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Femmes sans domicile : Un abri après l’enfer

Passerelle est une jeune ONG qui vient en aide aux femmes en détresse. L’association a mis en place un abri de nuit qui accueille celles qui n’ont aucun endroit où aller. Beaucoup d’entre elles viennent de milieux difficiles, d’autres pas. La maison, elle, accueille tout le monde sans exception.

Une tragédie. Des histoire poignantes, bouleversantes, dramatiques. Si l’image d’un homme vient le plus souvent à l’esprit lorsqu’on évoque les sans-abri, les femmes sont tout aussi nombreuses à ne pas avoir un toit sur la tête. Leur réalité est douloureuse. Il y a Sharon, 24 ans. Lorsque son mari s’est retrouvé en prison, elle a préféré errer les rues avec son enfant de 6 ans pour éviter que ses parents n’apprennent la vérité et la rejettent. Elle a vécu un calvaire, devait se cacher constamment pour ne pas être prise par les autorités qui lui enlèveraient son enfant, la chose la plus précieuse de sa vie. 

 

Il y a aussi Geeta, sourde et muette, qui a pendant longtemps squatté les rues de Quatre-Bornes, avant de trouver refuge dans l’un des abris de Passerelle. Mais également Priscille, jeune maman qui, pendant un mois, a vécu avec ses cinq enfants sur la plage. Sans un endroit où vivre, son mari et elle avaient fini par installer une petite tente sur la plage en faisant semblant de camper pour ne pas attirer l’attention. Quand il n’y avait plus de quoi manger, il fallait mendier. C’est ça qui a mis la puce à l’oreille des autorités. Un jour, elles ont débarqué pour emmener les enfants. Heureusement, Helena, travailleuse sociale à Passerelle, est venue à la rescousse et les a emmenés à l’abri d’urgence. 

 

Des histoires comme cela, l’équipe de Passerelle en voit tous les jours. Pour venir en aide à ces femmes en détresse, l’association, qui existe depuis un an, a mis en place deux abris de nuit afin de leur offrir un endroit décent où vivre en attendant de se remettre sur pied. Lorsque l’idée de fonder ce centre surgit, Helena, qui a une longue expérience dans le social, accepte sans détour d’en faire partie. «Il y a tellement de femmes dans le besoin. Elles dorment dans la rue, sous un arrêt d’autobus, à l’hôpital, sous une tente à la plage. Pour elles, c’est plus difficile à avouer, c’est aussi plus dangereux à vivre.»

 

Tendre la main

 

Dans la forme, cet endroit n’a rien d’exceptionnel. Par contre, cette maison a un symbole et une mission forte : celle de tendre la main à ces femmes en difficulté, de leur offrir un lieu où dormir et se reposer, se nourrir et prendre soin de leurs enfants. Il s’agit aussi de les accompagner et de les guider vers un meilleur lendemain en les assistant dans leurs démarches administratives pour recevoir de l’aide, trouver du travail et un endroit décent où vivre. 

 

S’en sortir, c’est le grand rêve de Caroline, 23 ans. La dernière fois que nous l’avions rencontrée, elle sortait de prison et avait trouvé refuge dans une résidence dédiée aux anciennes détenues, mise en place par l’association Ki Nou Été. Enceinte au moment d’être emprisonnée pour une histoire d’objets volés qu’elle a toujours niée, Caroline a repassé un an en prison pour une accusation bien plus grave. «Je me suis fait piéger encore une fois. À cause de mes antécédents, on n’a pas voulu me croire et on m’a mise en prison. J’y suis retournée avec ma fille avant d’être blanchie par la Cour il y a une semaine. Depuis, je suis ici.»

 

Avec sa petite fille, âgée de 3 ans, elle espère recommencer une nouvelle vie. À l’abri de nuit, la jeune maman a pu trouver un endroit sain et protégé où vivre avec sa fille en attendant de pouvoir dépendre d’elle-même. Comme les autres femmes qui y vivent, elle est logée, nourrie et blanchie. Elle en a rencontré plusieurs. Certaines ont été mises à la porte par leur mari, d’autres, victimes de violences conjugales, ont décidé de fuir. Il y a celles qui, à cause de la pauvreté ou de problèmes familiaux, n’ont pas de logement. D’autres se retrouvent, comme elle, avec leurs enfants et ont besoin d’être sauvées. 

 

Ce centre, explique Helena, n’en est pas vraiment un. Pour elle, il s’agit d’une maison comme les autres où l’amour, le respect et la compréhension priment sur tout le reste. L’entraide est aussi au cœur de cette résidence. Par exemple, lorsqu’une des femmes décroche un emploi, les autres veillent sur ses enfants. Aujourd’hui, Caroline est bien décidée à ne pas se laisser abattre. Déterminée, elle a décroché un petit job et commence déjà à économiser pour pouvoir vite améliorer sa situation. 

 

Passerelle accueille fréquemment des femmes victimes de violences domestiques lorsque le centre SOS Femmes n’a plus de place. Geeta est l’une d’entre elles. C’est la troisième fois qu’elle s’enfuit de chez elle pour échapper aux coups de son concubin. «Lorsqu’il boit, il devient très violent. On n’est plus ensemble mais je le laisse venir voir notre fille. La dernière qu’il m’a tapée, j’ai cru mourir. Il s’est acharné sur moi avec un bloc cassé. Je me suis dit que ça ne pouvait plus durer.»

