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Canne en Fleur Training Centre : L’école de la deuxième chance

La formation dure environ quatre mois et incluent des stages.

Exclus du système scolaire pour certains, coincés dans une situation difficile pour d’autres. Le Canne en Fleur Training Centre accueille chaque quatre mois une quinzaine de personnes issues de milieux vulnérables pour les former en pâtisserie et boulangerie. Objectif : leur enseigner les bases du métier pour qu’ils puissent voler de leurs propres ailes.

Ils n’ont pas toujours eu confiance en eux. À cause des échecs du passé, ils ont même souvent douté de leurs capacités, de leur potentiel. Certains d’entre eux ont abandonné, se résignant, se faisant à l’idée de rester à la maison et de dépendre des autres. Et puis, ils ont entendu parler de la formation Canne en Fleur et ils ont voulu essayer. Un choix basé sur l’envie de s’en sortir, de prendre un nouveau départ pour laisser derrière la situation difficile dans laquelle ils se trouvaient et enfin pouvoir dépendre de soi. C’est là le principal objectif du Canne en Fleur Training Centre,mis en placepar Caritasen 2015. Sa mission : former gratuitement à la pâtisserie ceux qui font face à une situation vulnérable afin qu’ils puissent trouver un emploi stable et espérer de meilleures conditions de vie. 

 

Pendant longtemps, Mikaël Sophie, 17 ans, n’a eu aucun but dans la vie. Pas très brillant à l’école, il a jeté l’éponge en Form III pour rester à la maison. Il a bien essayé de s’intéresser à un cours de Caritas avant d’abandonner une fois de plus. Lorsqu’il a entendu parler de ce cours de pâtisserie donné par le chef Simon Carnel au Canne en Fleur Training Centre, l’adolescent s’y est rendu sans grande conviction. L’enthousiasme, cependant, est venu au fil des jours. «Je n’avais jamais pensé pouvoir apprendre tant de choses. J’aime beaucoup la boulangerie. Le chef m’a donné envie d’en faire mon métier. Cette expérience m’a changé.» 

 

Chaque jour, à Pointe-aux-Piments, dans la grande cuisine du centre, leur salle de classe à eux, ils sont une dizaine d’étudiants, tout âge confondu, à suivre les classes du chef Simon Carnel qui est derrière ce projet depuis quelques années. Après 35 ans de carrière comme chef pâtissier dans les hôtels Beachcomber, celui-ci redonne chaque jour une nouvelle dimension à son métier en transmettant son savoir-faire à travers une cause qu’il estime juste et noble. Dans ses ateliers, pas de place pour l’ennui ni la paresse. Face à sa brigade, l’enseignant se montre intransigeant sur l’hygiène, méticuleux sur les techniques et enthousiaste lorsqu’il s’agit de transmettre son expérience. «Avant, quand vous ratiez vos études, on vous disait que vous pouviez devenir boulanger ou pâtissier quand même. Maintenant, c’est fini ! Les boulangers et les pâtissiers sont des professionnels», lance le chef. 

 

En face de lui, une dizaine d’élèves suivent à la lettre ses conseils, avides de ses techniques et de ses anecdotes. Même Mikaël, le plus turbulent de la bande, ne joue plus lorsqu’il s’agit d’écouter les directives du chef pour savoir comment travailler la pâte à brioche. Appliqué, il la roule inlassablement entre ses mains avec précision et délicatesse pour en former une boule avant de la placer sur une plaque à cuisson afin qu’elle puisse lever tranquillement dans un endroit chaud. Mikaël n’est pas le seul de sa famille à suivre cette formation. Il y a aussi sa sœur Nyda Compassie et sa belle-sœur Amélie Goah, 30 ans toutes les deux. Comme tout le monde ici, elles ont arrêté l’école avant la fin de leur scolarité, sans but précis dans la vie. 

 

«Cadeau de Dieu»

 

Lorsqu’elles sont devenues mamans, elles ont endossé le rôle de femmes au foyer. Mais avec les enfants, la maison et toutes les responsabilités que cela implique, elles ressentent plus que jamais le besoin de mettre la main à la pâte pour alléger leur situation. «Si ce cours n’était pas gratuit, nous n’aurions pas eu les moyens de le payer», lance Nyda. C’est grâce à un ancien élève que les deux jeunes femmes s’y sont intéressées. «De tout temps, on a aimé faire la cuisine. On faisait des gâteaux pour les enfants. Nous n’avions jamais pensé que nous pouvions avoir une formation en pâtisserie et trouver un travail dans ce domaine», explique Amélie. Si avant de se lancer dans cette aventure, elles étaient sceptiques, aujourd’hui, les deux jeunes mamans sont convaincues. «C’est un cadeau de Dieu, une porte qui s’est ouverte pour nous», confie avec espoir Nyda. Son frère Mikaël et elle travaillent tous les deux dans une boulangerie et pâtisserie française dans le Nord. 

