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Le contenu secret d’un carnet de Peroomal Veeren révélé

Il a surpris plus d’un en balançant un nom, celui de Pravind Jugnauth. Selon celui qui est considéré comme le Pablo Escobar de Maurice, le Premier ministre financerait un réseau de trafic de drogue. Une allégation qui a suffi pour faire oublier le fameux carnet retrouvé dans la cellule de Peroomal Veeren. Un carnet qui est en possession de la commission d’enquête sur la drogue et qui contiendrait une mine d’informations. Pourtant, l’interrogé, lui, nie que ce diary, daté de 2011, lui appartient…

Il a lui-même demandé à comparaître devant la commission d’enquête sur la drogue. Une audition très attendue depuis le début des travaux de cette instance. Et le jeudi 10 août, lors de sa comparution, Peroomal Veeren est allé d’allégation en allégation. Mais une en particulier a retenu l’attention. Celui qui est considéré comme le grand patron du trafic de drogue à Maurice, depuis la saisie record de 157 kg d’héroïne, a déclaré avoir financé la campagne du MSM en 2014 et a avancé que Pravind Jugnauth financerait un réseau de trafic de drogue dont lui assurerait la distribution dans l’île (à voir la déclaration du Premier ministre en hors-texte). Un réseau comprenant des Bangladeshis employés pour la préparation de la drogue ainsi que la distributionetdontNavind Kistnah et ses proches assureraient le dédouanement dans le port. Sauf que, lors de son audition, Peroomal Veeren a également été interrogé sur un carnet retrouvé dans sa cellule. Cependant, il a nié que celui-ci lui appartient. Pourquoi ?

 

Peroomal Veeren assure que Guy Souris, un ancien détenu qu’il a connu en prison, en serait le propriétaire. Ce dernier, qui est décédé, était en détention dans une affaire de drogue. Toutefois, la commission d’enquête sur la drogue soupçonne que le caïd de 40 ans, qui purge actuellement une peine de 34 ans de prison, a menti sous serment. Car ce diary, daté de 2011, contiendrait une mine d’informations l’incriminant. Des informations écrites à la main et en anglais. Son nom, son adresse et son numéro de carte d’identité y figurent notamment, ainsi que des informations personnelles sur ses proches. 

 

Ce fameux carnet contient, en outre, des numéros de comptes et des preuves de transactions financières importantes au sujet desquels Peroomal Veeren a été interrogé. Il y a des numéros de comptes et la preuve que des gros montants ont été échangés en euros et en dollars. L’intéressé, qui avance que c’est en prison qu’il est devenu un trafiquant de drogue pour payer les honoraires de ses 25 avocats, a alors expliqué que sa fortune, qu’il estime à Rs 650 millions, se trouve sur des comptes bancaires à l’étranger. Notamment à la National Bank d’Abu Dhabi – ce compte et le Swift code permettant les transferts seraient au nom d’une femme – et à la First National Bank of South Africa, à Cape Town, au nom d’un homme. Interrogé sur le nombre de comptes qu’il possède à l’étranger, Peroomal Veeren a déclaré, esquissant un sourire : «Sa mo pa pu kapav dir ou. Ena FIU ek ICAC. Dir zot al fouye.»

 

Paul Lam Shang Leen, lui, persiste : «Nu kone pu ou mem sa karne la.» Il se base notamment sur plusieurs informations que seul Peroomal Veeren savait. Par exemple les noms des officiers de la prison qui l’avaient escorté au tribunal de Rose-Hill, ceux des avocats qui assurent sa défense, la somme d’argent qu’il leur aurait remise (à partir de Rs 100 000), la liste de toutes ses affaires en Cour mais aussi le contenu de ses repas. Le carnet contiendrait également une liste de noms et de sobriquets de personnes impliquées dans le trafic de drogue. Tous classés en ordre alphabétique et accompagnés des coordonnées des personnes concernées, dont plusieurs numéros à l’étranger. L’un d’eux appartient au caïd ougandais Kanawanjee. Depuis plusieurs années, la brigade antidrogue le soupçonne ce dernier d’alimenter le réseau de Peroomal Veeren et de ses deux acolytes Nerf et Very Good. 

 

Se basant sur cette mine d’informations, Paul Lam Shang Leen et ses assesseurs sont arrivés à la conclusion que Peroomal Veeren n’a pas dit toute la vérité devant la commission d’enquête sur la drogue et qu’il contrôlerait le trafic de drogue depuis la prison, via des téléphones portables. «Je suis déçu», a d’ailleurs lancé le président de la commission à la fin de son audition. Dans certains milieux, l’on avance que Peroomal Veeren aurait fait une série d’allégations suivant des directives pour tenter de dévier l’opinion publique. 

 

Les travaux de la commission d’enquête sur la drogue, eux, se poursuivent. Cinq autres avocats sont attendus dans les jours à venir. Tous auraient des liens avec Peroomal Veeren. D’ailleurs, leurs noms figureraient dans le fameux carnet… 

 

Les autres «cahiers»… 

 

La Commission d’enquête sur la drogue est en possession d’autres carnets qui appartiendraient à Peroomal Veeren. Ceux-ci contiennent des noms de directeurs de bureau de change soupçonnés de blanchir l’argent provenant du trafic de drogue. Dans celui de 2016, il y aurait notamment une photo de l’actuel commissaire des prisons et ancien directeur de l’ADSU, Vinod Appadoo. Ce que n’a pas réfuté Peroomal Veeren.

