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Famille d’accueil : le choix du cœur

Recueillir un enfant chez soi, c’est prendre l’engagement de l’aimer, de veiller sur lui et de lui offrir un encadrement familial adéquat.

Ils sont pour la plupart sans enfant et souhaitent plus que tout fonder une famille. De nombreux couples inscrits au Foster Care Programme n’ont qu’une envie : offrir un foyer à un enfant en détresse, l’aimer et l’aider à grandir. Alors que les inscriptions à ce programme ne cessent d’augmenter, deux couples qui attendent d’accueillir chez eux un enfant racontent avec une touchante sincérité leur parcours. 

«Nous avons de l’amour et du temps à offrir à un enfant qui en a besoin.» Cette confession, Corinne Tickfine la fait à cœur ouvert et sans détour. Une émotion particulière fait briller ses yeux. La tristesse, même si elle n’a pas totalement disparu, a fini par céder la place à l’espoir. Avec Eric, son époux, elle essaie depuis plusieurs années d’avoir un enfant. Sans succès. Alors, lorsqu’ils entendent parler, en avril dernier, de la campagne de famille d’accueil, ils sont touchés en plein cœur et y voient l’occasion de connaître, pour la première fois, une vie de famille. «En fait, ce sera une bonne chose pour nous comme pour cet enfant. Pour nous, ce sera une expérience en tant que parents et l’enfant vivra en famille avec toute l’attention et l’amour que cela comporte.»

 

De cela, la jeune femme au foyer en est convaincue. Après avoir entendu cette annonce, son époux et elle se rendent immédiatement au bureau du ministère de l’Égalité du genre et du développement de l’enfantpour rencontrer les assistantes sociales et recueillir le plus d’informations possible. Une fois de retour à la maison, Corinne et Eric discutent pendant longtemps, pesant le pour et le contre de ce projet. «Nous avons fini par prendre une décision. Celle d’aller de l’avant et d’accueillir un enfant qui a besoin d’aide chez nous. Nous avons tout cet amour qui est là et que nous pouvons lui offrir», dit-elle. 

 

Dès le lendemain, ils se rendent à nouveau au bureau du ministère en charge de ce dossier, convaincus d’avoir fait le bon choix, celui du cœur. Il faut y déposer une demande formelle avant de présenter tous les documents nécessaires. Le processus est long mais pour Corinne et Eric, c’est un moindre mal comparé à la joie de recueillir au sein de leur foyer un enfant qui a vécu dans des conditions difficiles. Après les nombreux entretiens avec les assistantes sociales et autres officiers, le couple passe à la prochaine étape : la formation, clé indispensable avant de devenir famille d’accueil. Pendant trois samedis consécutifs, Corinne et Eric se rendent à Phoenix pour suivre cette formation, motivés à bloc et avec l’envie d’apprendre le maximum. Là-bas, ils rencontrent de nombreux autres couples qui, comme eux, n’ont pas d’enfant. 

 

De cette formation intensive, ils ressortent à chaque fois avec une mine d’informations et une nouvelle façon de voir les choses. «Ils nous ont bien expliqué ce que famille d’accueil veut dire et quel est son rôle vis-à-vis de l’enfant qui sera recueilli. Ils nous ont dit à quel point il faut de l’amour et de la patience, à quel point c’est important de ne pas vouloir à tout prix qu’il s’adapte. Le tout, c’est d’aller à son rythme», explique Eric. 

 

Aujourd’hui, cela fait plusieurs mois que le couple attend la venue d’un enfant chez lui. Il y a quelques jours, une assistante sociale a appelé pour leur dire qu’il y avait peut-être un enfant qui correspond à leurs critères. Le cœur de Corinne n’a fait qu’un bond dans sa poitrine.«Je suis tellement impatiente que cet enfant soit à la maison et que je puisse m’en occuper. C’est tout ce que je demande.» Pour elle, la mission de son couple face à un petit être est claire. «Nous allons l’aimer et lui donner une structure familiale. Nous allons l’aider à grandir et se développer le plus sainement possible.»

