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Friends in Hope : La librairie du cœur

Glen et Ariane se feront un plaisir de vous accueillir dans cette librairie solidaire.

C’est un lieu de vie, d’espoir et d’entraide. Au bonheur des livres est une librairie solidaire mise en place il y a quelques années par l’association Friends in Hope qui s’occupe des personnes atteintes de maladies mentales. Alors qu’une autre librairie ouvrira bientôt ses portes à Beau-Bassin, incursion dans un lieu différent des autres.

L’endroit est paisible, l’ambiance sereine. Une fois à l’intérieur, l’odeur des vieux livres imprègne l’air et plonge illico le visiteur dans l’univers spécial de cette librairie pas comme les autres. Glen Nookadu, la cinquantaine fraîchement entamée, est là. Derrière son petit bureau qu’il partage avec Ariane Lochoo, sa collègue, il n’attend qu’une chose : que les clients poussent la porte d’entrée pour qu’il puisse enfin leur vendre des bouquins et leur parler de l’association Friends in Hope qui s’occupe de personnes atteintes de maladies mentales comme les dépressions sévères, la schizophrénie, les troubles bipolaires et obsessionnels. 

 

Au bonheur des livres, qui se trouve à Vacoas, est une librairie solidaire mise en place par cette association en 2013, non seulement pour récolter des fonds mais aussi comme un moyen de thérapie pour les bénéficiaires. Les livres reçus en dons sont revendus à bas prix, soit à partir de Rs 5. On y trouve de tout : des romans, des thrillers, des biographies, des livres bien plus anciens qui font le bonheur des collectionneurs, des magazines et autres. On y trouve aussi des objets, signets, porte-clés et autres, fabriqués par les bénéficiaires. «C’est une activité importante pour l’association. Nous comptons là-dessus mais ce n’est pas suffisant. Avec les nouvelles règles du CSR, garder la tête hors de l’eau est difficile. Nous comptons sur le soutien des Mauriciens. Ceux qui veulent nous offrir leurs vieux livres et en acheter d’autres sont les bienvenus. Ils peuvent nous contacter sur le 5724 1149», explique Ariane Lochoo. 

 

 

Tout a commencé, explique-t-elle, il y a plusieurs années. À l’époque, c’est Monica Maurel, alors directrice de l’association, qui lance le projet des livres. Mais en ce temps-là, il n’était pas tout à fait le même. «Ils recueillaient des livres en mauvais état que les bénéficiaires retapaient afin de leur donner une deuxième vie. Alors que le temps passait, les livres s’accumulaient. Ils ont commencé à en vendre à l’association, puis à participer à des braderies avant d’ouvrir cette librairie», explique-t-elle. 

 

Cela a été rendu possible, précise Glen, notamment grâce au propriétaire de London Way qui, dans un geste solidaire, leur a loué un emplacement au London Plaza à un prix symbolique. Un sacré coup de pouce pour Friends in Hope. Depuis, l’aventure se poursuit, apportant non seulement des ressources financières à l’association mais aussi de l’espoir et une raison de plus de s’accrocher pour toutes ces personnes qui vivent avec des maladies mentales. 

 

Lorsqu’il s’agit de parler de Friends in Hope, les mots ne manquent pas à Glen Nookadu qui a été lui-même un bénéficiaire de l’association. Son histoire, il n’en a pas honte, même si, pour lui, elle reste difficile à raconter. La maladie dont il a souffert fait partie de lui, de son vécu. 

 

Au fond du gouffre

 

«Je travaillais, j’avais une vie normale. Vous savez, j’ai étudié les lettres modernes en France avant de revenir à Maurice mais un jour, tout s’est arrêté. J’ai fait un sérieux breakdown. Je croyais que je n’allais plus pouvoir me relever. J’avais complètement perdu confiance en moi et je pensais que je n’allais plus jamais pouvoir travailler de ma vie», raconte-t-il avec courage. 

 

Lorsqu’il arrive à l’association, Glen est au fond du gouffre, se replie sur lui-même, incapable de faire face au monde extérieur. Dans ce moment difficile, il trouvera non seulement l’amour et le soutien des siens mais aussi l’aide et le soutien psychologique dont il a besoin auprès d’une équipe dévouée et aimante. Au fil des mois, au sein de Friends in Hope à Beau-Bassin, grâce à l’encadrement, au soutien, au suivi psychologique et aux thérapies, il a commencé à se relever, à s’ouvrir aux autres et à reprendre petit à petit goût à la vie. 

 

 

Lorsqu’à l’association on lui propose de s’occuper de la librairie solidaire, Glen a d’abord eu peur et s’est demandé s’il pourrait assumer une telle responsabilité, lui qui avait perdu toute confiance en lui. C’était sans compter sur le soutien des siens et l’encouragement de ses amis de l’association. Depuis, il a retrouvé une certaine joie de vivre. Être dans cette librairie chaque jour au milieu de cette multitude de bouquins, recevoir et parler aux clients lui font le plus grand bien. La timidité et la peur qui l’habitaient ont peu à peu commencé à s’effacer pour laisser place à un Glen content, bavard, blagueur et curieux. Plus important encore, cette activité lui a permis de retrouver une certaine autonomie et l’indépendance qu’il avait autrefois perdues. «Maintenant, je sais que je peux travailler. Je ne dépends de personne pour faire quelque chose pour moi. Je peux faire mes propres démarches.»

 

Faire que les bénéficiaires se sentent utiles et à leur place, c’est aussi ça l’objectif de cette librairie solidaire. Si Glen et Ariane y sont en permanence, ils accueillent aussi régulièrement des bénéficiaires qu’ils appellent des «stagiaires» et qui viennent donner un coup de main en sus des nombreux volontaires qui apportent leur soutien. Pour eux, l’expérience est importante car elle leur permet non seulement d’avoir une activité professionnelle, même si elle est symbolique, mais surtout de redonner un sens à leur vie. 

 

Glen, lui, est sur la bonne voie. Outre la librairie, il écrit des poèmes. Plus de 200 dans son répertoire jusqu’à maintenant. La maladie mentale développe le sens de la créativité. C’est ce qu’un grand monsieur français venu une fois animer une conférence à l’association avait dit. Cette parole est restée gravée dans sa mémoire. 

 

«Pour moi, l’écriture est très importante. C’est ma porte de sortie. C’est la situation des bénéficiaires de Friends in Hopequi m’inspire. Ils sont souvent découragés, délaissés, rejetés. Ils croient qu’ils ne valent rien alors que c’est totalement faux.»

 

Pour lui, le chemin a été long et difficile, et aujourd’hui encore, Glen ne se sent pas complètement guéri. Cependant, il garde la foi et l’espoir de redevenir le même Glen qu’il était avant la maladie. «J’essaie de donner un sens à ma vie.» Derrière lui, une bonne partie de la route a été faite. Désormais, Glen ne regarde plus que l’avenir.