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Cypres Handicapped Association : Un long chemin vers l’autonomie

L’équipe de jardinage de l'association.

Il y a 24 ans, tout commençait avec une envie de prendre par la main ceux nés avec une différence physique, de les accompagner et de les guider vers une indépendance malgré leur handicap. Bien plus qu’un centre, la Cypres Handicapped Association représente aujourd’hui, pour ses 35 bénéficiaires, un lieu de vie qui les pousse à se dépasser.

Des notes de musique qui flottent dans l’air, des voix qui s’élèvent et qui entonnent un chant devenu, depuis, un peu un hymne. Sous la petite varangue du centre, une vingtaine de jeunes, tous porteurs d’un handicap, accompagnés de leurs éducateurs, interprètent avec enthousiasme et fierté une chanson spécialement écrite et composée pour eux à l’occasion du 24e anniversaire d’existence de la Cypres Handicapped Association située à Eau-Coulée. Autant dire qu’il s’agit pour les fondateurs et les bénéficiaires de cette association d’une date importante. Bien plus qu’un endroit où ils viennent passer leurs journées, le centre représente pour eux une deuxième maison. Pour l’occasion, tout le monde s’est mis sur son trente-et-un afin de célébrer cet événement pour lequel gâteau, décoration et musique sont de rigueur. Tout comme la joie et la bonne humeur. 

 

Devant cette image, Lindsay Dercy ne peut s’empêcher de se remémorer le début de la belle histoire qui a commencé au début des années 90. Son engagement pour l’accompagnement et le bien-être des personnes vivant avec un handicap a commencé avec une personne en particulier. Nicole Dercy, sa sœur née avec un handicap moteur et décédée d’une leucémie il y a quelques années mais qui reste aujourd’hui, dit-il, la «racine» de cette association. 

 

Derrière le visage de chacun de ces jeunes adultes, c’est elle qu’il voit. Sa joie de vivre, son combat, ses espoirs. «Tout a commencé avec un voyage que nous avons fait elle et moi à l’époque. En Belgique, nous avons assisté à une retraite et vécu pendant une semaine avec des personnes atteintes d’un handicap sévère. En voyant tout ce qui était fait pour elles, nous nous sommes dit qu’il fallait qu’on fasse la même chose à Maurice.»

 

Une fois de retour dans l’île, Lindsay regroupe les amis de Nicole et commence à organiser quelques petites activités. Il contacte aussi Jean-François Gilbert, son ami, qui n’hésite pas à le rejoindre dans cette aventure. «Nous voulions dès le départ travailler avec ces jeunes adultes pour qu’ils puissent être autonomes et devenir indépendants autant que possible», souligne-t-il. Pendant cinq ans, l’accent est mis sur l’empowerment à travers différentes activités. Lorsque le centre devient officiellement une association, plusieurs projets sont mis en place pour ceux qui vivent avec un handicap moteur ou un trouble mental. 

 

Difficultés financiers

 

Cependant, comme pour de nombreuses associations, la route n’est jamais un long fleuve tranquille. Tout au long de leur parcours, les difficultés financières s’accumulent. Pour offrir formation, programme de réhabilitation, service d’écoute et de conseil et autres, Lindsay Dercy et son équipe organisent des levées de fonds et vont frapper à la porte des autorités concernées, comme le Decentralised Cooperation Programme (DCP) qui leur offre un grant leur permettant de mieux accompagner leurs bénéficiaires. Aujourd’hui, la Cypres Handicapped Association vit essentiellement d’une aide du NGO Trust Fund. «C’est compliqué, surtout avec les soucis autour du CSR. On tombe, puis on se relève mais on ne se décourage pas.» Aujourd’hui, avec 35 bénéficiaires, la maison que loue Lindsay devient trop petite. Il a donc présenté un projet CSR pour la construction d’un local qu’il espère voir se concrétiser. Malgré les difficultés, baisser les bras, dit-il, n’a jamais été une option car l’association sait que beaucoup comptent sur elle.  

 

Afin qu’ils puissent se «mettre debout sur leurs propres pieds», les bénéficiaires sont, dans un premier temps, initiés à l’artisanat et à la couture. «Nous n’avions pas beaucoup d’argent et il nous a fallu improviser un atelier de travail dans ma cour. On a commencé à travailler le bois de cyprès, d’où le nom de notre association. Nous faisions plusieurs produits que nous allions présenter dans des foires et que nous vendions à des compagnies touristiques», raconte Lindsay Dercy. 

 

Joëlline Quirin, 51 ans, est l’une des anciennes, que tous appellent affectueusement la «maman» de la Cypres Handicapped Association. Atteinte d’une déficience intellectuelle, elle dit avoir appris plusieurs choses depuis qu’elle fréquente le centre. «La couture, l’informatique et préparer du thé», énumère-t-elle avec un grand sourire.  Ici, dit celle qui s’est faite toute coquette pour célébrer l’anniversaire du centre qui l’accueille depuis autant d’années, elle est un peu comme à la maison. C’est un endroit où elle a «de bons amis» et où elle ne se sent jamais seule. 

 

Et ses amis ne sont jamais bien loin. Il y a Michel, 49 ans, lui aussi atteint d’un trouble mental, qui ne disait pas un mot lorsqu’il a débarqué il y a cinq ans. Petit à petit, il a commencé à s’ouvrir aux autres. Certes, aujourd’hui, il n’arrive toujours pas à tenir une conversation mais il arrive à comprendre certaines choses et à dire quelques mots. Un grand pas pour ses encadrants. Il y a aussi Warren Jawaheer et ses amis, qui ne disent jamais non lorsqu’il faut s’occuper du jardin. D’ailleurs, récemment, ils ont préparé la terre pour les légumes qu’ils planteront dans pas longtemps. Le jeune Ziyad Toolun est, lui, connu comme «l’acteur» de la bande. Micro à la main, accompagné par Hervé Antoinette qui leur enseigne la musique, il est prêt à faire le show. Suivre le développement de ses élèves pas après pas est pour cet ancien enseignant une mission qui lui tient à cœur.  

 

Devant un tel épanouissement, Janine Oudeuil, une autre bénévole, ne peut s’empêcher d’avoir le sourire. La fierté et la satisfaction personnelle d’aider ces jeunes gens nés avec une différence à trouver leur voie, c'est ce qui pousse cette ancienne enseignante à être bénévole. Alors que l’association se concentrait à ses débuts sur l’insertion professionnelle à travers l’artisanat, Janine Oudeuil a introduit des cours d’alphabétisation. «C’est un plaisir pour moi de venir donner de mon temps, de mon savoir et de mon expérience afin de les amener à grandir, à développer une autonomie éducative, sociale et familiale. Ça m’apporte beaucoup de joie de venir ici tous les jours et de les voir heureux.»C’est au final tout ce qui compte.