 

Conscient que ce placement est temporaire, le couple sait qu’à tout moment, la famille biologique de l’enfant peut réclamer sa garde. «Il n’y a pas de doute là-dessus. Je ne peux pas me mettre dans la tête que c’est définitif. On nous a bien fait comprendre que c’est temporaire. Demain, une grand-mère, un oncle ou une tante peut venir réclamer la garde de l’enfant. Nous ne pourrons pas refuser. Si jamais le parent biologique reste à l’écart, nous, on sera là pour lui. Aussi longtemps qu’il le faudra», confie Corinne.

 

Si pour Corinne et Eric la procédure dure depuis plusieurs mois, pour Gérard et Anne Julien, les choses sont allées un peu plus vite. «Nous sommes à la dernière étape du projet. Elle devrait être là d’ici la fin du mois de mars», annonce Gérard avec fierté. Avec Anne, ils sont mariés depuis trois ans et n’ont jamais pu avoir d’enfant. C’est le fait de voir un couple d’amis qui a accueilli chez eux un enfant grâce au Foster Care Programme qui les a encouragés à se lancer dans cette aventure humaine. «La relation qui existe entre eux est extraordinaire. Ils se sentent bien ensemble. Le petit garçon fait tout comme mon ami. On dirait vraiment qu’ils sont père et fils.» Alors, à leur tour, Anne et Gérard se sont inscrits au programme de familles d’accueil et ont franchi toutes les étapes une à une. 

 

Être là tout le temps 

 

Si à la base, ils avaient choisi un garçon, c’est une petite fille de 4 ans qui fera bientôt partie de leur famille. La première rencontre a eu lieu le jour de la St-Valentin comme le plus beau cadeau qu’on pouvait leur faire. «Avant d’y aller, on était un peu stressés. On se demandait comment ça allait se passer et si tout irait bien. Nous avons pris quelques photos de la maison pour les lui montrer», raconte Anne. Une fois sur place, face à ce bout de chou qui a été abandonné depuis l’âge de 17 mois dans un centre, la boule au ventre a disparu et toutes les barrières sont tombées. «Elle était réticente au début et puis, petit à petit, elle s’est rapprochée. Le courant est bien passé entre nous. Elle m’a fait faire le tour de la salle en cinq minutes. Nous lui avons demandé ce qu’elle aime et évidemment, elle nous dit que c’est la Reine des Neiges», se souvient Gérard avec émotion. 

 

En attendant sa venue, le couple s’active à tout mettre en place pour l’accueillir. La chambre est presque prête. Gérard lui redonnera un coup de peinture et y installera un ventilateur ainsi qu’une télé pour qu’elle puisse regarder ses dessins animés durant son temps libre. Anne, elle, se lancera dans une séance shopping bientôt avec la maman de Gérard. Elles achèteront des vêtements, des jouets et tout ce dont la petite aura besoin. Le plus important, disent-ils, c’est qu’ils lui donneront de l’amour, de l’attention, de la tendresse et une éducation pour qu’elle puisse grandir et se construire. «Le rôle d’un parent, c’est quoi ? C’est d’être là tout le temps dans les bons comme les mauvais moments. C’est de l’aimer, l’écouter, le guider et le conseiller», confie Gérard. 

 

S’ils sont conscients que le Foster Care Programme n’équivaut pas à l’adoption et qu’ils veulent avancer «petit à petit», Anne et Gérard ne peuvent s’empêcher de garder cette idée dans un coin de leur tête. Anne, elle, se voit déjà dans ce rôle de maman, un rôle qu’elle a hâte d’assumer. Son attachement pour la petite fille qu’elle a rencontrée le 14 février est déjà très fort. «Elle fera partie de notre famille pour de vrai. Elle sera notre enfant. Notre enfant et pas celui d’un autre.» Et si tout se passe bien, ils songent même, dans quelque temps, à recueillir un autre enfant – «Un garçon cette fois. J’y tiens», précise Gérard, histoire d’agrandir la famille. La seule ombre au tableau, c’est que leur rêve peut s’arrêter n’importe quand. Mais pour le moment, Anne et Gérard, sur leur petit nuage, refusent d’y penser. 

 


 

Un bilan positif 

 

153 ! C’est le nombre d’enfants qui ont été placés dans des familles d’accueil depuis la mise en place du programme à Maurice. Avec la nouvelle campagne lancée en octobre 2016 par le ministère de l’Égalité du genre et du développement de l’enfant,avec le soutien de KFC, le Foster Care a eu un nouvel élan. La campagne a donné suite à 375 appels enregistrés entre le mois d’octobre 2016 et février 2017 sur la ligne d’assistance 187, opérationnelle de lundi à vendredi, de 9 heures à 16 heures. 73 personnes se sont rendues au Foster Care à Phœnix pour se faire enregistrer comme familles d’accueil et ont ainsi bénéficié d’une formation. 