 

Les débouchés dans ce secteur sont multiples, explique le chef Simon. «Aujourd’hui, nous avons fait des confitures de mangue, de giraumon et de pomme d’amour. Il y a de la qualité et de l’originalité dans ces produits. Ils ne sont pas obligés d’ouvrir une pâtisserie ou de travailler dans un hôtel, ils peuvent, par exemple, se spécialiser dans la fabrication et la vente de confiture.» L’important, poursuit-il, c’est ce que les bénéficiaires puissent développer un savoir-faire, se lancer dans une activité professionnelle et gagner leur vie dignement. 

 

C’est le rêve que pratiquement tous partagent. Il y a Karine Amoudon, 22 ans. C’est le deuxième cours dont elle bénéficie grâce à Caritas. Aujourd’hui, tout ce qu’elle souhaite, c’est de trouver un travail fixe et de pouvoir se débrouiller seule. Gianie Zamir, 18 ans, partage le même espoir. Cette année, elle refait sa Form IV. Suivre la formation en parallèle du collège n’est pas évident mais elle s’accroche car elle espère décrocher un stage et trouver un emploi. Il y a aussi Christelle David, 34 ans et maman de cinq enfants, dont l’un est atteint d’une maladie extrêmement rare. C’est pour apporter plus à son foyer qu’elle s’est décidée à ne plus rester à la maison. Si au départ, elle était sur la réserve, l’amour et la passion pour la pâtisserie n’ont fait que grandir de jour en jour. Désormais, elle espère pouvoir, à la fin de la formation gagner sa vie pour mieux s’occuper de sa famille. 

 

Chez chacune de ces personnes, le chef Simon a su réveiller l’amour et la passion pour la pâtisserie ou la boulangerie. Mais surtout l’envie de sortir de ce dans quoi ils l’enlisaient pour démarrer une nouvelle vie. Esthecy Rigobert, 19 ans, ne regrette absolument pas la décision qu’elle a prise il y a quelques mois de suivre cette formation. Aujourd’hui, elle se rend compte que c’est ça qui lui a permis «de grandir et d’avoir d’autres rêves dans la vie». Footballeuse dans la première division au Pamplemousses FC, elle a quitté l’école en Form V. «Je restais à la maison sans rien faire, sauf aller jouer au foot. Quand on m’a parlé de cette formation, ça m’a intéressée car j’ai toujours aimé la cuisine.» Aujourd’hui, elle espère décrocher un emploi dans un hôtel et gravir les échelons du métier. 

 

Brigitte Delbard, elle, est la doyenne du groupe. À 59 ans, elle est maman de neuf enfants. Cuisinière, elle arrive à vivre de ses commandes mais les jours sont difficiles avec toutes les responsabilités qui lui tombent dessus. «Si je suis venue, c’est pour apprendre plus et pouvoir proposer d’autres choses aux clients. Si j’ai plus de commandes, financièrement, les choses se débloqueront», avoue-t-elle. Le travail ne lui a jamais fait peur. Et lorsqu’il a fallu reprendre le chemin de l’école à l’aube de ses 60 ans, Brigitte n’a pas bronché, consciente de l’opportunité de bénéficier d’une telle formation sans débourser un sou. «Mon papa était boulanger et ma maman cuisinière. La cuisine, j’ai toujours adoré ça mais la vie n’est pas toujours facile.» 

 

Heureusement, aujourd’hui, elle nourrit l’espoir que, dans le futur, ça ira mieux.

 


 

Comment tout a commencé ? 

 

Avant de s’appeler Canne en Fleur Training Centre, le centre de formation spécialisé dans la pâtisserie et la boulangerie avait une autre vocation. Il y a 16 ans, l’abbé Pierre débarque à Maurice et monte une maison d’accueil à Pointe-aux-Piments, avec l’apport de Caritas Relais Espérance. Celle-ci a pour but d’offrir aux plus démunis un endroit décent où vivre avec leur famille le temps qu’ils se remettent sur pied grâce à l’encadrement et au soutien de Caritas. Dans la cour, il y a quatre maisons qui peuvent accueillir quatre familles.