 

Grâce à l’aide et au soutien fournis par les membres de l’association, cette maman espère avoir la force de refaire sa vie loin de ce qui l’empoisonnait. Pour aider ces femmes en situation de détresse, l’association a mis en place un service d’écoute et de conseil avec l’espoir que cela leur permettra de se reprendre en main et d’avancer. «Ici, nous accueillons toutes les femmes qui ont besoin d’aide. Il n’y a pas de jugement car nous croyons sincèrement que la femme est universelle. Pour l’aider, nous lui offrons une aide psychologique gratuite mais aussi des conseils légaux d’un avocat si nécessaire. Si elle a besoin d’une pension pour ses enfants, nous l’accompagnons. Nous lui parlons de l’importance de travailler pour avoir quelque chose et d’épargner aussi. Nous lui montrons comment être une femme forte et debout», explique Helena. 

 

Un chemin long et difficile mais sans aucun doute nécessaire pour un meilleur lendemain. 

 


 

Melanie Valère-Cicéron, fondatrice de Passerelle : «Nous recevons sept nouveau cas par jour»

 

 

Incapable de rester insensible à la souffrance des femmes en difficulté, cette journaliste n’a pas hésité à s’engager pour leur venir en aide. 

 

Comment l’idée de monter cet abri de nuit vous est-elle venue ?

 

C’est venu de par mon métier de journaliste. J’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreuses femmes qui étaient dans une situation difficile et qui me demandaient de l’aide. Le déclic est arrivé lorsque j’ai rencontré une femme qui n’avait pas d’endroit où dormir. Ce soir-là, j’ai appelé tous les centres et il n’y avait plus de place. Je l’ai ramenée chez moi et le lendemain, on a trouvé une solution pour elle. Le problème, c’est ce que dès qu’une femme ne tombe pas dans la catégorie femme battue, il n’y a pas de centre pour l’accueillir. Elle vit dans la rue, sur une plage ou dort au poste de police avec ses enfants. Il fallait trouver quelque chose pour les aider. 

 

C’est là que Passerelle est née ? 

 

L’idée, c’est d’offrir un abri d’urgence à ces femmes. Nous recevons sept nouveaux cas par jour. On ne peut les envoyer au poste de police, les laisser y passer la nuit et attendre qu’elles passent en Cour le lendemain pour qu’une solution soit trouvée. Passerelle offre un abri d’urgence avec pour objectif de combler leurs besoins primaires. Nous avons aussi un plan d’intervention pour assurer la réinsertion sociale de nos bénéficiaires. Elles sont encadrées et suivies par notre psychothérapeute et notre avocate. Un accompagnement est offert pour l’ensemble des démarches à accomplir : interventions policières, procédures judiciaires, démarches juridiques, Cour criminelle, Cour supérieure, aide sociale, recherche de logement, changement d’école, recherche de garderies. 

 

Aussi, nous déterminons avec chaque résidente ses objectifs de vie. Nous les encourageons à retrouver une autonomie sociale et économique. Une fois cette étape franchie, elles sont dirigées vers la maison de transition qui accueille les femmes ayant un travail mais pas de logement. Elles sont indépendantes et autonomes, et gèrent elles-mêmes la maison et tout ce que cela implique. 

 

Quel est le profil des femmes que vous recevez ? 

 

Les femmes sans-abri ne sont pas uniquement des clochardes alcooliques ou souffrant de problèmes psychiatriques. Même si ce profil existe, dans la majorité des cas, ce sont des femmes brisées qui ont basculé dans la précarité. La femme sans-abri n’est pas celle qui dort uniquement dans la rue, c’est aussi celle qui, avec ses enfants, est contrainte de vivre dans des lieux insalubres ou qui a un logement de dépannage temporaire. La majorité d’entre elles vivent dans l’extrême pauvreté mais l’errance féminine touche également madame Tout-le-monde. Nous accueillons aussi des jeunes filles qui, à l’âge de 18 ans, doivent quitter les centres comme SOS Village et n’ont nulle part où aller. 

 

Selon notre registre, 61 % de ces demandes d’hébergement proviennent des autorités, 33 % des travailleurs sociaux et le reste des victimes qui ont entendu parler de l’association. 68 % de ces femmes ont des enfants. Dans 72 % des cas, ce n’est pas la première fois qu’elles ont eu besoin de passer la nuit cachée dans un endroit publique ou dans la rue. 

 

Comment cela se passe-t-il au niveau du financement ? 

 

Nous sommes une jeune ONG et, comme beaucoup d’autres, en raison des mesures de CSR, nous avons du mal à trouver du financement. Nous sommes officiellement enregistrés au Registrar depuis mars 2016. Nous pouvons compter sur le soutien de Rogers, de Currimjee Foundation mais aussi d’Avipro et de Maurilait. 

 

Pour le reste, nous comptons énormément sur les dons des Mauriciens. Tout ce qu’il y a dans la maison nous a été offert. S’ils ne sont pas en bon état, ce n’est pas grave. Au contraire, c’est un moyen de faire comprendre à ces femmes que rien n’est facile et que, une fois sorties de là, elles n’auront pas que des choses neuves. 

 

Aujourd’hui, nous avons encore besoin d’aide pour des armoires, par exemple, mais je lance un appel à l’aide urgent aux Mauriciens et aux entreprises pour une aide financière afin d’aider ces femmes sans-abri. 

 

Pour nous, la plus belle récompense, c’est de les voir réussir.