle a arrêté l’école très jeune, avant d’enchaîner les petits boulots pour pouvoir s’en sortir. Lorsque son dernier est né, elle a été forcée de s’arrêter pour veiller sur lui. Mais lorsqu’elle s’est retrouvée seule avec une tonne de choses à payer sur les bras, il a vite fallu remettre le pied à l’étrier. «Il y a tellement de choses à payer. Alors, pour régler les factures, vous n’avez d’autre choix que d’aller dormir le ventre à moitié vide. Comme dit l’adage, il faut pez nene bwar delwil.» Ce courage et cette volonté de se battre, Dorianna, comme toutes les femmes ici, les puisent en ses enfants. Pour eux, elle serait capable de tout. 

 

La dernière arrivée du groupe, et la plus jeune aussi, c’est Anne-Lise Clovis, 22 ans. Maman d’un garçon d’un an, elle a suivi Slyvana et Dorianna pour gagner de quoi vivre. «Comme on finit de travailler avant midi, ça me permet de m’occuper de mon bébé une fois rentrée à la maison.» Depuis trois semaines, Anne-Lise enfile chaque matin gants et bottes pour aller travailler la terre. Ce qu’elle n’avait jamais fait ni imaginé faire auparavant. Même si ce n’est pas toujours facile, la jeune femme prend plaisir à découvrir ce métier, à apprendre de nouvelles choses. Dans six mois, une fois que ce programme sera fini, elle trouvera un autre travail. C’est l’assurance donnée par les travailleurs sociaux de Lacaze Lespwar. Comme les autres femmes, elle pourra alors se mettre debout sur ses pieds et voler de ses propres ailes. 

 

Irenza Milazar, elle, continuera à accueillir de nouvelles femmes pour non seulement leur apprendre à travailler la terre mais aussi à ne pas baisser les bras et à ne pas perdre la foi. Elle en est elle-même la preuve. La lumière est bien au bout du tunnel. 

 


 

 

Teeritsha Bhowon, coordinatrice du projet  : «Ce jardin agit aussi comme une thérapie»

 

Depuis un peu plus d’un an, elle s’occupe exclusivement de ce projet de jardin communautaire dont l’objectif ultime, dit-elle, est la réintégration sociale de ces femmes. 

 

Comment ce projet a-t-il vu le jour ? 

 

Ce jardin communautaire existe depuis six ans maintenant. Depuis, il a accueilli environ 200 femmes. Ces dernières sont issues d’un environnement précaire où la pauvreté fait rage. Ce sont des femmes en détresse qui ont besoin qu’on leur tende la main. Ce projet existe déjà dans une cellule de Curepipe. On l’appelle le jardin O’Connor. Nous nous sommes rendu compte, grâce à nos visites sur le terrain, qu’il y a un grand nombre de femmes à Solitude et dans les régions avoisinantes qui ont besoin d’aide. La majorité d’entre elles ne savent pas lire, ne travaillent pas et connaissent une situation familiale difficile. 

 

Quelle est l’idée derrière le jardin communautaire ? 

 

Le but, c’est de leur donner des outils adéquats pour qu’elles puissent se remettre sur pied. Nous pouvons accueillir un maximum de huit bénéficiaires. Elles sont prises en charge pour une période de six mois. Elles travaillent dans le jardin et touchent Rs 200 par jour. La vente de légumes se fait directement avec les clients au jardin mais elles ne sont pas uniquement là pour l’argent. Ce jardin agit aussi comme une thérapie. Elles sont appelées à faire un travail sur elles-mêmes. Entourées d’autres femmes, elles apprennent le travail d’équipe, la discipline et la rigueur mais aussi comment gérer les problèmes. Ce programme est centré sur la personne pour qu’on puisse l’accompagner dans son développement. Ces femmes bénéficient d’une formation et de cours d’alphabétisation ainsi que d’un suivi régulier avec un psychologue. L’objectif final, c’est qu’elles puissent, après leur passage ici, trouver un emploi et réintégrer la société. 

 

Quelle est l’étape finale ? 

 

Quand elles arrivent, elles sont souvent renfermées sur elles-mêmes, bouleversées et mal dans leur peau. Au fil des semaines et des mois, elles commencent à sourire, à s’ouvrir. Le changement est étonnant. Cet encadrement est extrêmement important et leur permet de se préparer pour ce qui les attend une fois qu’elles auront quitté le programme. Pendant qu’elles travaillent au jardin, nous cherchons un travail qui serait adéquat pour elles. Si c’est une personne qui aspire à travailler à son compte, nous lui offrons des cours en entrepreneuriat afin qu’elle puisse lancer sa petite entreprise et devenir indépendante.