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Esafodaz : Femmes entrepreneures, femmes debout

Malgré son handicap, Geneviève Guillemain est heureuse de travailler.

Face à la précarité, aux inégalités et à l’exclusion sociale, elles ont choisi le même chemin, celui du travail. Ces femmes entrepreneures, soutenues et accompagnées par la plateforme communautaire Esafodaz, n’ont qu’un objectif : prospérer. 

Souvent, elles ont failli abandonner. Il a fallu un déclic, un coup de pouce, pour que les choses changent. Ce coup de pouce, c’est celui d’Esafodaz auprès des petits entrepreneurs locaux. Cette plateforme communautaire, créée par l’association Youth S.C.E.A.L, s’articule autour de deux axes principaux : aider et soutenir les artisans, notamment ceux issus des quartiers difficiles mais aussi promouvoir et valoriser le savoir-faire local. Parmi les dernières recrues, Geneviève Guillemain, 54 ans, créatrice de paniers et sacs en raphia qui témoignent de son talent. Pour celle qui est atteinte d’un handicap physique, travailler est devenu, au cours de ces dernières années, une priorité. «J’aime bouger, même si aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile. Mais je n’aime pas rester sans rien faire. Faire ces paniers est plus qu’une passion pour moi.»

 

Il faut dire que Geneviève a une vie bien remplie. Lorsqu’elle n’est pas au Montmartre où elle travaille trois fois la semaine, elle se rend à la Physically Handicapped Welfare Association, un centre dédié aux personnes vivant avec un handicap, où elle participe à plusieurs activités. «Nous avons aussi décroché un contrat de travail. Notre job consiste à vérifier les écouteurs d’avion. On vérifie si ça marche des deux côtés, on change les éponges, on les attache, avant de les sceller et les envoyer.»

 

C’est il y a plusieurs années, dans un couvent et avec des religieuses, que Geneviève a appris à fabriquer ces paniers. «J’y ai passé sept ans de ma vie. C’est là-bas que les sœurs m’ont appris à faire ces paniers. J’ai aussi appris à broder et à peindre. Je fais de la broderie, du crochet, des canvas mais beaucoup plus de paniers.» Alors, dès qu’elle a un moment, elle se met à les confectionner. Jusqu’à récemment, Geneviève Guillemain fabriquaient ces paniers sans que ceux-ci ne soient vraiment connus du public, rendant sa petite affaire pas aussi rentable que ça aurait pu l’être. «Lorsque Stacy Fourmacou, la responsable d’Esafodaz, m’a appelée et m’a expliqué le projet, j’ai tout de suite compris que c’était une opportunité. Ils sont un peu la vitrine de mes créations. Grâce à cette collaboration, je peux continuer à faire ce que je fais et surtout à avoir des clients», lance-t-elle.

 

Favoriser l’émergence des artisans locaux en mettant en avant leur savoir-faire et leur talent, c’est justement là tout l’objectif de cette plateforme communautaire. Une démarche qui se concrétise lorsqu’elle se fait le pont entre les entrepreneurs, les distributeurs et les clients. Sauf que le chemin vers l’indépendance financière n’est pas un long fleuve tranquille. Après des études au Fashion & Design Institute, Leena Chukun, 34 ans, a choisi de se lancer à son compte. Un choix audacieux qui n’est pas toujours facile à assumer. «Je crée des peintures sur des paniers en Vacoas pour les customiser et leur donner un côté tendance. Je fabrique aussi plusieurs autres produits d’artisanat, principalement destinés aux touristes, comme les marque-pages, les porte-clés, les tableaux. Tout est 100 % local et fait main.»

 

Véritable passionnée d’artisanat, elle avoue cependant qu’il n’est pas toujours évident de se faire une place sur le marché. «La concurrence est rude. Surtout quand il y a des produits de la Chine qui inondent le marché et qui sont forcément moins chers. Les gens vont voir le prix en premier lieu et pas tout le travail qu’il y a derrière.» Si elle a accepté de faire partie de la plateforme Esafodaz, c’est justement pour mieux se faire connaître et pouvoir enfin percer. «C’est ma passion et mon gagne-pain. Je fais beaucoup d’efforts pour que ça marche. Esafodaz m’apportera plus de visibilité.»

 

Coaching, élaboration d’un nouveau concept, promotion, packaging, livraison… Esafodaz permet à l’entrepreneur de pouvoir s’installer sur le marché et de trouver sa clientèle. Plus de commandes équivaut à une plus grande entrée d’argent pour les artisans en quête d’autonomisation. Une démarche à laquelle adhère totalement le Pont Tamarinier, l’association qui œuvre auprès des familles en situation précaire dans la région de Rivière-Noire. La collaboration entre le Pont Tamarinier et Esafodaz vise à promouvoir le travail de Claudia Peres et Francesca Auguste.