 

Afin de leur donner les outils nécessaires pour s’en sortir, ils créent le projet Anou diboute ensam. «Le but, c’était d’enseigner la pâtisserie aux dames de ces logements pour qu’elles puissent préparer des gâteaux et les vendre afin de gagner leur vie», explique le chef Simon. Au fil des années, le programme n’a cessé d’évoluer. En 2015, Caritas lance Canne en Fleur Training Centre afin de lutter contre le chômage chez les femmes et les jeunes du village et des environs. 

 

Une mission…

 

Le Canne en Fleur Training Centre est dédié à la cause des personnes issues de milieux vulnérables, de celles vivant dans la pauvreté, faisant face au chômage et des mères célibataires qui doivent se battre pour s’en sortir. S’ils n’ont pas les qualifications nécessaires pour rejoindre un programme mainstream, le centre de formation les accueille pour leur apprendre les bases du métier de pâtissier et de boulanger. Le but est de les rendre indépendants et autonomes, qu’ils ne soient plus des laissés-pour-compte, qu’ils puissent prendre soin d’eux et de leur famille. 

 

Comment ça marche ? 

 

Le cours intensif, approuvé par la Mauritius Qualifications Authority, dure 200 heures, soit un total de quatre mois réparti entre 80 heures pour la théorie et la pratique, et 120 heures de stage dans les hôtels. À la fin de leur parcours, ils doivent pouvoir travailler comme Pastry Assistants dans une pâtisserie ou dans un hôtel. Ils peuvent aussi se lancer à leur compte en prenant des commandes ou en ouvrant une petite entreprise.

 

Pour en bénéficier 

 

La formation est accessible sous forme de parrainage. Jusqu’à présent, les bénéficiaires ont été sponsorisés par Barclays, Azuri et Caritas. Le coût par bénéficiaire est de Rs 9 500. Tout est pris en charge par le centre de formation : les uniformes, les ustensiles, les ingrédients, entre autres. Les ONG et les entreprises qui souhaitent prendre part à ce projet et ceux qui souhaitent suivre cette formation mais qui n’ont pas de sponsor peuvent contacter le chef Simon à l’adresse mail suivante : cfcannefleur.caritas@gmail.com.

 


 

Corine Bijou : de femme au foyer à chef d’entreprise

 

Elle a réalisé un de ses plus grands rêves. Pendant longtemps, Corine Bijou, maman de trois enfants, a été femme au foyer. Puis un jour, elle a appris que Caritas offrait des cours en pâtisserie, une aubaine pour celle qui en avait toujours rêvé. «En plus, mes enfants grandissaient. Ils avaient plus de besoins et il fallait de quoi pouvoir soutenir tout ça.» 

 

Pour cette maman de 39 ans, la formation a été une incroyable opportunité d’apprendre les bases de ce métier : «Avec toutes les connaissances, les  conseils et le soutien apportés par le chef Simon, l’idée de lancer un petit business a germé dans mon esprit. Il me fallait du courage pour le faire.» Et du courage, Corine Bijou en a eu. Elle a commencé tout doucement en faisant des gâteaux d’anniversaire à la maison. «Je me suis acheté un four, une batteuse électrique et quelques ustensiles de cuisine, et je me suis jetée à l’eau.»

 

 

Petit à petit, les commandes ont commencé à s’accumuler, allant des centaines de napolitaines pour les confirmations aux brioches pour les premières communions. «Les commandes ont commencé à affluer car les gens prennent confiance en moi. Pour la fête de l’Assomption, j’ai eu plus d’une centaine de commandes. Sans les cours au centre de formation Canne en Fleur, je n’aurais pas pu faire ce que je fais.»

 

Depuis novembre dernier, Corine Bijou a ouvert sa pâtisserie à Grand-Gaube, là où elle habite. Une entreprise qu’elle gère seule et qu’elle s’efforce de faire épanouir chaque jour : «Je continuerai d’avancer afin de réaliser mon rêve. Je veux continuer de bosser dure et continuer a géré mon petit business avec l’aide de ma famille et les très précieux conseils du chef Simon.» Pour ce dernier, Corine Bijou est l’exemple même qu’on peut réussir à condition de vouloir y arriver.