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Créatrices écologiques : Le pari de Claudia et Francesca contre l’exclusion

Donner les outils nécessaires à des femmes issues de milieux vulnérables pour qu’elles puissent enfin saisir leur destin et devenir des femmes debout. C’est l’une des missions du Pont Tamarinier qui œuvre dans la région de Rivière-Noire. Rencontre avec deux créatrices qui ont su développer un incroyable savoir-faire.

De leurs mains, elles découpent, assemblent, donnent forme, fabriquent. Le tout avec passion, soin et minutie. Il y a encore quelques années, elles se pensaient incapables de réaliser de telles petites merveilles et aujourd’hui, elles sont des créatrices dont le talent ne ment pas. Faire de l’art avec du papier journal, c’est possible, et Claudia Celerine et Francesca Auguste, 36 ans toutes les deux, le prouvent bien. Ce sens de la création est parti d’un besoin d’apprendre, d’une envie de s’en sortir, d’aller vers de nouveaux horizons. Dans leur petit conteneur transformé en atelier au cœur du village de Tamarin, elles s’activent à finaliser leurs créations. En cette période de fêtes de fin d’année, les commandes affluent. Ce qui n’est pas pour leur déplaire, malgré les longues heures de travail. 

 

Claudia Celerine et Francesca Auguste ont su développer un véritable savoir-faire.

 

Ces dames, on les appelle les femmes écologiques du Pont Tamarinier, une association qui accompagne les familles défavorisées de Rivière-Noire. Chaque jour, après leur journée de travail, elles viennent ici passer quelques heures pour fabriquer leurs produits écologiques. Leurs petites mains agiles et expertes travaillent le papier journal et magazine à partir duquel elles fabriquent toutes sortes de produits, comme des boucles d’oreilles, des colliers, des bracelets, des paniers, des cadres photos et divers objets de déco. Avec Noël et le Nouvel An, Claudia Celerine et Francesca Auguste se rendent aux quatre coins du pays pour participer à des marchés où elles exposent et vendent leurs créations. Au marché solidaire de Noël, qui a eu lieu il y a deux semaines à Trianon, elles avaient notamment présenté diverses décorations de Noël – boules, sapins, étoiles. Toutes fabriquées à partir de papier recyclé. Leurs créations ont attiré les visiteurs et les acheteurs. 

 

Aujourd’hui, leur expertise et leur savoir-faire ne font plus aucun doute. «Tout est recyclé. On utilise du papier journal qu’on retravaille. C’est un travail méticuleux. Au départ, ce n’était pas évident car on n’avait jamais fait ça avant. On ne savait même pas qu’on pouvait faire de telles choses avec du papier journal», lance Claudia Celerine. Former des femmes de la localité afin qu’elles puissent développer un savoir-faire et ainsi gagner un revenu en vendant leurs produits, cela fait partie du programme de l’association, dont la principale mission est le relogement des familles démunies, leur accompagnement et l’accompagnement scolaire des enfants. 

 

Il y a trois ans, elles étaient une douzaine de femmes de la région à s’intéresser et à avoir été sélectionnées pour une formation de recyclage. Trois ans plus tard, de ce groupe de femmes, il ne reste que Claudia et Francesca. «Ce n’est pas facile comme travail. Il faut du temps et de la patience. Beaucoup de patience. La majorité a abandonné mais nous, on aime vraiment ça. Alors, on continue», souligne Francesca Auguste. 

 

Prendre du plaisir

 

Et de l’amour, il en faut. Chaque jour, Claudia Celerine, maman de trois enfants, entame sa journée très tôt. Après s’être occupée de la maison et des enfants, elle prend son poste de bonne qu’elle occupe depuis maintenant huit ans. Ce n’est qu’après ça qu’elle se rend à l’atelier pour commencer une autre partie de sa journée. «Quand on m’a proposé d’apprendre à recycler du papier, ça m’a tout de suite intéressée. Je sens que j’ai fait énormément de progrès. J’aime tellement ce que je fais que je continue à la maison. Je suis tout le temps en train de faire des perles en papier pour des bijoux. J’y prends beaucoup de plaisir.»

 

Ces femmes sont accompagnées par des formateurs volontaires et des travailleurs sociaux qui les encadrent et qui s’assurent de la qualité de leurs produits ainsi que de l’innovation de leurs créations. Francesca Auguste, elle, s’estime chanceuse de pouvoir bénéficier d’une telle aide. Maman de quatre enfants, elle connaît aussi des journées marathon mais elle ne compte pas abandonner pour autant. Au fil des années, elle s’est découvert une passion artistique et créative qu’elle ne soupçonnait pas. Avant, elle passait ses journées à la maison à s’occuper du ménage et de ses quatre enfants. Mais depuis qu’elle a été approchée par le Pont Tamarinier, sa vie a changé. «Aujourd’hui, je fais le nettoyage à l’association et dans l’après-midi, avec Claudia, on se rejoint dans notre conteneur pour avancer sur nos commandes ou fabriquer de nouveaux produits.»

 

Si aujourd’hui, elles n’arrivent pas à vivre entièrement de leurs créations, les deux mères de famille espèrent que ce sera le cas dans un avenir proche. Pour Anne-Lise Pigeot, responsable de l’association, tout l’intérêt de ce programme est non seulement que ces femmes puissent développer leur talent et leur savoir-faire mais aussi qu’elles gagnent à travers cela une source de revenu constante et permanente qui leur permettrait de se sortir la tête hors de l’eau. «Aujourd’hui, l’argent des ventes après le fond de caisse et l’achat de certains matériaux est équitablement divisé entre les femmes. Cependant, ce n’est pas suffisant pour qu’elles puissent vivre uniquement de ça.» 

 

L’objectif ultime, estime Anne-Lise Pigeot, est de leur permettre de gagner en autonomie et en indépendance financière pour qu’elles puissent, à leur tour, soulager leur famille. C’est aussi la mission d’un autre projet d’entrepreneuriatqui a été lancé avec 12 autres femmes qui fabriquent des accessoires tels que des sacs et des paniers avec du crochet. Mais Anne-Lise Pigeot est confiante quant à l’avenir. Les projets sont nombreux pour la nouvelle année, notamment une possibilité d’exportation de leurs produits vers l’Angleterre et le Singapour. De plus, souligne la responsable de l’association, un atelier de menuiserie pour les jeunes et les hommes de la région ainsi que la mise en place d’une boutique solidaire sont envisageables. 

 

Cependant, pour réaliser ces projets, le Pont Tamarinier a besoin d’aide et de soutien. «Nous avons de l’espace mais nous avons besoin de conteneurs et de matériaux. De plus, nous n’avons malheureusement pas les moyens d’engager quelqu’un ou une entreprise pour faire le marketing de nos produits. Alors, si des personnes se portent volontaires, nous serions ravis de les accueillir. Nous lançons un appel à l’aide et espérons que les Mauriciens seront sensibles à cette cause.»

 

L’appel est lancé !