 

Bien plus que le fait d’offrir un endroit où vivre à ces enfants, l’idée est aussi de leur permettre d’évoluer dans un environnement en sécurité, sain et chaleureux. Pour Hansa Munbauhal, coordinatrice de la section du Foster Care à Phoenix, la famille d’accueil n’agit pas seulement en tant que substitut. Elle fournit à l’enfant accueilli les armes nécessaires pour se forger un caractère, avec des valeurs qui feront de lui un adulte responsable. «Nos jeunes sont la relève de demain et il est indispensable qu’ils puissent grandir dans un environnement sain qui les aide à s’épanouir et à contribuer, à leur tour, dans la société. C’est dans cette optique que nous avons revu le programme, avec le soutien de KFC, afin de toucher le plus de familles possible. Au vu de la réaction générée par la campagne, nous sommes confiants d’être sur la bonne voie.» C’est, dit-elle, leur plus grande mission.

 


 

Ce qu’il faut savoir  

 

Pour devenir famille d’accueil

 

Les familles désirant accueillir un enfant au sein de leur foyer peuvent s’enregistrer auprès du ministère de l’Égalité du genre et du développement de l’enfant sur la ligne d’assistance 187, opérationnelle de lundi à vendredi, de 9 heures à 16 heures. Les procédures des Child Protection (Foster Care) Regulations sont strictement respectées pour valider les demandes des familles d’accueil. 

 

Les documents à présenter

 

La prochaine étape est de remplir une fiche d‘application au niveau du ministère de l’Égalité du genre et du développement de l’enfant, au Help Desk du Foster Care, à Phoenix. Avec la soumission de l’application, plusieurs documents doivent être soumis : certificat de caractère, acte de naissance des parents et de tout autre personne vivant sous le toit familial, acte de mariage, copie certifiée conforme du jugement prononçant le divorce s’il y a lieu, preuve des revenus y compris le salaire, titre de propriété ou bail de la maison, attestation de santé pour les parents et tout autre adulte vivant sous le même toit familial.

 

La formation 

 

Entre-temps, des formations sont dispensées par le ministère à l’intention des familles qui désirent accueillir un enfant. Ce n’est qu’après avoir suivi ces formations que la famille peut faire partie de celles qui peuvent devenir des familles d’accueil. La formation, animée par les officiers et la coordinatrice du programme et le psychologue du ministère, se fait pendant trois samedis de 9 heures à 14 heures. Leur but est de rendre plus compréhensible les étapes de développement d’un parent : comment comprendre la période de l’adolescence, les qualités requises pour être un parent d’accueil. Une visite sera effectuée au domicile des parents afin de déterminer si l’environnement est favorable pour accueillir un enfant. Si c’est positif, les parents passeront à l’étape de l’évaluation psychologique.  

 

La première rencontre 

 

Une fois le profil de l’enfant choisi, un exercice d’évaluation est entrepris. Une première rencontre aura lieu au bureau du ministère et les officiers observeront l’interaction entre les parents et le petit. Si tout se passe bien, l’enfant sera retiré du centre résidentiel afin d’être placé chez la famille pour une période temporaire de trois mois. Pendant cette phase, le ministère effectuera des visites régulières chez la famille, soutenues par les conseils de psychologues à la famille et l’enfant dans le but de faciliter l’adaptation de ce dernier au sein de ce nouvel environnement.

 

Après trois mois, il se passe quoi ? 

 

Ces trois mois de placement temporaire passés, une autre évaluation est entreprise pour établir si l’enfant pourra séjourner chez la famille. Si la relation se passe bien entre les parties concernées, la famille peut accueillir l’enfant pendant deux ans, période durant laquelle des visites du ministère sont maintenues chez la famille pour s’assurer du bien-être de l’enfant. 

 

Si vous voulez l’adopter ? 

