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Femmes pêcheurs, femmes courage

Chica Salvara, maman de six enfants, ne regrette pas d’avoir choisi de faire ce métier.

C’est un métier majoritairement masculin. Pourtant, elles sont quelques femmes à avoir choisi d’emprunter cette voie pour nourrir leur famille. Nazma Moolee, Chica Salvara et Mylène Montaigue sont les seules femmes à avoir reçu la carte de pêche récemment. Fières, elles nous parlent de leur métier avec passion.

Chaque matin, loin des bus, des embouteillages et du brouhaha des villes, c’est sur leur pirogue qu’elles embarquent. Là, l’eau, le ciel, l’horizon font subitement oublier l’image des quatre murs d’un bureau qui restreint et parfois oppresse. Voguant vers le brisant, la sensation de liberté est infinie. Pour Nazma Moolee, Chica Salvara et Mylène Montaigue, être pêcheur est l’un des plus beaux métiers au monde. Elles sont les seules femmes parmi les 51 pêcheurs qui ont récemment reçu leur carte de pêche du ministère de l’Économie océanique après avoir suivi une formation à la Mauritius Maritime Training Academy. Un exercice qui n’avait pas eu lieu au cours des 10 dernières années.

 

Obtenir ce sésame est synonyme de grande satisfaction pour ces femmes qui ont choisi de faire un métier longtemps considéré comme réservé aux hommes. «C’est une reconnaissance de notre travail. Cette carte certifie que nous sommes des professionnelles, nous ouvre plusieurs portes et nous offre de nombreuses facilités comme une aide financière lors des jours de mauvais temps», confie Nazma Moolee, habitante de Pointe-aux-Sables. À 50 ans, elle est une femme pêcheur plus que jamais heureuse et fière de son métier. Un travail qu’elle pratique depuis 29 ans. «Mon mari était plongeur et allait souvent pêcher. À l’époque, je travaillais à l’usine. Je l’accompagnais et lerla monn koumans lapes ti viel avek enn ti golet. Au début, c’était une distraction avant tout.»

 

Sauf que, petit à petit, Nazma y prend goût, d’autant qu’elle se découvre assez douée pour la pêche. Elle quitte son travail et se lance dans la pêche aux homards et aux ourit dans un premier temps. Son époux et elle investissent dans des équipements et un bateau, pêchent des berry et des capitaines, avant de se lancer dans la pêche au thon. «Ça doit faire 15 ans que je fais ça maintenant. Le thon se pêche en haute mer. Je vends mes poissons directement avec une compagnie. Je ne changerais de métier pour rien au monde.»

 

Ne pas avoir peur de la mer, être courageuse, foncer et avoir la foi. Nazma se le répète tous les jours avant de prendre la mer. Son plus grand rêve aujourd’hui, c’est de se rendre sur un grand banc comme celui du Soudan, de prendre un de ces grands bateaux et de vivre sur la mer pendant une vingtaine de jours. «Je rêve de vivre cette expérience, de connaître cette sensation.»

 

Les risques du métier

 

Chaque jour, cette mère de quatre enfants est heureuse de se rendre au travail. Avec son époux et son fils, également pêcheur, elle vogue vers différents endroits, au large de Pointe-aux-Sables, Albion, Trou-aux-Biches ou Baie-du-Tombeau. «Des fois, vous pouvez sortir pendant une semaine et ne rien avoir. Cela fait partie des risques du métier.» Et des risques, Nazma Moolee est consciente d’en prendre tous les jours. «C’est dangereux et difficile comme métier. Plusieurs fois, je me suis demandée si je pourrai rentrer chez moi mais l’amour et la passion sont plus forts.» C’est grâce à la pêche que son époux et elle ont pu grandir leurs enfants et ce, malgré toutes les difficultés qui se sont présentées à eux.

 

Être pêcheur, ce n’est pas seulement une pirogue, un ciel bleu et une mer turquoise.  La route est longue et le danger permanent. Contre vents et marées, sous le soleil comme sous la pluie, il faut s’accrocher et ne pas lâcher prise. Les sacrifices, Mylène Montaigue de Bambous-Virieux connaît. Ancienne femme de chambre, elle a fait le choix de suivre son mari sur la mer, il y a quatre ans, pour le bien de sa famille, de ses enfants. Elle qui a grandi et vécu au bord de la mer s’est toujours sentie proche de l’océan. Si elle accompagnait son mari de temps en temps à la pêche, se lancer dans le domaine en tant que femme pêcheur n’a pas été un choix compliqué. «C’est quelque chose que j’aime beaucoup. Avec mon époux, on sort à 5h30. On va mettre nos casiers en dehors du lagon. On pêche principalement le poisson corne et le dame berry. On revient à la maison au plus tard à 14 heures et le bayan vient récupérer la marchandise.»

 

Ainsi, depuis quatre ans, Mylène est heureuse de son parcours. Suivre cette formation avec l’école de pêche et obtenir cette carte de pêche est pour elle une grande satisfaction et représente l’avenir. «Je suis très heureuse. C’est une fierté d’avoir obtenu cette carte. Avec mon époux, nous sommes allés faire une application pour acheter un plus grand bateau. Ça nous permettra d’aller plus loin et d’avoir plus de poissons.»

 

Dans le quartier de Pointe Jérôme à Mahébourg, tout le monde connaît celle qui se prénomme Chica, 34 ans. Chez elle, la pêche est une histoire de famille qui se transmet de génération en génération. «J’ai suivi mon papa Teeluck qui est très connu dans la région aussi.» Chica Salvara a, dit-elle, toujours voulu travailler à son compte. Elle – «enn zanfan la kot» – a donc trouvé évident, au moment de se lancer sur le marché du travail, de suivre les pas de son père.

 

Mère de six enfants, le dur labeur ne lui fait pas peur. Face aux hommes du métier, Chica a toujours su s’imposer et donner de la voix pour se faire respecter. «C’est un travail qui demande beaucoup d’investissement, de sacrifices. Vous pouvez, pendant plusieurs jours, revenir à la maison bredouille, perdre vos casiers. Vous sortez le matin car la météo annonce du beau temps mais une fois en mer, celle-ci est démontée.»

 

Cependant, au fil des années, assure-t-elle, elle est arrivée à avoir l’œil du pêcheur, cette expérience qui lui permet de ramener une bonne cargaison à terre. Et même quand la récolte est mauvaise, Chica ne perd jamais espoir. «C’est un métier qui demande de la patience. Je ne me décourage jamais car, avec la mer, un jour vous gagnez et l’autre vous perdez.» En 12 ans, ce métier lui a permis, dit-elle, de grandir ses enfants et de s’assurer qu’ils ne manquent rien. «Je suis arrivée loin grâce à ce travail. J’ai acheté un moteur pour mon bateau. Une motocyclette. Une voiture. Je suis fière de mon métier.»

 

Alors, obtenir aujourd’hui cette carte de pêche est plus que gratifiant. «C’est un honneur pour moi d’avoir reçu la carte de pêche. J’ai le sentiment que je suis respectée et reconnue dans le métier.» Il n’y a pas, dit-elle, plus grande satisfaction lorsqu’on est dévoué à son travail.