 

Dans certains cas, les mêmes noms et numéros de téléphone reviennent dans tous les carnets. Sauf qu’à chaque fois que les autorités pénitentiaires mettaient la main sur un carnet, Peroomal Veeren procédait avec des codes. 

 

Comment Interpol a pu retracer Kistnah

 

La brigade antidrogue a obtenu d’autres informations de Navind Kistnah durant la semaine écoulée. Ce dernier a déclaré qu’il avait quitté le pays en direction de l’Afrique du Sud, en mars, à la demande de Peroomal Veeren. Les deux hommes auraient continué à échanger des appels taéléphoniques par la suite. Paul Lam Shang Leen et ses assesseurs sont d’ailleurs en présence d’un échange de textos entre Navind Kistnah et Peroomal Veeren, dans lesquels ce dernier demande au courtier maritime de se rendre à Johannesburg pour acheter des compresseurs.

 

Navind Kistnah a été arrêté au Mozambique en avril, avant d’être rapatrié vers Maurice via l’Afrique du Sud. Interpol est parvenu à mettre la main sur lui suivant ses faits et gestes. Ainsi, Navind Kistnah s’était rendu dans un casino où il a remporté plusieurs gains importants. La sécurité de l’établissement a alors initié une enquête. Elle a alors été informée que le possible star witness faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Alertée, Interpol l’a arrêté sur place avant de le confier à la police mauricienne.  

 

MSM : faire bloc autour de Pravind Jugnauth 

 

Il n’y a pas eu de mot d’ordre, rassure-t-on. Mais le message est passé : «Les dirigeants n’ont rien exigé. Mais on a compris : il faut faire bloc autour de Pravind Jugnauth», confie un membre du MSM. Les «révélations» de Peroomal Veeren concernant le Premier ministre doivent être traitées comme un joke, avance notre interlocuteur : «Comme si c’était un non-event.Ce qui est le cas après tout».

 

D’ailleurs, le chef du gouvernement, lors de son point de presse très sélectif (seulement la MBC et TOP FM y avaient été conviés) à son retour de Rodrigues, a parlé de «blague de mauvais goût». Dans un communiqué qui a suivi (tentative de rattraper le faux pas ?) il a, une nouvelle fois, démenti «les fausses allégations faites à son encontre» assurant qu’il s’agissait d’une tentative pour le faire reculer dans son combat contre la drogue. 

 

Mais ses communicants ont rassuré :«Aucune tentative d’intimidation ou de dénigrement planifié ne pourra l’empêcher d’accomplir sa mission». Néanmoins, il semblerait qu’aucune enquête ne sera initiée : «Ninport ki batiara fer alegasion, mo bizin fer enn lanket ?» a-t-il lancé aux journalistes qui l’interrogeaient, hier, samedi 12 août, lors du lancement officiel de la Rodrigues Students’ House.  

 

Quelque peu énervé le Premier ministre, non ? En tout cas, ses ministres se sont, aussi, passé le mot. À chaque sortie, ils ont essayé de tailler en pièces les allégations de celui qui a été condamné pour trafic de drogue. Showkutally Soodhun a résumé la pensée de ses collègues à la sortie du Conseil des ministres : «Les gens ne prennent pas Veeren au sérieux ! Le gouvernement est soudé et uni derrière Pravind Jugnauth». 

 

N’empêche, avec les casseroles que traîne le gouvernement actuellement, cette allégation a amené de l’eau au moulin des récriminations de certains Mauriciens. Et, visiblement, donné des munitions à l’opposition (voir plus bas). Au MSM, on ne se laisse pas, pour autant, abattre :«On n’avait pas besoin de ça, en ce moment. Mais on va en sortir grandi. Notre gouvernement est celui qui est venu avec la commission et cela veut tout dire», confie un député orange. 

 

Le discours est bien rodé au MSM. Mais pas tout à fait au ML. La déclaration d’Ivan Collendavelloo a, quand même, fait grincer des dents. Son «En tout cas, moi je n’ai pas reçu de financement pour les élections générales de 2014» n’aurait pas été bien accueilli par la direction du MSM…  

 

À l’heure de l’opposition. Lors des points de presse du MMM et du PMSD, le samedi 12 août, cette actualité a été commentée. Voici les principales déclarations : 

 

Paul Bérenger n’a pas souhaité commenter les allégations. Il attend que les travaux de la commission d’enquête se terminent. Néanmoins, il a fait la déclaration suivante : «Il est clair qu’en temps et lieu, toute la vérité éclatera sur les liens entre le MSM et ses avocats depuis deux ans et demi».

 

Xavier-Luc Duval a, lui, estimé que la police a failli à sa tâche : «Ce que fait la commission aurait dû être un travail fait par la police». Il a aussi demandé une nouvelle audition de Peroomal Veeren : «Y a-t-il eu tentative de rouvrir le dossier de Veeren Peroomal après les élections ? La commission doit demander des précisions».

 

Jean Marie Gangaram et Yvonne Stephen-Lavictoire