 

Les informations sont claires. Le Foster Care est un placement temporaire renouvelable chaque deux ans si les conditions sont réunies. Cependant, de nombreuses familles d’accueil songent à l’adoption. Le renouvellement du placement peut se faire chaque deux ans jusqu’à ce que l’enfant atteigne sa majorité. Ce n’est qu’à ce moment qu’il pourra décider s’il continuera à rester ou pas avec la famille d’accueil. Il arrive qu’après les deux ans, les parents enclenchent les démarches d`adoption. La décision finale est prise par la Cour suprême.

 


 

Sanjana Gobin-Rambhojun, psychologue : «S’assurer que l’enfant est prêt pour ce changement»

 

 

Placer un enfant dans une famille d’accueil est une intervention délicate. Comment se fait la préparation ? 

 

Une préparation pour assurer la transition harmonieuse des parents d’accueil et de l’enfant est cruciale. Après l’enregistrement, le couple est soumis à une évaluation psychologique où on discute de ses appréhensions et attentes par rapport à l’enfant. Le couple doit obtenir les outils nécessaires pour mieux comprendre et répondre aux besoins de l’enfant. Ce dernier reçoit lui aussi des conseils individuels dans le shelter afin de s’assurer qu’il est mentalement et émotionnellement prêt pour ce changement. Les parents d’accueil sont autorisés à donner leurs préférences en termes d’âge et de sexe, et l’exercice de matching est fait en fonction des besoins, des attentes et du tempérament des deux partenaires et de l’enfant. De plus, un suivi régulier est effectué par les Family Welfare and Protection Officers pour s’assurer de l’adaptation de l’enfant dans la famille.  

 

Ils apprennent quoi durant cette formation ? 

 

Ils doivent comprendre le contexte et la situation de l’enfant, les stades de développement, les stratégies parentales ainsi que les besoins spécifiques des enfants en détresse. La résilience et la capacité de faire face au stress et à l’anxiété des parents sont aussi importantes. Ils doivent comprendre l’enfant d’une manière holistique et être équipés à faire face à ses besoins. La nature dynamique des enfants et les défis qu’ils rencontreront sont également discutés de manière interactive. La formation continue permet aux parents de bien comprendre le développement de l’enfant, y compris la phase de l’adolescence pendant laquelle ils devront identifier les signes d’une série de problèmes qui pourraient surgir au cours de cette phase. 

 

À quoi veillez-vous lors de ces rencontres ? 

 

Les changements routiniers de l’enfant et son comportement au sein de la famille sont au centre de ces sessions avec les parents. L’enfant qui a déjà vécu des expériences traumatiques a tendance à avoir des difficultés à créer des liens sains avec la famille d’accueil, d’où l’importance de suivre le développement du lien et de l’attachement avec la famille. On s’assure qu’une discipline est mise en œuvre, on s’assure aussi de la stabilité émotionnelle et psychologique de l’enfant et des parents, de la capacité des parents à intégrer l’enfant dans leur routine et à faire face aux défis qui se présentent. 

 

Le but de la CDU est aussi de réhabiliter la famille biologique pour qu’elle puisse accueillir de nouveau l’enfant. Qu’en est-il ?

 

L’objectif est de donner aux parents biologiques le temps et l’occasion de travailler sur leur condition et, éventuellement, d’être en mesure de reprendre la responsabilité de leur enfant. Le travail de réintégration se fait au niveau des départements de la CDU pour équiper les parents de compétences parentales plus appropriées, d’une meilleure compréhension des besoins de l’enfant et des autres modes de discipline. L’accent est mis sur la reconstruction des différents aspects de la famille et la coopération des parents biologiques est cruciale. Une approche psychosociale est prise et quand les cas sont référés au psychologue, l’évaluation et le suivi sont faits. 

 

Sachant que la famille biologique peut reprendre son enfant, n’est-il pas déstabilisant pour l’enfant de changer comme ça de foyer et d’environnement ? 

 

Il y a des implications juridiques ainsi que des aspects sociaux, psychologiques et émotionnels. Une équipe pluridisciplinaire mènera une enquête approfondie et la décision finale sera prise par le magistrat dans l’intérêt de l’enfant. Lorsqu’un enfant doit retourner à la famille biologique après avoir créé des liens avec la famille d’accueil, cela demande une longue préparation psychologique et émotionnelle. Le soutien est offert même après le retour dans la famille biologique pour faciliter la réintégration de l’enfant. La famille d’accueil bénéficie aussi d’un suivi psychologique dans certains cas.