 

Depuis plusieurs années maintenant, l’ONG a pris sous son aile deux femmes qui ont décidé de tout faire pour combattre l’exclusion. Au fil des années, celles-ci sont devenues les créatrices écologiques du Pont Tamarinier. Fabriquer des produits de déco avec du papier journal, c’est un savoir-faire qu’elles maîtrisent aujourd’hui du bout des doigts. «Tout est fait à partir de papier journal. C’est du recyclage. Nous faisons des bijoux, des bols, des sous-plats, des décorations de Noël. On ne pensait pas pouvoir réaliser tous ces objets avec du papier journal, quelque chose qu’on jette d’habitude», confie Francesca.

 

Plus qu’un passe-temps, cette activité représente pour Claudia, maman de trois enfants, une porte de sortie. «Avant, je ne travaillais pas. Ce n’était pas évident. Puis, j’ai entendu parler d’un cours d’artisanat, j’y suis allée sans grande conviction mais ce que j’ai découvert m’a ouvert les yeux. Et puis, j’ai rejoint Francesca au Pont Tamarinier et depuis, ensemble, on crée de nombreuses choses. Ça fait cinq ans maintenant que je fais ça. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup.»

 

Aujourd’hui, Claudia a deux activités. Le matin, elle travaille comme bonne et dans l’après-midi, elle rejoint Francesca dans leur atelier pour la confection de leurs produits. Un sens de l’effort synonyme d’une envie de progresser.

 


 

Sean Fourmacou de Youth S.C.E.A.L. : «Acheter local, c’est contribuer à l’économie»

 

 

Ça fait quelques mois maintenant qu’Esafodaz existe. Jusqu’ici, quelles sont vos réalisations ?

 

Nous avons atteint les marchés souhaités et donné plus de visibilité aux artisans que nous soutenons. Nous avons maintenant une collaboration avec l’Ascencia Mall pour les foires qui sont organisées. Nous avons également développé plus de collaborations avec des magasins qui adhèrent au concept des produits 100 % mauriciens. Sur le marché, les clients commencent à distinguer les produits et savent que c’est Esafodaz. Nous avons encore un long parcours mais petit à petit, nous commençons à nous faire une place sur le marché.

 

Rappelez-nous la mission de cette plateforme…

 

Le soutien en tous genres aux artisans, qu’il s’agisse de l’aide à la mise en place de leur petite entreprise ou de conseils sur les produits «tendance» à exploiter pour répondre à une certaine demande. Sur la durée, Esafodaz veut aussi devenir une structure qui facilite la collaboration entre les entrepreneurs. La plateforme veut se positionner comme une structure de soutien sur trois axes spécifiques : faciliter l’accès au marché et marketing, favoriser la collaboration entre entrepreneurs et aider l’entreprise à se lancer. Les défis sont multiples, nous en sommes bien conscients, mais ils sont réalisables. La transition sera graduelle car trouver un public réceptif et fidèle prend du temps. La décision de s’y mettre à plein temps est celle de l’entrepreneur.

 

En quoi le fait de promouvoir l’entrepreneuriat local tout en soutenant les personnes des milieux vulnérables est-il important ?

 

Acheter local, c'est contribuer à l’économie, encourager le savoir-faire et valoriser la créativité. L'achat conscient passe par une décision de trouver des réponses à ses besoins en cherchant des produits locaux au lieu de produits venus d’ailleurs, afin de permettre aux entrepreneurs locaux de vivre de ce qu’ils produisent. Dans un contexte plus large, cela contribue à un secteur qui s’épanouit. Pour l’instant, les produits qui émanent du savoir-faire local ne sont pas les plus accessibles et l’achat du 100 % mauricien est un concept qui a encore un bout de chemin à faire avant de trouver sa place dans nos maisons.

 

Quels sont les défis auxquels vous faites face ?

 

L'accès au marché qui laisse peu de place aux produits faits main 100 % locaux. Il y a aussi la conscientisation des Mauriciens autour de l’importance de l’achat local et autour du fait que les produits faits main locaux sont tout aussi bien en termes de qualité. Puis, convaincre les artisans d’adapter les produits en fonction de la tendance peut être un challenge, de même que de devoir les rappeler qu’être plus pointilleux sur les détails fera la différence.

 

Quels sont les nouveaux projets d’Esafodaz ?

 

Nous voulons travailler avec des compagnies ou des décorateurs d’intérieur qui souhaitent avoir une touche locale dans leurs locaux ou dans leur projet. Nous avons également segmenté les mois de l’année en plusieurs parties. Chacune comprend un thème spécifique par rapport à l’événement qui aura lieu. Par exemple, de janvier à mars, nous travaillons sur des produits qui sont en lien avec le patrimoine et notre héritage ; d’avril à juin, les produits sont concentrés sur la fête des Mères, et ainsi de suite. Nous préparons actuellement les produits pour Noël qui arrive à grands pas et nous essayons de cibler la demande des clients pour venir avec le bon produit.